Prospective 2015-2017 : L’« absorption mondiale », une constante dans les enjeux du monde. Quel devenir pour l’Algérie et le monde ?
Comment comprendre la crise politique dans le monde arabe en général, et en Algérie en particulier ? N’ont-ils pas un sens dans l’histoire ? Ne préfigurent-ils pas un ordre mondial nouveau ? Comment comprendre que la transition démocratique à laquelle appelle les Algériens, en vérité, concerne la plupart des pays du monde. Non seulement le monde arabe, depuis le « Printemps arabe en 2011 », donc la Lybie, la Syrie, l’Egypte… mais aussi les grands pays tels la Russie, la Chine, y compris l’Occident où la démocratie reste à parfaire. Où persiste des blocages. Se rappeler le mouvement des « indignés » en Europe et aux États-Unis. N’est-ce pas une remise en cause de la démocratie libérale occidentale ?
Aussi, compte tenu des enjeux en Algérie et dans le monde qui rendent l’évolution du monde obscur, « quel devenir pour l’Algérie et pour le monde ? » Aussi efforçons-nous de comprendre cette évolution du monde, devenue aujourd’hui complexe et, à bien d’égard, incompréhensible. Et tentons d’en tirer des conclusions, surtout que la situation politique et économique mondiale ne plaide pas du tout à un retour à la stabilité depuis la crise financière de 2008. Bien au contraire, les conflits s’exacerbent dans le monde arabe et même entre les grandes puissances. Et il y a des risques que les pays jusque là épargnés par le « Printemps arabe » soient touchés à leur tour. La crise de l’Ukraine n’est-elle pas pendante au « Printemps arabe » ?
- L’histoire de l’humanité régie par l’« absorption mondiale » depuis 1929
Le monde d’aujourd’hui et son histoire moderne le doit si l’on veut être juste dans les grands événements qui ont marqué l’humanité aux années 1910-1920 en général, mais à l’année 1929, en particulier. Pourquoi l’année 1929 ? Pour la simple raison que l’irruption de la crise économique de 1929 est venu à point nommé montrer que l’ordre mondial à l’époque dominé par l’Occident n’était plus viable. Ce n’était pas une question de logique économique, ou de politique économique menée pars les grands pays industriels qui, à l’époque, se cantonnaient essentiellement à l’Occident. L’Europe et les États-Unis étaient maîtres du monde. Leur essor économique prodigieux n’avait connu une telle envolée dans l’histoire de l’humanité. Moins d’un quart de l’humanité rayonnait sur plus de trois-quarts de l’humanité. Toutes les richesses du monde étaient détenues par cet Occident dominateur.
Précisément la formidable production mondiale surtout par les États-Unis devenus l’« atelier du monde » – ce que la Chine est aujourd’hui –, par la force de choses de l’histoire – l’Europe était en guerre entre 1914-1918 – et les États-Unis suppléaient à la production européenne, a amené ce qui n’était pas attendu ni par les puissances occidentales ni par les sciences économiques. En effet, après la guerre et la reconstruction et la remise en état de l’industrie de l’Europe qui a duré pratiquement presque une décennie 1919-1928, l’Europe et les États-Unis auxquels on peut adjoindre le Japon se sont retrouvés les trois seules grandes puissances dans le monde. Tant par la production que par la consommation mondiale. Les pays hors-Occident ne comptaient pas, soit colonisés soit soumis par des traités de dominés à dominants où une caste autochtone privilégiée soumise ne pouvait se prévaloir comme substitut à une population mondiale de plus d’un milliard d’êtres humains dans l’« absorption mondiale ». En 1930, la population mondiale comptaient 2,07 milliards d’êtres humains. Précisément cette déficience d’une grande masse humaine en matière d’absorption eu égard à la production mondiale ne pouvait que se mal terminer. Les manipulations financières opérées par le système bancaire dès 1927 ne pouvait occulter cette donne centrale dans l’évolution de l’humanité. Et c’est ainsi que la crise suite à la surproduction à la fois européenne, japonaise et surtout américaine s’est conclue par le krach de 1929. Wall Street, la plus grande Bourse des États-Unis où opérait le système bancaire américain, relayé par le système bancaire européen est devenu un véritable un véritable casino à l’échelle mondial. Des millions de chômeurs aux États-Unis, en Europe, au Japon et dans le reste du monde.
Aucun contrepouvoir si ce n’est l’« Histoire elle-même ». La Nature a horreur du vide. La production n’étant pas contrebalancée par une absorption mondiale adéquate s’est affaissée dans les années 1930, la marche de l’histoire se préparait à un nouveau conflit mondial encore plus meurtrier. C’est ainsi qu’un deuxième conflit mondial est survenu, et qui a fait plus de 50 millions de morts et autant de blessés. La Deuxième Guerre mondiale a fait plus de quatre fois de victimes que le premier conflit mondial. Cette guerre a-t-elle été une réponse de l’histoire aux hommes pour libérer une « absorption mondiale » étouffée par l’assujettissement des peuples ? Force est de le reconnaître car, au-delà des hommes, il y a un Esprit dans l’Histoire. Et Hegel n’a pas tort quand il clamait de cette Essence absolue à l’œuvre dans l’œuvre des hommes. Car que l’on fasse confiance aux sciences économiques, il reste qu’elles sont d’essence humaine, relevant du bon vouloir des hommes et des nations. Contrairement aux sciences physiques, aux sciences exactes qui sont immuables, où l’homme subit l’action de l’Essence.
