Prospective mondiale : États-Unis, Zone euro, Grande Bretagne, Japon, Chine Russie et pays émergents et exportateurs de pétrole à l’horizon 2015-2017
(+ Une courte prospective chiffrée 2015-2017 pour l’Algérie)
- « Rechute de l’économie mondiale ». Pronostic pour les États-Unis
Concrètement, qu’en sera-t-il de l’économie mondiale à l’horizon 2014-2017 ? Dans un bref tour d’horizon mondial, nous allons résumer ce qui risque potentiellement d’arriver pour chaque grand pôle économique du monde. Tout d’abord les États-Unis.
Un taux d’intérêt directeur de la Fed relevé signifie le retour des capitaux de l’étranger (Europe, Asie, Moyen-Orient et Amérique du Sud). Dès lors que les capitaux vont se déverser sur les places financières américaines, la Fed sera amenée de plus en plus à réduire les liquidités internationales. On peut même dire que c’est le processus inverse qui s’enclenchera entre les États-Unis et le reste du monde. Ce retour des capitaux jouera comme un substitut aux Quantitatives easing.
Sur le plan monétaire, cette inversion, par la réduction des liquidités en dollars due aux conversions massives de capitaux étrangers en dollars – rendant le dollar rare sur les marchés monétaires –, va se traduire par une appréciation du dollar face à l’euro, la livre sterling et le yen. Une appréciation qui commencera à être franche dès 2015. Evidemment, la politique monétaire américaine a cet inconvénient qu’elle mettra dans une situation économique difficile les pays du reste du monde, en particulier les pays émergents et l’Afrique. Et beaucoup moins les pays occidentaux qui disposent néanmoins de monnaies internationales « seigneuriales ».
Si dans un premier temps, la croissance peut s’accélérer, il reste à savoir le niveau auquel seront porté le taux d’intérêt directeur de la Fed, et son pendant, le taux de change du dollar avec les autres monnaies internationales. Plus le taux de change du dollar s’accroît, plus il déteint sur la compétitivité économique américaine. Donc, tout dépendra de la résilience de l’économie des États-Unis face au « choc d’un dollar fort », qui d’ailleurs aura à conditionner la durée de la phase descendante du deuxième cycle économique du XXIe siècle.
On peut néanmoins pronostiquer qu’un dollar en 2015-2016 qui atteindra un « taux de change de 1 dollar pour 1,3 euro », qu’il fluctue autour à la hausse ou à la baisse, aura à stabiliser le cours de l’économie mondiale. Comme, aujourd’hui, le taux de change euro/dollar s’est stabilisé aujourd’hui dans une fourchette comprise entre 1,45 dollar et 1,20 dollar pour un euro. Mis à part les creux compris entre 1,20 dollar et 1,23 dollar au milieu des années 2010 et 2012, dus aux politiques ultra accommodantes de la BCE dans le cadre des LTRO, le taux de change euro/dollar moyen s’est fixé à 1,35 dollar pour un euro.
Evidemment, une diminution de liquidités en dollars sur le marché mondial et le trou d’air qui aura à affecter nombre d’économies dans le monde aura des retombées négatives sur le prix du pétrole et des matières premières. Une chute du prix du prix de pétrole aura à détendre les factures pétrolières qu’auront à régler les pays consommateurs de pétrole, surtout les pays industrialisés comme la Chine, le Japon, l’Allemagne…
La question primordiale qui se posera, cet afflux de capitaux concourra-t-il à une surchauffe de l’économie américaine, via les Bourses de valeurs ? Evidemment, la situation de l’économie américaine s’est beaucoup assainie par rapport à ce qu’elle était avant la crise de 2008. Le déficit courant américain est descendu à 2,7 % du PIB alors qu’il était à plus de 6 % du PIB dans les années 2005 à 2008. D’autre part, la plupart des indices boursiers américains, comme pour certains pays du reste monde, ont pratiquement effacées leurs pertes, après la crise de 2008. Sauf les pays de la périphérie sud de l’Eurozone, Belgique, Autriche, Irlande, Australie, Chine, Hong-Kong… Les valeurs des Bourses américaines vont forcément être dopées par le retour des capitaux, ce qui à terme représentera un frein pour l’économie américaine. Une forte hausse spéculative des valeurs boursières amènera forcément une hausse accrue des taux d’intérêt directeur et une réduction de liquidités par la Fed. « Ce processus pour corriger les excès boursiers aura à clore la phase descendante qui aura probablement duré jusqu’en 2017. » Un pronostic fait a postériori sur la base des cycles passés sur au moins quarante années – les phases descendantes des cycles passés ont généralement duré entre 1 an et demi à trois ans.
