Profitez des vacances, le monde oscille entre la mort et Dieu

La torpeur estivale incite à quelques rêveries sur un monde promis au paradis ou à l’enfer. Ou plus certainement au milieu. Un curseur se déplace. En ce moment, ce serait plutôt du côté de l’enfer technumérique ou à défaut, vers un paradis artificiel, les deux étant offerts sous forme de vitrine médiatique dans les différents reportages. Des accidents industriels, crashs d’avions et guerres civiles d’un côté. De l’autre les incontournables estivales avec les images du tour de France et les cartes postales médiatiques où se pavanent les touristes filmés les pieds dans l’eau, celle plutôt salée de la mer ou bien chlorée des campings étoilés. Comme l’impression d’une illusion, d’une sorte de tour de magie médiatique. Un sentiment de vide, comme lorsque la mer se retire avant un tsunami. Il n’y a point de crise économique. Aucun décret supérieur n’impose à la croissance d’atteindre quelques points. Une croissance nulle ou de quelques dixièmes est embarrassante pour un pays qui a laissé filer la dette et le chômage ; mais elle peut très bien satisfaire un pays aux comptes équilibrés avec une population qui travaille. Finalement, toute cette crise s’avère être sociale mais aussi politique. La dette est du ressort politique. Le chômage provient d’une évolution structurelle de l’industrie et de la finance que les politiques n’ont pas su gérer avec des règles éthiques. Alors les images d’un avenir sombre ne peuvent que s’inviter dans une conscience ouverte au réel, libre de tout déni d’ordre affectif ou idéologique.
D’aucuns pensent à un retour des années 30. Je n’y crois pas. Les quelques similitudes sont superficielles. Les affrontements n’ont plus tellement pour ressort les idéologies mais plutôt les frustrations matérielles avec cette profusion d’images envoyant aux masses le spectacle des paillettes ce qui induit par ricochet le sentiment de vies mornes et ratées. La vie sociale coince et le monde du travail se crispe. Les tensions sociales prennent des virages dramatiques en Syrie, Egypte ainsi que d’autres contrées plutôt africaines, Nigeria, Congo, Somalie et j’en passe.
Cette année, les lauriers roses sont en fleur avec quelques jours de retard, ce qui ne fera pas une information. Les médias irritent les psychismes. Ils sont eux-mêmes en état d’irritation. Je tire cette idée d’irritation d’un livre de Luhmann dont je vous parlerai quand je l’aurai lu. Regardez, la venue de Sarkozy. Une meute de fou furieux et de foule militante émotionnelle. Journalistes inclus. Finalement, on peut se dire que l’avenir de nos sociétés, c’est mort, complètement mort. L’époque est résolument crépusculaire. La plongée du président Hollande dans les sondages offre une métaphore du lent naufrage européen et peut-être planétaire. Le retour de Sarkozy représente l’auto-organisation de la stupidité des médias de masses.
Ces médias de masse ne montrent pas le monde mais ils fabriquent un monde, celui qui satisfait les masses tout en s’insérant dans un cadre formaté dans les salles de rédaction. Du prêt à penser. Il faut remplir le temps de cerveau. Finalement on aurait dû y penser plus tôt. L’opinion et même nombres d’intellectuels instruits croient que les médias sont les auxiliaires de la démocratie. Je pourrais vous montrer que c’est exactement l’inverse. Les médias pourrissant la démocratie car introduisant dans la pensée des citoyens de fausses représentations du monde.
J’ai vu sur mon balcon un bourdon butinant le géranium odorant tout en ignorant les géraniums classiques. Un insecte ne se trompe jamais, pas plus qu’un oiseau. Leur perception est d’une précision incroyable. Et moi je sais que les bourdons viennent butiner et que si j’envoie un morceau de pain par la fenêtre, je déclencherai un vol de pigeons. La vie quotidienne est non seulement intéressante, elle est vraie. Par contre, les médias peuvent raconter n’importe quoi y compris les choses les plus stupides comme : le climat se dérègle ! Ah bon, parce que le climat a été réglé à une autre époque ? Les médias sont très efficaces quoique, le public commence à douter. N’empêche qu’avec tous les événements climatiques extrêmes, l’opinion pense que le climat se dérègle. Mais il y a soixante ans, les phénomènes climatiques intenses étaient tout aussi nombreux. Sauf que les médias n’étaient pas aussi développés. Fabriquer un journal télévisé coûtait cher. Les reporters parlaient de choses plus sérieuses. Le climat n’avait pas ce côté irritant. Maintenant, les gens n’acceptent plus la nature. Ils voudraient vivre sur une terre fonctionnant comme une serre climatisée.