C’est ainsi qu’après 1945, un monde nouveau est généré. Plus de cent nouveaux pays voient le jour. Toute l’Afrique et une grande partie de l’Asie est décolonisée. Non seulement la reconstruction des pays en guerre entre 1939 et 1945 s’est opérée, mais l’édification des nouveaux pays d’Afrique et d’Asie a contribué fortement dans l’« absorption mondiale ». Force malheureusement de dire que deux guerres mondiales ont été nécessaires pour libérer le monde assujetti à l’Occident. Et cette libération s’est faite par le biais d’une « absorption mondiale étouffée » à partir de 1929 qui a donné les deux conflits mondiaux.
- L’agent dans le vent d’émancipation des peuples des années 1980 : la courroie monétaire
Avec la libération des peuples colonisés, un processus politique nouveau s’est enclenché pour les pays neufs issus de la décolonisation. Contrairement aux pays occidentaux, il fallait pour ces pays consolider leurs indépendances. Et les régimes politiques pour la plupart non préparés et peu dotés économiquement si ce n’est leurs ressources minières, leurs gisements touristiques ou le faible coût de leurs main d’œuvre, optaient tous pour des systèmes politiques dictatoriaux. Donc, des régimes politiques que l’on peut considérer que comme temporaires. Les peuples d’Afrique et d’Asie n’ont pas combattu pour leur liberté pour que, de nouveau, ils tombent dans des dictatures surtout si celles-ci ne remplissaient pas leur rôle dans le maintien de l’ordre public, à répondre aux besoins des peuples (emplois, éducations, aides, distribution équilibrée des richesses nationales, etc.) et par cette satisfaction à la cohésion nationale.
Précisément la décennie 1970 aura été une période charnière de l’histoire de l’humanité puisque le problème de l’« absorption mondiale » va de nouveau resurgir dans le monde et affecter surtout les puissances développées, en l’occurrence les États-Unis, l’Europe et le Japon. La population mondiale a pratiquement doublé, elle passe de 2 milliards d’êtres humains en 1930 à 4 milliards environ en 1972. Plus d’un quart de siècle sépare la fin du deuxième conflit et la nouvelle situation économique et démographique en ce début du dernier quart de XXe siècle. L’histoire de l’humanité va-t-elle recommencer comme dans les années 1930 ? Impossible, pour l’unique raison, l’Occident n’est désormais plus seul sur le marché mondial. Non seulement le bloc Est avec l’URSS et la Chine occupent des parts appréciables sur le marché mondial, mais surtout l’Europe et le japon talonnent la première puissance du monde, les États-Unis. De plus, le Tiers monde est pratiquement libéré et participe par ses exportations de matières premières et produits miniers et énergétiques (pétrole et gaz) et ses importations de biens et services à l’« absorption mondiale ». C’est aussi le début des grands consortiums économiques, les « multinationales ».
Mais fondamentalement si le monde a complètement changé dans les années 1970, les mêmes problèmes d’« adéquation de la production avec la consommation mondiale » vont se poser. L’« absorption mondiale » restera une constante dans les enjeux qui divisent le monde. Précisément, après près de trois décennies de croissance, que les Européens appellent les « Trente Glorieuses », une crise monétaire majeure surgit entre l’Europe et les États-Unis et bouleverse l’ordre mondiale. En effet, face aux émissions monétaires massives américaines, les Européens ripostaient par une duplication en monnaies européennes générant ainsi une inflation mondiale galopante. Cette crise sera le prélude à de grands changements géopolitiques dans le monde. Américains et Européens ne savaient que cette crise monétaire qui a éclaté en 1971 allait changer, en moins de deux décennies, l’ordre mondial, dominé depuis 1945 dominé par les deux superpuissances mondiales, les États-Unis et l’URSS. Les deux grands vainqueurs du deuxième conflit mondial.
Les pays européens reprochaient aux Américains de régler leurs importations par des dollars qui n’étaient plus adossés aux contreparties-or, comme le stipulaient les accords de Bretton Woods de 1944. Et cette crise monétaire qui risquait de mettre fin à la puissance du dollar, et donc à la superpuissance qui, ne pouvant plus répercuter ses déficits sur le reste du monde, serait astreinte à limiter ses importations et donc son expansion sur le monde. Le plus grave, la fin du dollar américain en tant que monnaie-centre du monde affecterait fortement l’« absorption mondiale ». Les États-Unis ne pourront plus jouer leur rôle de « locomotive mondiale » par leurs déficits commerciaux structurels vis-à-vis du reste du monde.
Précisément l’accord conclu entre les États-Unis et les pays monarchiques arabes du Golfe pour libeller le pétrole exporté en dollar et les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 permit de suppléer aux accords de Bretton Woods en maintenant le dollar dans son statut de monnaie-centre du système monétaire international. Non seulement cet accord permit de maintenir l’économie américaine dans son rôle de locomotive mondiale mais octroya aux pays arabes un un formidable pouvoir d’achat suite à la réévaluation des cours pétroliers. Ce qui atténua fortement la crise économique des années 1970. L’inflation qui en est issue malgré la détérioration des échanges – les taux de changes des monnaies sont restés très volatils – a cependant permis une distribution plus ou moins équilibrée des richesses du monde entre les nations. C’est précisément cette période de hauts cours du pétrole qui a permis à l’Algérie d’opter pour les « industries industrialisantes ». Malgré les mauvais choix économiques, l’Algérie a renforcé ses structures nationales, ce qui a beaucoup joué sur le rôle de l’Etat dans la protection de la nation.. Quoi que l’on puisse dire, l’expérience des « industries industrialisantes » ont été, par l’emploi qu’ils ont procuré à la société algérienne, un des leviers dans la cohésion nationale
Mais cette période va vite se refermer et entraîner l’Amérique à mener une politique monétaire fortement restrictive dans le monde. Le fort ralentissement des liquidités internationales et la brusque hausse de l’endettement mondial dues à la hausse drastique des taux d’intérêt américain entraîne un grave déséquilibre dans l’« absorption mondiale ».Une grande partie du monde endetté, y compris les pétromonarchies pétrolières du Golfe pris dans le sillage de l’endettement mondial et qui eut pour corollaire le contrechoc pétrolier en 1986, entraîne une forte chute de la production mondiale, et par conséquent la « consommation mondiale ». Le monde, dans les années 1980, est en crise. Ce marasme économique mondial mit fin aux oligarchies sud-américaines soutenues par les États-Unis, laissant place aux mouvements populaires d’émancipation politique et sociale. Après les pays d’Amérique du Sud, le même vent d’émancipation va emporter naturellement les pays du bloc Est. Chute du « Mur de Berlin » en novembre 1989, précédé par le « Printemps de Pékin » en mai-juin 1989. L’URSS cessera d’exister en décembre 1991.