- Pronostics pour la zone euro, la Grande-Bretagne et le Japon
Pour la zone euro, la situation économique et financière se présente différemment. Frappée déjà par un ralentissement économique touchant pratiquement tous les pays vertueux et non vertueux, et ce dans une phase de cycle censée être expansionniste, alors que celle-ci devrait favoriser la reprise. Ce n’est pas le cas. On peut donc considérer que « la phase montante du cycle de la zone euro a été une phase restrictive ». Dès lors que cette phase n’a pas concouru à leur sortie de crise, la phase descendante avec les restrictions de la politique monétaire ne pourrait qu’accabler encore plus les économies de la zone euro. D’autant plus que la situation est plus complexe pour les pays déficitaires notamment les pays de la périphérie Sud, y compris l’Italie et la France, et même certains pays du Nord, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche, et même l’Allemagne qui a des excédents budgétaires risque de ne pas éviter la crise.
Le comité directeur de la BCE, comme on l’a dit, sera forcé de relever le taux de refinancement de la zone, taux équivalent à celui de la Fed, non pas pour lutter contre l’inflation – au contraire la déflation menace l’Europe – mais pour éviter que les capitaux européens émigrent pour une plus-value aux États-Unis. Evidemment, le relèvement du taux directeur de la BCE ne s’est pas encore opéré. Et le conseil des gouverneurs de la BCE sous la présidence de Mario Draghi a, le 4 septembre 2014, abaissé ses taux directeurs à 0,05 %, à un plus bas sans précédent, afin de prévenir une déflation qui menace la zone euro, et redonner un peu d’oxygène à des économies qui étouffent par les plans d’austérité. Le taux de refinancement a ainsi été ramené de 0,15% à 0,05%. Le taux de dépôt auprès des Banques centrales s'enfonce un peu plus en territoire négatif, passant de -0,10% à -0,20%, tandis que le taux de prêt marginal est abaissé à 0,30% contre 0,40% précédemment. Quant à l’inflation, la prévision est abaissée à 0,6 % en 2014, et à 1,1% en 2015. Des chiffres bien inférieurs à 2 % assigné à la BCE.
On fait état aussi, de source informée, que la BCE va procéder à un nouveau programme d’achats de titres adossés à des créances (asset-backed securities ou BAS) et d’obligations sécurisées (covered bonds), dont les détails ne seront connus qu’en octobre. Un programme de 500 milliards de dollars qui se déroulera sur trois ans.
Il est évident que la baisse des taux d’intérêt va entraîner plus d’activité dans le système bancaire de la zone euro et, surtout, la nouvelle LTRO en baissant le taux de change euro/dollar aura un effet positif sur les exportations européennes. Mais ce n’est là probablement qu’« un dernier acte de la BCE », car un taux d’intérêt directeur à 0,15% ou 0,05% va se trouver dans des territoires négatifs compte tenu de l’inflation. Toujours est-il ce sera le dernier round avant que la BCE ne procède à une remontée des taux d’intérêt directeurs de la BCE en 2015. Une remontée qui n’a pas objectif pour lutter contre l’inflation mais pour dissuader ou à défaut de limiter la fuite de capitaux hors de la zone euro. Evidemment une telle hausse des taux directeurs ne fera que plomber plus la zone euro. Mais les conséquences ne seront que momentanément.