Sachons apprécier la vie en attendant la mort et en nous préparant au lent effritement des sociétés. Le pacte républicain s’effondre peu à peu. Les sociétés sont en état de décomposition morale et intellectuelle mais les smartphones se vendent, les applications foisonnent et les automobiles de standing sont de plus en plus équipées et bien évidemment, très chères. La décomposition morale et intellectuelle touche l’éducation nationale, la recherche, l’enseignement supérieur, le système de santé et bien évidemment les partis politiques avec des militants plus proches de l’adepte d’une secte ou d’un supporter de foot que du citoyen essayant de comprendre la société pour la changer en mieux.
Les fantasmes de la singularité titillent les esprits plaçant le salut de l’humanité dans les technologies. Les sciences du cerveau progressent, comme la génétique, mais le cerveau des élus n’a pas progressé. Densification des villes, grands stades, aéroports et lignes de TGV. Bref, il faudrait enfin penser à forger le concept de développement minable. Car nous y sommes et finalement, tout est minable parce que les décideurs ont une vision de la société décalée par rapport à celle des gens qui vivent leur quotidien et bien souvent, doivent subir les décisions. L’envahissement du monde par les technologies semble présager de l’avènement de sociétés technolitaires ; néologisme construit en associant technique et totalitaire. Le problème, c’est que la technique fonctionne, devient de plus en plus efficace, et finalement croît en suivant un processus de renforcement répondant au concept de clôture autopoïétique emprunté au même Luhmann.
La technique modifie le milieu dans lequel évolue l’homme, membre de l’espèce la plus plastique, avec ses dizaines de genres. Il se pourrait bien que l’on « dévoile » la technique comme ressort artificiel induisant le développement de genres humains pas très humains. Je pense aux pervers narcissiques, quoique, ce genre a bien dû exister sous diverses formes, y compris dans l’Antiquité avec la figure du tyran tracée par Xénophon. Par contre, le genre Eichmann est très moderne et je me demande même si les structures industrielles et étatiques ne sont pas des lieux de prédilection où s’épanouissent les nouveaux Eichmann, manager et froids exécutants comme on a pu en pressentir dans une grande entreprise française de télécommunication. Il se dit aussi que dans le staff des grandes chaînes médiatiques ou dans les rouages des partis politiques ou encore dans les couloirs des CHU on trouve ce genre de sinistre personnage. Etrange époque. Des petites connes aux seins nus encore plus crétines que les Allemands völkisch de 1910 sont vénérées par les médiarques qui par une sorte de nihilisme d’un genre contemporain voudraient liquider le christianisme et les valeurs religieuses (comme du reste Hitler). Triste monde offert à l’épanouissement des nazes.
La puissance des découvertes scientifiques a obstrué les consciences, laissant accroire à un matérialisme onto-technologique, sorte de pendant athéologique à l’onto-théologie. Bref, inutile de nous gargariser de mots. Dieu existe ou pas. En fait, le divin est présent mais tout est fait pour en dissuader les gens qu’il devient facile alors de traiter d’une manière sanitaire et vétérinaire. Achèvement du néolithique. L’homme transformée en bête technologique. Echec de la philosophie.
Je contemple à nouveau ces arbres qu’une pelleteuse arrache pour bâtir un immeuble de plus dans une ville déjà dense. Je ne vois pas d’issue existentielle autre que cultiver une flânerie à la Thoreau en boudant tablettes et autres smartphones instruments de l’esclavage cérébral. Essayer de vivre avec curiosité le quotidien. Le progrès n’est plus et le cours du monde est aux mains de grands mégalopathes, terme emprunté à Sloterdijk, pour ne pas dire psychopathes. Sinon, d’autres rêveries, plus savantes, à la Platon si l’on veut, conduiront vers la vérité de la nature, de l’homme et du divin. C’est assez étrange, ce sentiment des extrêmes, d’un côté la science qui mène au nazisme technologique moyennant calculs et qui mène vers le divin moyennant travail de la conscience.
Les oiseaux dans le ciel, la musique dans la tête, l’âme tournée vers quelques gens proches, bref, les choses admirables sont à notre portée. Mais le grand nombre préfère s’irriter le cerveau en suicidant sa liberté de conscience. On ne peut pas changer le monde rapidement mais on peut modifier sa vision du monde. C’est le divin paradoxe. Le monde de l’esprit est connecté à l’éternité mais il peut changer plus vite que le monde matériel voué à l’agitation et l’irritation technumérique avec ses tweets et ses clics.
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