Ces événements montrent les formidables retentissements des crises économiques elles-mêmes issues de « l’inadéquation de la production et la consommation mondiale » dont l’agent principal se situe dans « la courroie monétaire ». Les États-Unis, comme en 1929, n’ont vu que leur intérêt immédiat. Aspirer les liquidités internationales en augmentant les taux d’intérêt pour sauver leur monnaie, le dollar, et par voie de conséquence leur économie et leur leadership mondial. Mais ce sauvetage du dollar eut pour mérite (et qui n’était pas prévu dans les plans américains) de bouleverser l’ordre mondial, en laissant en 1991, les États-Unis, seule superpuissance dans le monde.
On comprend aussi pourquoi la crise économique n’a pas épargné l’Algérie dont l’économie dépend à plus de 96% des exportations pétrolières. Si l’islamisme radical a fait irruption sur la scène algérienne et entraîné une décennie noire, il est évident que cela relève aussi de la « gabegie économique » sous la nouvelle direction politique après la mort du président Houari Boumédienne. Le libéralisme effréné sous Chadli, le faible contrôle des deniers de l’Etat et l’inégalité sociale ont fait le lit de l’islamisme radical.
- Deux phénomènes, l’« islamisme » et les « délocalisations », dopant positivement l’« absorption mondiale »
Il y a parfois des phénomènes qui n’ont aucun lien mais concourent paradoxalement positivement à l’« absorption mondiale ». Et précisément les tins tanks américains comme le lobby juif financier qui détient les finances mondiales, il faut le dire par la présence de personnalités juives dans la plupart des institutions financières et monétaires mondiales, œuvrent sans le savoir dans le sens de l’Histoire. Evidemment, ces thinks tanks et lobbys américains œuvrent ou croit œuvrer pour l’intérêt de l’Occident, et de l’Amérique en particulier, mais en réalité, sans le savoir œuvrent pour l’intérêt de l’ensemble du monde.
Mais comment ce prodige s’est acquis à l’insu même des décideurs du monde, de cet Occident qui encore aujourd’hui croit dominer le monde ? Comment comprendre ce processus ?
Parlons d’abord des délocalisations. Nous en avons déjà parlé dans les analyses précédentes. Il faut rappeler le « miracle économique japonais ». Le Japon, deux fois nucléarisé, a progressé à un rythme extraordinaire entre les années 1950 et 1970. D’abord ennemi des États-Unis, puis occupé par les Américains à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il devient un « allié » de premier plan à l’Amérique. La conjoncture de la guerre froide oblige. Peu doté de ressources naturelles, la forte dépendance de l’étranger pour ses importations de matières premières et d’énergie, pousse le Japon dans la stratégie du « tout exportation ». Les États-Unis ont joué un rôle déterminant à la fois dans le développement économique du Japon et aussi dans l’absorption de leur production industrielle (automobile, électronique, construction navale) qui était massive dans l’après-guerre. Mais d’allié, le Japon est devenu concurrent comme l’Europe après sa reconstruction à l’Amérique, lui disputant les parts de marché dans le commerce mondial. Les litiges qui ont commencé à se poser entre le Japon et l’Occident et le contentieux qui a suivi obligent le Japon à se tourner vers les pays asiatiques voisins. C’est ainsi qu’au cours des années 1970 et 1980, le capitalisme japonais procède à des délocalisations massives des productions du type fordiste dans les pays d’Asie orientale et en Asie du Sud-Est. Le système est orienté essentiellement vers le développement quantitatif d'une production standardisée. L’objectif est triple : contourner les quotas qui s’inscrivent dans les barrières protectionnistes américaines et européennes, diminuer les coûts de la production grâce à une main d’œuvre bon marché et faiblement qualifiée et conquérir les marchés locaux en implantant sur place les entreprises de production. Les dragons asiatiques (Taïwan, Corée du Sud…) emboîtent le pas et délocalisent à leur tour dans les pays asiatiques, surtout en Chine – elle s’est convertie à l’économie de marché à partir des années 1980.
On comprend donc que les délocalisations japonaises ont été dictées par des « nécessités économiques historiques ». Pour l’exemple, la Corée du Sud qui était un pays pauvre dans les années 1960, s’est transformée en dragon asiatique à la fin des années 1970, grâce précisément aux délocalisations et aux joint-ventures avec les firmes japonaises. La Chine rejoindra le peloton des dragons et tigres asiatiques dès les années 1980. Les avantages que représentait le grand marché chinois, les bas coûts salariaux et une abondante main d’œuvre ont fait que des investissements massifs japonais, taiwanais et autres pays asiatiques se sont dirigés en Chine. Il était essentiel pour les pays asiatiques émergents de trouver des débouchés en Chine et même en Inde. L’absorption par les États-Unis et l’Europe étant limité.