En effet, une baisse de l’euro qui commencera à s’enregistrer sur les marchés, vu la rareté des dollars sur les marchés, mettra la Banque Centrale européenne sous pression. Elle sait que si elle ne dispose pas immédiatement de son « droit de seigneuriage » pendant qu’il est encore temps, avant que l’euro ne se déprécie à moins d’un dollar, elle ne ferait que perdre les avantages que lui offre ce « droit d’émettre des liquidités ex nihilo lié à son pouvoir de duplication ». Donc la BCE aura intérêt à détendre elle-même la monnaie unique que de laisser l’initiative à la Fed de faire monter le dollar. Contrairement à ce que dit le conseiller en chef du ministre allemand des Finances, Kai A. Konrad, le « droit de seigneuriage » de la BCE ne peut s’opérer que lorsque le dollar est déprécié par rapport à l’euro. Se rappeler lorsque le dollar fort au début des années 1980 annihilait toute politique d’assouplissement monétaire non conventionnel pour les pays européens. Toute duplication monétaire européenne était sanctionnée par la baisse des monnaies européennes, le taux de change du dollar par rapport au franc et au deutschemark avait pratiquement doublé. Un pic de 10 FR et plus de 3 deutschemarks pour un dollar. Les accords du Plaza en 1985 ont mis fin à ce processus, en faisant revenir en 1986 le dollar à ses valeurs de 1979.
Et c’est la raison pour laquelle Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, déclare, malgré le refus de la chancelière allemande, Angela Merkel, et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, qu’il y a une « nécessité de procéder à des programmes d’achats de dettes souveraines et des crédits hypothécaires ». C’est-à-dire une mise en œuvre de nouvelles LTRO, qui permettent aux économies de la zone euro de se reprendre économiquement.
Ces programmes, en affaiblissant l’euro dès 2015, mettront fin aux divergences entre pays qui militent pour un « euro fort » et ceux pour un « euro faible ». Puisque ce n’est plus le choix des uns et des autres qui l’aura emporté, mais la conjoncture économique mondiale, et la phase cyclique qui aura décidé du sort de l’euro. De là se comprend que, finalement, « la phase restrictive aura joué plus positivement pour l’économie de la zone euro que la phase expansionniste qui a duré sept ans, de 2007 à 2014 ». La zone euro aura retiré de ce processus un double avantage, celui des liquidités offertes par la BCE dans le cadre d’une nouvelle LTRO, et enfin de détendre l’euro pour lui assurer une compétitivité pour son commerce extérieur. Ce qui, d’une certaine façon, compensera l’effet négatif de la hausse du taux directeur, qui normalement, devra être au-dessous du niveau de celui de la Fed.
Evidemment, l’Allemagne sera affectée par un euro faible pour ses factures pétrolières. Elle aura cependant à le compenser par son droit de seigneuriage qui lui affecte les 27,06 % des LTRO émises (en lien avec sa part dans le capital de la BCE), comme elle profitera aussi d’une baisse du prix du pétrole et des matières premières. Le prix du baril de pétrole peut probablement descendre jusqu’à 70 dollars voire moins compte tenu de la conjoncture dépressive dans le monde. Sans compter qu’une compétitivité grâce à un euro faible et une reprise économique de la zone euro ne peut que profiter à son économie.
Pour l’Angleterre et le Japon, la situation est presque similaire avec la zone euro. La dépréciation de leur monnaies par des injections monétaires que leur offrirait le « droit de seigneuriage » compenserait plus ou moins le coup de froid qui toucherait les échanges commerciaux avec les pays du reste du monde, à partir de 2015. En effet, le cours de le la livre sterling fixé aujourd’hui à 1,63 livre permet à la Banque d’Angleterre de procéder à de nouveaux programmes de rachats de dette publique et de créances hypothécaires. Comme elle a déjà opéré en 2010, en injectant des liquidités dans le cadre des Quantitative easing, le taux de change de la monnaie britannique est passé à moins de 1,45 livre sterling pour un dollar à plus de 1,65 livre sterling pour un dollar. Le même processus a joué, entre 2011 et 20013 durant lesquels les différents programmes de rachats ont amené la livre sterling à des hauts compris entre 1,48 à 1,55 livre pour un dollar vers des bas compris entre 1,60 à 1,65 dollar. Au premier trimestre 2014, la livre sterling s’est détendue à plus de 1,70 pour un dollar.
Le même processus a joué pour le Japon. Le taux de change du yen étant aujourd’hui à 105 yens pour un dollar, d’autres « abenomics » peuvent être programmés entre 2014 et 2015 pour ramener le taux de change à 130 yens. Comme lors des situations difficiles qu’a vécues l’économie japonaise où le yen s’est positionné à ce taux (1991-1992, 1997-1998 et 2001-2002). Un point à souligner, les politiques ultra accommodantes de la Banque du Japon n’ont été mises en œuvre qu’à partir de 2013. Avant cette date, le yen était surévalué. Coté entre 75 et 95 yens pour un dollar, il a été un frein pour la compétitivité du Japon.
- Pronostics pour la Chine, la Russie et les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole
Il est évident que s’il y a une flexibilité existante qui peut être utilisée dans le cadre des règles budgétaires et d’endettement, et qui sans les enfreindre ou, à la limite, les reporter après le retour de la croissance, ne concerne pas uniquement la zone euro, mais aussi les pays du reste du monde. Les pays émergents qui ont accumulé de formidables réserves de changes sur fond d’endettement de ceux qui ont émis ces liquidités sont aussi concernés. Ce qui nous fait dire que d’un côté, nous avons ceux qui détiennent le « droit seigneurial » et qui usent et en abusent et ceux qui en accumulent, c’est-à-dire la Chine, la Russie et les pays exportateurs de pétrole en particulier.
Ces réserves de change de « précaution » ont pourtant concouru à doper la croissance économique mondiale depuis le début des années 2000. La crise de 20008, si elle est venue atténuer cette accumulation, les politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel ont pris le relais. On peut penser que la phase descendante qui va voir une augmentation des taux d’intérêt directeurs américains auxquels il faut ajouter une diminution de la création monétaire par la Fed aura à affecter très durement les économies des pays émergents. D’abord l’augmentation des taux d’intérêt qui sont déjà hauts pour contrer l’inflation dans ces pays, et les Banques centrales de ces pays n’auront pas d’autres choix que d’emboîter le pas à la Fed, pour contrer ou à défaut limiter la « fuite de capitaux », ce qui déteindra négativement sur leurs monnaies, l’investissement et la consommation. Un recul des réserves de change pour soutenir leurs monnaies entraînera un affaiblissement de leurs économies. D’autre part, le recul des échanges commerciaux entre les pays émergents et avec l’Occident pèsera sur le solde de leurs balances courantes, ce qui se traduira par une hausse de l’endettement.
Le recours au FMI sera une alternative très crédible pour ces pays d’autant qu’un problème de garantie va se poser entre les pays du BRICS pour ceux qui détiennent comme la Chine de fortes réserve de changes et ceux qui n’en détiennent que très peu. La Chine ne pourra prêter des capitaux que si elle est assurée de recouvrir ses prêts ou à défaut d’obtenir des garanties en échange (hypothèques physiques, etc.).
Quant à la Chine elle-même qui a son yuan ancré sur le dollar, elle doit le déprécier par rapport au dollar pour assurer une compétitivité à ses exportations, ce qui affaiblira ses excédents. De plus, la Chine sera confronté à moins de débouchés pour ses exportations, vu le ralentissement de l’économie mondiale. Pour les pays qui vivent une bulle immobilière comme la Chine, le risque d’éclatement est potentiel avec le relèvement des taux d’intérêt.