Le même processus a joué pour les États-Unis et l’Europe. Face à la montée en puissance des pays d’Asie, les Européens et les Américains n’avaient pas d’autre choix que de suivre le Japon et les pays d’ASEAN et du Nord-Est asiatique en délocalisant massivement en Asie, surtout en Chine. Ne pas délocaliser en Asie équivaudrait pour les États-Unis et l’Europe à être « évincés du marché asiatique et même des marchés africains, sud-américains, russe… » parce que non compétitifs en termes de coûts et qualités des produits exportés (biens et services). On comprend dès lors que les « délocalisations des pays avancées aux pays en voie de développement asiatiques » qui ont été un passage obligé s’inscrivent dans l’évolution historique même du monde. Les conjonctures historiques se chargent de transférer le savoir scientifique et technologique malgré les restrictions d’ordre stratégique d’une région à une autre. Et le facteur déterminant, comme on le constate une seconde fois, aura été la « libération de l’absorption mondiale ».
Il faut rappeler que la première fois, la « libération de l’absorption mondiale » s’est opérée en 1945, et elle a été le fait de deux guerres mondiales et d’une crise économique majeure en 1929, dans l’histoire du XXe siècle. Le monde a été « broyé » par des guerres et une crise presque apocalyptiques mais « deux continents, l’Afrique et l’Asie se sont libérés de l’assujettissement occidental. De nouveau, dans les années 1980 et 1990, ce sera l’Amérique du Sud et surtout l’Asie « qui seront libérés du sous-développement » et deviendront ce qu’on nomme aujourd’hui des « pays émergents », et dont le fer de lance est BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Le deuxième phénomène a été l’islamisme qui lui aussi a fortement contribué à l’« absorption mondiale ». Evidemment, cela paraît peu croyable qu’une idéologie tirant ses préceptes de l’Islam puisse avoir un impact sur l’économie mondiale.
Pour comprendre, il faut se rappeler les crises monétaires entre les Etats-Unis et l’Europe, ces derniers refusaient d’absorber les dollars américains qui n’avaient plus la contrepartie-or nécessaire pour son remboursement en monnaie-métal. On a vu le deal que les Américains ont conclu avec les pays monarchiques arabes pour libeller leurs exportations de pétrole en dollars. Ce deal a sauvé la mise à la superpuissance qui a continué à dominer le monde par sa monnaie-centre du système monétaire internationale. Par ce deal, et libéré de l’or (fin du Gold Exchange Standard et des accords de Bretton Woods), la Réserve fédérale américaine (FED) devenait de fait la « Banque centrale du monde ». Toutes les politiques monétaires des banques centrales des grandes puissances économiques sont automatiquement influencées par les décisions monétaires de la FED. Dès lors, les États-Unis devenaient à leur tour non seulement dépendants monétairement de l’évolution du cours du prix du pétrole dans le monde mais devaient assurer une domination totale sur les gisements de pétrole du Golfe persique, qui sont les plus grands du monde. Et c’est ainsi qu’une stratégie américaine pour ainsi dire centrale dans la domination du monde est d’installer une « ceinture verte », encerclant l’ensemble des pays du Golfe persique. D’abord contre une mainmise soviétique dans les années 1970 et 1980. Et après la disparition de l’URSS contre la Russie et la Chine, devenue une grande puissance économique. Et cet enserrement géostratégique par les États-Unis s’est traduit d’abord par une guerre subversive dont l’objectif est d’installer un « islamisme allié » autour des plus grands réservoirs de pétrole du monde.
Mais si globalement, la « ceinture verte » a fonctionné, il demeure pourtant que tout ne s’est pas opéré comme l’ont voulu les stratèges américains. L’Iran a échappé à la mainmise américaine, l’Irak, malgré la guerre Irak-Iran, a aussi échappé à la domination américaine. Mais précisément cette volonté tenace américaine d’assujettir l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan s’est traduite par des guerres qui ont été extrêmement onéreuses pour la superpuissance américaine. En particulier, après l’attaque terroriste contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001. Pour le seul conflit en Irak entre 2003 et 2008, selon les calculs de Joseph Stiglitz, le financement de la guerre par les États-Unis a été de l’ordre de 3000 milliards ce dollars. Mais si on cumule toutes les guerres depuis 1990 contre l’Irak et l’Afghanistan, cette somme est largement dépensée. Il faut rappeler que la crise monétaire en 1971 et les déficits répercutés sur l’Europe le doivent en grande partie à la guerre du Vietnam qui a duré une décennie (1964-1973). Pareillement, la guerre en Irak 2003-2008 a donné la crise financière de 2008. L’Histoire se répète ? Il est évident que si l’histoire se répète, elle ne peut être la même, d’autres temps et d’autres conjonctures, mais il demeure que l’idée originelle est toujours la même. Il y a un archétype primitif, universel, appartenant à l’inconscient collectif qui meut le monde.