D’autre part, le seul moyen pour la Chine de sortir d’une crise est de mettre à contribution ses réserves de changes en procédant à des politiques keynésiennes pour soutenir l’emploi. En procédant à des plans de relance, elle concourra, comme moteur, à la stabilité de l’Asie. Un réconfort pour la Chine comme pour le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, ils vont bénéficier du recul des prix du pétrole. Par exemple, la Chine qui importe environ 6 millions de barils par an, à raison de 100 dollar le baril, fera une économie de 30% par an, soit 66 milliards de dollars par an si le pétrole baissait à 70 dollars. Or, on constate que les prix du pétrole brut Brent et du WTI, depuis juillet 2014, ont commencé à baisser, passant de 115 dollars à à moins de 100 dollars pour le Brent, et le pétrole brut WTI a baissé à moins de 93 dollars. Est-ce un signal ? L’avenir nous le dira.
Quant à l’internationalisation du yuan, malgré son économie très compétitive et ses réserves de changes les plus grandes du monde, reste toujours « piloté » par la Banque centrale de Chine. Il est évident que la Chine cherche à éviter la situation du Japon qui a été sommé de rendre convertible sa monnaie, lors des accords de Plaza (1985). Le yen réévalué a mené le Japon droit contre le mur. La même situation se pose pour la Chine. Si elle procède rapidement à la convertibilité totale du yuan, elle perdra forcément sa compétitivité. Que la Chine importe moins cher par un yuan apprécié mais exporte difficilement (plus chères) ne fera qu’impacter négativement ses excédents commerciaux. C’est la raison pour laquelle elle procède à une « internationalisation pilotée du yuan » qui vise, dans un premier temps à évincer le dollar, l’euro et le yen, dans ses transactions avec ses partenaires commerciaux, dans un deuxième temps, « d’élargir l’assiette de sa monnaie dans les Banques centrales du monde, en tant que monnaie de réserve » qui compte à l’instar du dollar et de l’euro, et dans un troisième temps, « élargir la position du yuan d’unité de compte des matières premières, du pétrole… » à l’instar du libellé monétaire du pétrole, par le dollar. Une « stratégie » qui vise loin, et demandera certainement plusieurs décennies pour la Chine pour y parvenir à ce statut que ne détient que le dollar américain. En attendant le yuan reste piloté par le dollar, et non l’inverse comme on le croit.
La Russie est à peu près dans ce cas de figure, ses réserves de change lui permettront de lancer des plans de relance (infrastructures, habitats...). Probablement, elle ressentira le choc de la chute des prix du pétrole, ce qui ne sera pas ressenti sans déplaisir par les Occidentaux. Surtout depuis le conflit en Ukraine.
La même situation prévaudra pour les pays exportateurs de pétrole. L’atténuation de la crise viendra de la mise en œuvre de plans de relance. Ce qui nous fait dire que les réserves de change méritent bien leur appellation, de « précaution », et, après que les Occidentaux aient injecté massivement des capitaux, ce sera au tour des pays émergents et des pays exportateurs de pétrole d’injecter des capitaux. Une situation d’équilibre pour diminuer le déséquilibre mondial entre les pays excédentaires et les pays déficitaires.
- A 70 dollars le prix du baril de pétrole, l’Algérie peut encore
enregistrer un excédent commercial
Il est évident que l’Algérie, en tant que pays pétrolier, aura à sentir les effets de la crise. Le ralentissement de l’économie mondiale aura des retentissements forts sur les prix du pétrole. Comment réagira l’économie algérienne si le cours du baril de pétrole descendrait à 70 dollars, en 2015, 2016… ?
Si nous prenons les indicateurs macroéconomiques de 2012 et 2013, notamment les exportations d’hydrocarbures qui ont généré respectivement 72 milliards de dollars et 66 milliards de dollars, et considérons, que les recettes pétrolières seront encore plus faibles« pour l’année 2014, environ 63 milliards », pour un prix moyen du baril Sahara Blend de 105 dollars pour l’année en cours. A titre de rappel, en janvier et février, le prix du pétrole algérien a coté environ 110 dollars le baril, avec un plus haut en juin 2014, à 116 dollars. Aujourd’hui le pétrole brut Brent est à 100 dollars et le pétrole WTI à 93 dollars. Et une tendance baissière des prix du pétrole a commencé depuis juillet 2014 – « pour les motifs donnés supra » – et qui aura à durer probablement au quatrième trimestre 2014, en 2015, 2016…
Ceci dit, partons du principe que le volume des exportations pétrolières de l’Algérie aura peu évolué, mais les prix du pétrole algérien auront fortement baissé. Et « que le prix du baril Sahara Blend a baissé et atteint un prix moyen de 70 dollars en 2015 ». Les exportations pétrolières algériennes n’auront généré qu’environ 42 milliards de dollars, en 2014, bien loin des 63 milliards en 2014, et encore moins par rapport à 2012 et 2013. Donc une tendance baissière globalement confirmée, malgré les à-coups des prix conjoncturels et peu durables.
Supposons que les exportations hors hydrocarbures ont peu changé et généré 2 milliards de dollars pour 2015, « l’Algérie n’aurait perçue, pour 2015, un total de recettes extérieures que de 44 milliards de dollars ». Rapporté au montant total des importations que l’on suppose ont peu changées, d’environ 54 milliards de dollars, le solde commercial serait donc négatif. « L’Algérie aurait enregistré un déficit commercial de 10 milliards de dollars. »
Mais si le prix du pétrole a baissé fortement entre 2014 et 2015, la politiques restrictive que la Réserve fédérale américaine a annoncée va forcément inverser le cours du taux de change euro/dollar. Si aujourd’hui l’euro s’est déprécié par rapport au dollar, cette baisse de l’euro est déjà par elle-même significative. De ses hauts entre mars 2014 et mai 2014, à près de 1,40 dollar pour un euro, l’euro ne cesse de se déprécier pour s’établir à 1,295 dollar (6 septembre 2014).
On peut penser à juste raison, avec les programmes d’achats de dettes publiques et créances privées pour les pays de la zone euro (de nouvelles LTRO) engagés par la Banque centrale européenne, contrairement à la Fed qui a fermé le robinet monétaire, que le dollar va forcément se renchérir en 2014 et 2015. Voire en 2016 jusqu’à 2017.
Cette inversion du taux de change euro/dollar serait très profitable pour l’Algérie. Elle aurait pour résultat de dégonfler la facture de ses importations dont 50% proviennent des pays d’Europe, soit 27 milliards de dollars sur le total des importations. « Convertis au taux de change moyen pour l’année en cours à 1,35 dollar pour un euro, l’Algérie devrait régler environ 20 milliards d’euros à l’Europe pour ses importations, en 2014. »
Mais si l’euro aura à continuer sa baisse parallèlement au cours baissier du pétrole, le taux de change euro/dollar, à un cours de 70 dollars le baril de pétrole Sahara Blend, s’inversera et, selon nos pronostics, passera « de 1,35 dollar pour un euro à 0,77 dollar pour un euro (ou 1,30 euro pour un dollar) ».