Cela étant, une question s’impose : « Qui a profité de ces dépenses des guerres ? » Certes l’Amérique dans son effort de guerre. Il demeure cependant que les formidables liquidités injectées dans l’effort de guerre à la fois pour lutter contre l’islamisme récalcitrant du type iranien et irakien ou de dispenser une aide pour celui soumis à la superpuissance, et de doper l’économie nationale par un gigantesque programme immobilier pour avoir l’adhésion politique du peuple américain aux plans de guerre de Washington, ont concouru à l’absorption mondiale. En effet, les émissions monétaires par la FED américaine étaient toujours allongées, toujours en hausse qu’il fallait constamment rehausser les cours pétroliers et des matières premières. Ces produits bruts libellés en dollars servaient de contreparties physiques aux émissions monétaires américaines. En somme, un substitut à l’étalon-or. Sans ce libellé monétaire, les États-Unis n’auraient jamais pu émettre autant de liquidités, à moins de créer un krach du dollar. En effet, des émissions massives en dollars qui ne trouveraient pas preneurs, le pétrole et les matières premières étant libellées en euros, en yens, en livre sterling, en en rouble, en yuan, et en dollars laisseraient le surplus de dollar flottant sur les marchés internationaux. Le couperet des marchés agirait en provoquant une dépréciation massive de la monnaie américaine.
Cependant, ce libellé monétaire du dollar a eu un effet très positif sur l’économie mondiale. Les dépenses militaires américaines couplées aux dépenses budgétaires et les facilités accordées au système bancaire américain se sont traduites par des importations massives d’Asie, de Chine en particulier. Les pays exportateurs arabes et non arabes (Russie…) ont massivement profité de la hausse massive des prix du pétrole. Bien plus, par leurs importations massives, ils ont dopé la croissance mondiale. La hausse des émissions monétaires américaines s’est répercuté sur les matières premières. L’Afrique comme l’Amérique du Sud ont largement profité. Tout ce qu’on peut dire, le monde entier a profité durant la décennie 2000. Evidemment jusqu’à la double crise immobilière et financière entre 2007 et 2008. Ainsi on comprend pourquoi ces deux facteurs, l’« islamisme » et les « délocalisations » ont joué considérablement dans l’« absorption mondiale ».
- Le soutien financier occidental non conventionnel participe massivement à l’« absorption mondiale »
L’Amérique pouvait-elle éviter ces « phénomènes herméneutiques ». La guerre au Moyen-Orient avec son lot de souffrances occasionnées aux peuples et la manipulation du système économique et financier mondial (subprimes) qui a donné la crise immobilière et financière de 2007-2008 a-t-elle été une « fatalité » ou une « nécessité » ? Par les phénomènes qui ont surgi et la formidable libération de l’« absorption mondiale » qui a suivi tant pour l’Asie, en particulier la Chine et l’ensemble des pays émergents et les pays arabes et d’Afrique malgré la langue du feu révolutionnaire qui a sorti les régimes dictatoriaux arabes de leur léthargie y compris la somnolence occidentale dans leur suffisance économique et financière, on ne sait plus si les deux décennies de 1990 à 2010 ont été une « fatalité » ou une « nécessité », probablement les deux à la fois. Le monde « est » et ne peut « être » que par ce qu’il « est », puisque cela « a été » et ce « a été » participe à son destin.
Ce qu’Hegel a énoncé au début du XIXe siècle, « il y a un Esprit absolu qui régit le monde ». Aussi doit-on dire que le développement de l’humanité appartient à une « trajectoire historique » où l’homme est à la fois instrument de son devenir et instrument de l’Histoire. Par conséquent, l’« islamisme » comme les « délocalisations » ne sont pas tombés du ciel sans qu’ils aient un sens mais entrent comme des nécessités absolues, par leur rôle qu’ils ont joué dans l’évolution du monde. Au-delà des conséquences tant pour l’Europe et les États-Unis dans leur désindustrialisation que pour les pays arabo-musulmans qui se débattent dans des guerres ou des crises sans fin, cette idéologie islamiste et ce transfert massif de technologie à l’Asie et à l’Amérique du Sud « non voulu mais imposé à l’Occident » devaient contribuer encore une fois à libérer l’« absorption mondiale » étouffée par la domination occidentale. Et même cette domination occidentale, « qui fut un un temps », entre à la fois comme une « fatalité » et une « nécessité » dans le devenir-monde. Puisque cela a été et continue dans un certain sens à l’être.
Au-delà de la « fatalité » et de la « nécessité », on ne cessera de souligner le facteur central dans l’« absorption mondiale » qu’est la population mondiale. Si la population mondiale était de 2 milliards d’êtres humains en 1930, elle a doublé au dans les années 1970, et triplé en 2000. Ce sont 6 milliards d’êtres humains qui devaient être nourris dans les années 2000, et une population mondiale qui reste toujours en hausse. En 2011, elle a passé le chiffre record de 7 milliards d’êtres humains. Posons-nous une question (qui peut paraître étrange). « Est-ce que les 2 milliards d’êtres humains qui ont survenu après 1930, et les 2 milliards qui ont suivi après les années 1970 et le milliard qui s’est ajouté après 2000 en 2011, soit 5 milliards supplémentaires à ceux de 1930 ont « demandé à exister et à vivre » ? » Alors qu’il existe deux ou trois milliards d’êtres humains, soit plus d’un tiers de la population mondiale qui vivent dans le dénuement complet, avec moins de trois dollars par jour. Ce sont des questions auxquelles l’homme, et les gouvernants du monde doivent méditer.
Le monde en 2014 a beaucoup changé. Aujourd’hui, avec Internet et les nouveaux moyens de communication, le monde est devenu même trop étroit et la population mondiale ne cesse d’augmenter avec les progrès de la science. La Chine est devenue la deuxième puissance économique du monde. En quelques années, elle a surplombé les quatre grandes puissances occidentales (Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, France) et elle aspire à devenir la première puissance économique du monde, avant les États-Unis. Evidemment, grâce à l’Occident, en particulier les États-Unis et le Japon qui ont financé et délocalisé massivement en Asie.
Après la crise financière de 2008, les États-Unis et l’Europe, en sauvant leurs économies de l’asphyxie financière, « ont sauvé en même temps l’humanité entière ». C’est grâce aux formidables plans de sauvetage, à partir de 2008, et les différents plans de relance économique opérés par les États-Unis, l’Europe monétaire, la Grande Bretagne y compris la Chine avec 500 milliards de dollars, que l’économie mondiale a continué à fonctionner. Sans ces injections monétaires, le monde serait jeté dans le plus grand chaos de son histoire. Pire que la crise de 1929. D’où les plans de stabilisation d’urgence aux États-Unis et en Europe en 2008. Les liquidités injectées depuis la crise en 2008 à 2012 peuvent donner le vertige sur cette masse d’argent mis à la disposition du système bancaire occidental, et par son biais, sont venus « régénérer », « redresser » le système financier mondial. L’Europe a injecté 2600 milliards d’euros, les États-Unis ont injecté de 2008 à 2012 environ 7000 milliards de dollars. Les déficits budgétaires et les dettes publiques européennes et américaine ont explosé.
Par exemple, la dette publique de la zone euro est passée de 5900 milliards d’euros en 2006, à 8500 milliards d’euros, en 2011. La dette publique américaine s’est envolée entre 2009 et 2012, d’environ 6370 milliards de dollars, soit presque une fois et demi le total de l’endettement généré par les des deux mandats de Bush. La dette américaine a atteint 16 394 milliards de dollars, en décembre 2012, soit plus de 100% du PIB, pour seulement quatre années du premier mandat d’Obama. A l’instar de l’Amérique et de la zone euro, les dettes publiques de la Grande-Bretagne et du Japon ont explosé. Et ces émissions monétaires occidentales continuent même aujourd’hui, aux États-Unis, en Europe et au Japon. Des « émissions monétaires synchronisées » qui même si elles influent sur les taux de change entre le dollar, l’euro, la livre sterling, et le yen, ces fluctuations demeurent « concertées » entre les quatre grandes Banques centrale du monde (FED, BCE, Banque d’Angleterre et du Japon). Et c’est cette concertation permanente des grandes Banques centrales qui sauve le monde des fluctuations erratiques et donc des krachs financiers et monétaires depuis 2008. Des krachs devenus par l’imbrications des économies du monde, devenus désormais systémiques, i.e. touchent des pays et des continents en chaîne.
Ces financements, pour la seule Amérique, quatre dispositifs (QE1, QE2, Twist et QE3), dans le cadre des politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel (Quantitative easing), ont été mis en œuvre par la FED, depuis 2008. Ces dispositifs (QE) apparaissent comme des plans extraordinaires de soutien à la financiarisation de l’économie américaine. En d’autres termes, apporter des liquidités supplémentaires au système bancaire permet d’augmenter l’emploi et la croissance de l’économie américaine. Ces QE sont relayés en Europe et au Japon par des politiques monétaires aussi non conventionnelles, seules les appellations sont différentes. En zone euro, initialement un Fond de stabilisation européen (FSE) a été mis sur pied, puis changé en Mécanisme européen de stabilisation (MES). Même processus pour la Grande-Bretagne et le Japon. Pour ce dernier, ce sont les « abénomics », qui dérivent du nom du Premier ministre Japonais Abe Shinzo.
Le soutien financier, combien même non-conventionnel, demeure cependant une « nécessité » puisqu’« il participe massivement à l’absorption mondiale ». Le monde entier y trouve son compte. L’Occident en premier dont les QE atténuent fortement la crise qui frappe leurs économies. Les pays émergents qui sont irrigués par ces flux monétaires non conventionnels voient leurs exportations soutenues vers l’Occident et les pays du reste du monde, donc ces flux participent à leur croissance et atténuent la dépression qui sévit en Occident. Les pays exportateurs de matières premières et de pétrole, de leur côté, engrangent, grâce à la hausse des prix de leurs produits bruts, des recettes conséquentes, ce qui leur permet non seulement de maintenir leurs importations en biens et services, et donc leur croissance, mais participent, par leurs importations, fortement à la croissance économique mondiale. L’exemple de l’Algérie suffit à montrer qu’une grande partie de ses recettes pétrolières s’est transformé en importations massives d’équipements, de millions de véhicules, de milliers de km d’autoroutes, de centrales électriques, de barrages, etc.
Ainsi, grâce à ces QE, « l’Occident a opéré un miracle », il a crée, et c’est une première dans l’histoire de l’humanité, d’une manière franche, une « solvabilité partagée entre la plupart des acteurs opérant dans le commerce mondial ». Et ce malgré les récriminations des banquiers centraux chinois, indien, brésilien qui critiquent les « Quantitative easing ». On peut penser peut-être que les banquiers du BRICS le font par dépit, les Occidentaux qu’on le veuille ou non restent les « maîtres du monde » en matière monétaire et financière. Mais cela ne veut pas dire que « cette carte leur est véritablement favorable ». Elle a aussi ses insuffisances.
- Le dilemme cornélien de l’Occident dans sa domination monétaire face à la Russie et la Chine
Mais depuis le milieu de l’année 2013, la situation financière et monétaire internationale semble atteindre ses limites. En effet, les États-Unis sont confrontés à la politique « au bord du gouffre » ou la « falaise fiscale » (fiscal cliff), et les mésententes entre démocrates et républicains au sein du Congrès américain ont fait que les élus ont opté pour des coupes budgétaires programmées de 85 milliards de dollars aux États-Unis à la fin de l’année 2013. Et même la Réserve fédérale a annoncé de réduire son programme d’achats de 85 milliards de dollars de bons de Trésor et d’obligations hypothécaires par mois. Si le programme d’achat compense la falaise fiscale en augmentant à la fois le soutien à l’économie et l’augmentation des prélèvements obligatoires dus à un surplus de croissance, il demeure cependant qu’une réduction programmée du QE3 présentera des risques certains à l’économie mondiale, à l’horizon 2015-2016.