La facture des importations d’Europe va forcément baisser au bénéfice de l’Algérie. En effet, les 20 milliards d’euros que l’Algérie réglait au cours de change d’un euro pour 1,35 dollar, convertis en dollars, « ne seront plus, au cours du nouveau change, c’est-à-dire 1,3 euro pour un dollar, qu’environ 15 milliards de dollars » (13,384 6 milliards de dollars). « L’Algérie aurait fait une économie de 12 milliards de dollars par rapport aux 27 milliards d’importations d’Europe, en 2014. » Le total des importations en 2015 étant de 42 milliards de dollars, et rapportés aux recettes extérieures de 44 milliards de dollars, « l’Algérie aurait enregistré un excédent commercial de 2 milliards de dollars », et cela sans compter qu’un dollar devenu fort va impacter à la baisse les autres importations provenant des pays émergents, essentiellement de Chine, de Turquie, du Brésil, de l’Argentine, de l’Inde, qui vont pour la plupart avoir leurs monnaies dépréciées sur les marchés monétaires. L’excédent commercial de l’Algérie dépasserait probablement les 5 à 6 milliards de dollars. Ce qui nous fait dire que la phase descendante du deuxième cycle économique de l’Algérie (*) n’affectera pas son économie. Et même avec un prix du baril de pétrole qui descendrait à 65 dollars, un léger excédent commercial est très possible. Ce n’est qu’à 60 dollars le prix du baril de pétrole que l’Algérie aura à puiser dans ses réserves de change.
Si l’Algérie a consolidé son indépendance entre 1962 et 1972, son premier cycle économique, il faut le rappeler, a commencé en 1973, lors du quadruplement du prix du de pétrole (crise pétrolière mondiale). Cette phase montante s’est terminée en 1985. Soit treize années d’expansion (*). Le contrechoc pétrolier de 1986 a provoqué le retournement du cycle économique, faisant entrer l’Algérie dans la phase descendante qui durera 13 années, de 1986 à 1998. Avec une phase critique entre 1973 et 1998 (la décennie noire). De nouveau, depuis 1999, l’Algérie est entrée dans son deuxième cycle économique, depuis son indépendance. La phase montante dans laquelle elle se trouve aujourd’hui s’est traduite par une évolution positive pour son équilibre macro-économique. Avec 200 milliards de réserves de changes, ses réserves probablement ne manqueront pas d’augmenter, mais à un rythme modéré. Aussi doit-on dire que « sa situation économique, même en temps de crise économique à venir, fait de l’Algérie le pays le plus stable du monde arabe et d’Afrique ». D’autant plus que les politiques keynésiennes (infrastructures, habitats, etc.) conjuguées à une meilleure répartition de la rente pétrolière entre les différentes couches de la population contribuent beaucoup à cette stabilisation. Il y a certes un déficit dans les grands investissements industriels, mais la préparation infrastructurelle sur laquelle elle porte tous ses efforts en fait d’eux des prémices. Et surtout que l’Algérie, ayant appris beaucoup du cycle économique précédent, à savoir les « industries industrialisantes et la gabegie dans la gestion des deniers de l’Etat », doit, si évidemment le cap est maintenu dans ces avancées, l’inscrire dans « une phase ascendante la plus longue de l’histoire ». Une phase qui a duré près de 16 années aujourd’hui (1999-2014), et probablement s’étendra au moins jusqu’en 2017.
Tels sont les pronostics qui nous paraissent potentiels pour le monde dans le resserrement monétaire projeté par la Réserve fédérale américaine et qui enclenchera la « phase descendante du deuxième cycle économique du XXIe siècle ».
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
Notes :
– L’Article « Prospective mondiale : États-Unis, Zone euro, Grande Bretagne, Japon, Chine Russie et pays émergents et exportateurs de pétrole, à l’horizon 2015-2017 », (+ Une courte prospective chiffrée 2015-2017 pour l’Algérie), est la version courte de l’article « Prospective mondiale : L’Allemagne, du Frein à la Croissance de l’Europe à une grave Rechute de l’Economie mondiale à l’horizon 2015-2017 » (Version longue), par Medjdoub Hamed, paru dans www.agoravox.fr le 6 septembre 2014 et repris par plusieurs sites français et allemands : www. erablimonde.wordpress.com ; www.trading-house.net/.../international-prospective-mondiale-l-Allemagne... ; www.ad-hoc-news.de News ; www.nouvelles.center/
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*) Medjdoub Hamed, « Algérie. Etudes et prospectives 2003-2006 ». Inédit. Economie-Essai. Février 2003
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