En effet, les QE, i.e. une « création monétaire ex nihilo », est anticipatrice de création de richesses (biens et services) dans le monde. On sait très bien que ces programmes d’achats qu’offrent les différents dispositifs servaient aussi à financer les déficits commerciaux des pays occidentaux avec les pays du reste du monde. Par conséquent, une réduction des QE voire leur annulation pure et simple engendrerait inéluctablement un gap de liquidités internationales. Et un e rareté de liquidités internationales dans le monde alors que la crise financière n’est pas tout à fait résorbée entraînerait immanquablement une dépression économique mondiale.
Et pour ce qui est proprement dit de la réduction du programmes d’achats, la nouvelle présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, successeur à Ben Shalom Bernanke, a déclaré que « la FED aura probablement démantelé cet automne son programme massif de rachats d’actifs et pourrait commencer à relever ses taux d’intérêt environ six mis plus tard ».
Dans son communiqué publié à l’issue de deux jours de réunion de son comité de politique monétaire en mars 2014, « la Fed a annoncé l’abandon du seul critère de chômage pour juger de la capacité de l’économie à supporter une hausse des taux, en expliquant qu’un tel relèvement dépendrait désormais d’une série d’indicateurs sur l’état de santé de l’économie américaine ». Sans entrer dans les détail du communiqué de la FED, ces deux seuls éléments, à savoir le démantèlement du programme d’achats et le relèvement des taux d’intérêt même si au début ils demeureraient bas sont suffisants pour annoncer une nouvelle trajectoire pour l’économie mondiale. Il est évident que d’autres critères entrent en jeu dans ce changement de politique monétaire presque à 180° de celle qui a prévalu après 2008. Pourquoi ces changements brusques et inattendus. D’autant plus que Janet Yellen est plus considérée une « colombe » qu’une « faucon », c’est qu’il y a certainement des « impondérables » pour les États-Unis qui sont même s’ils n’apparaissent pas au grand jour sont périlleux à la fois pour les États-Unis et l’Occident tout entier.
L’Occident est partout en déclin. Dans le monde arabo-musulman, il a essuyé échec sur échec, en Irak, en Iran, en Syrie, en Egypte, en Lybie, en Afghanistan, au Soudan, etc. Face à rouleau compresseur chinois suivi de l’Inde, il est de plus en plus surplombé sur le plan économique. On peut même dire qu’aujourd’hui, la Chine est la « première puissance économique du monde ». Face à la Russie, l’Occident et les États-Unis en tête essuient échec sur échec. D’abord en Géorgie en Ossétie du Sud, aujourd’hui en Ukraine avec le rattachement de la Crimée, la flotte russe a désormais une fenêtre « russe » sur la Mer noire, et sur la Méditerranée. L’Occident se trouve confronté à une « hostilité du monde impondérable, non visible » ou « trop visible et qu’il ne veut pas voir ». Et le paradoxe dans cette confrontation, c’est que l’Occident détient les clés de la « Bourse monétaire mondiale », la « Portefeuille mondial », l’« Argent mondial » et ces liquidités internationales où il est le maître incontestable puisque que c’est à travers ces liquidités qu’il fait croître l’économie mondiale ou la fait décroître s’il en ferme les émissions nécessaires.
L’Occident est pratiquement face à un dilemme cornélien dans cette domination financière et monétaire qu’il a sur les pays du reste du monde. Entre le devoir qu’il a de créer des liquidités internationales dont ils profitent et cela est sûr, pour lancer et maintenir la croissance économique mondiale et le sentiment qu’ils n’en profitent pas puisque ces liquidités servent surtout à financer les productions des pays du reste du monde via sa consommation (ses importations ) et qui nuisent à sa compétitivité. Donc à enrichir le reste du monde et à endetter voire à appauvrir l’Occident « qui crée l’Argent, les liquidités ».
Le reste du monde engrange excédents financiers sur excédents, l’Occident engrange dette sur dette.
- Quel devenir pour l’Algérie et le monde ?
On comprend dès lors pourquoi l’Occident et les États-Unis en tête qui n’arrivent plus à influer sur l’ordre mondial, et que ni les sanctions sur l’Iran ni sur la Russie, et a fortiori la Russie, qui est l’ex-superpuissance rivale à l’Occident, et encore plus que la Chine, est en train de mettre à bas toute la stratégie planétaire américaine. Plus grave, à l’allure où va l’évolution du monde, elle est en train d’enlever toute crédibilité à la superpuissance américaine. Et c’est précisément au changement de cap de la politique monétaire que vont tenter les États-Unis de rehausser leur crédibilité, leur prestige face aux nouveaux enjeux géopolitiques et géostratégiques entre les grandes puissances.
Aussi tout concoure à dire que le monde va s’acheminer dès 2015 vers une déflation mondiale. D’ailleurs, le FMI le confirme dans ses perspectives économiques mondiales publiées en avril 2014.
La fragmentation financière et la baisse de l’offre du crédit conjugué à la baisse de la demande occidentale vont constituer une pression déflationniste sur le monde. Ce qui va se traduire par une décroissance économique généralisée dans le monde. L’Asie, l’Amérique du Sud, la Russie, et surtout le monde arabe seront fatidiquement touchés par la déflation mondiale. La Chine, par exemple, de ses 7 à 8% de croissance passera à 4% et encore en puisant massivement dans ses réserves de change pour augmenter la consommation intérieure. Il en sera de même pour la Russie, et tous les pays qui ont des réserves de changes suffisantes pour se maintenir dans la dépression économique à venir. Les pays arabes exportateurs de pétrole en particulier. Nombre de pronostics dans les agences internationales de veille stratégique économique tablent sur un pétrole à 50 dollars le baril, en 2015.
Il est évident que ce pronostic de 50 dollars le baril de pétrole est très vraisemblable compte tenu de la dégradation et de la décélération à la fois de la création monétaire et de la croissance économique dans le monde. La Russie sera par exemple fortement affectée. Une forme de revanche de l’Occident sur la Russie.
Quant à l’Algérie dont on a parlé si peu, et qui est l’objet de cette analyse dans un certain sens, l’auteur étant algérien, le but de cette analyse est de montrer qu’elle sera aussi frappée, au même titre, que toutes les puissances du monde, par la crise. Il est évident que l’Algérie aura à puiser prudemment sur ses réserves de change pour éviter une décroissance économique trop rapide. Et combien même, si la dépression économique qui sera enclenchée – « en espérant que l’auteur de tout cœur se trompe sur ses pronostics » –, vu que son endettement est très faible, l’Algérie restera toujours solvable. Il est évident que, sur le plan intérieur, l’Algérie aura à réussir sa « transition démocratique à laquelle appelle l’élite de l’opposition comme d’ailleurs commence à le « pressentir » l’élite au pouvoir ».
Beaucoup de voix croient qu’une crise ou une dépression économique mondiale pourrait provoquer une grave crise politique et sociale en Algérie. « Qu’ils se détrompent ». Il est difficile que pareil scénario puisse se réaliser en Algérie pour deux raisons essentielles. D’abord, l’Algérie a payé un grave tribut pour son indépendance et la « décennie noire » qu’elle a vécue, dans les années 1990, avec toutes ses horreurs (égorgements, bombes aveugles, et plus d’une centaine de milliers de morts, sans aucune aide de l’étranger si ce n’est puisé par son peuple lui-même qui a mis fin au terrorisme islamique), et dont d’ailleurs, grâce à l’Algérie, s’inspirent la Tunisie, l’Egypte, la Syrie, la Libye. Contre lequel, et grâce à l’expérience algérienne, ces pays luttent. Donc, pour ce point, l’Algérie n’a rien à craindre et même les islamistes en plein déclin sont en train de changer de politique. L’Islam n’est pas la panacée, l’Islam est une identité, une morale de vivre pour les Musulmans. C’est en travaillant comme le font les Chinois, les Japonais, les Allemands, les Sud-américains… que les Musulmans sont astreints s’ils veulent survivre dans un monde devenu hostile et étroit. Le pétrole n’est qu’une manne appartenant à une séquence de l’histoire.
D’autre part, est-ce que l’Islam a empêché la colonisation du monde musulman ? Est-ce que l’Islam empêchera une nouvelle recolonisation sous une autre forme ? C’est à cela que les peuples arabo-musulmans doivent penser. Et l’élite algérienne dans le pouvoir et hors du pouvoir en est pleinement consciente. Ce qui, sans encenser l’Algérie, fait de ce pays un phare pour les peuples arabo-musulmans, y compris pour les grandes puissances.
La deuxième raison, il est impossible que l’histoire de la « décennie noire » se répète en un temps aussi court. Ce n’est pas que c’est impossible, c’est simplement que le peuple algérien est en train d’atteindre une maturité que ses crises politiques et économiques ont déterminé d’une part, et que les conflits sanglants qui se passent en Syrie, en Libye, en Egypte… ont encore renforcé sa détermination. Et cette situation difficile que l’Algérie aura à vivre permettra de relancer le débat démocratique pour asseoir une transition démocratique devenue nécessaire par l’évolution même du monde. Il est évident que l’Occident lui-même aura à changer de perception sur l’Algérie devant les événements qu’il aura provoqués, et cette perception du monde arabo-musulman dont l’Algérie, sera déterminante pour le devenir de l’Occident et du monde arabo-musulman.
L’Occident lui-même aura à se confronter à une conjoncture morose de l’économie mondiale. La baisse des liquidités internationales comme dans les années 1980 conjuguée à la hausse des taux d’intérêt directeurs des Banques centrales occidentales, s’ils permettent par les liquidités aspirés par les taux d’intérêt de financer ou d’équilibrer les balances courantes, il demeure pas moins que la dépression économique mondiale sera perçue aussi par l’Occident suite à l’affaissement de la demande mondiale. Aussi des événements totalement nouveaux peuvent être déclenchés tant en Occident que dans le monde arabo-musulman et qu’il est difficile à l’heure actuelle de prévoir ou de se prononcer sur leurs conséquences.
Ceci pour dire que tout est possible. Mais ce qu’on ne doit pas perdre de vue, c’est qu’ils concourent, même s’il la fait reculer un temps, à l’ « absorption mondiale ».
Cette analyse, si les faits le démontrent, est simplement pressentie par l’auteur qui espère toutefois qu’il n’y aura pas de nouveau de nouvelles crises économiques. Et ce même s’il est reconnu que l’évolution économique mondiale est cyclique, une phase de croissance est suivie d’une phase de décroissance. Et si ces cycles qui se succèdent n’en continuent pas moins de libérer des énergies cachées, ne sont-ils pas, au-delà des conséquences, bénéfiques à l’humanité ? Tel est le dilemme des crises ploitiques et économiques dans l’évolution du monde
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
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