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Qatar 2022 retour sur l’économie politique du sport

Qatar 2022 retour sur l’économie politique du sport

La coupe du monde Qatar 2022, marque un succès qui dépasse tous les gains antérieurs du palmarès de la Coupe du Monde de la FIFA. Alors que les retombées économiques à court terme du tournoi, s’élèvent à 6 milliards de dollars, les appels au boycott, ont fait un flop. La réalité montre que face aux surenchères et pressions politiciennes, aucun pays n’a opté pour la politique du vestiaire vide, préférant cracher dans la soupe. Ce qui rappelle le fond de la Coupe du Monde : l’économie politique du sport. Par Abdellatif NGADI

L’économie du sport est cette branche de l’économie qui étudie les interactions entre sport et économie, notamment l’incidence du sport, sur la filière économique sportive et sur l’ensemble de de l’économie en général. La première difficulté que l’on rencontre pour parler d’économie du sport est cette grande richesse du champ sportif : sport amateur, sport professionnel, sport de masse, spectacle sportif, sport compétition, sport loisir… nous nous limiterons ici au sport professionnel. Le deuxième dilemme qui persiste depuis 1928, date de la décision d’organiser la coupe du monde de football, est le soubassement/primauté économique ou politique.

Historiquement, les fédérations internationales de sport voient le jour entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe (gymnastique en 1881, football en 1904…) ainsi que les compétitions internationales (Jeux olympiques en 1896, Coupe Davis en 1900, Tour de France en 1903, création de l'IAAF en 1912). Cette période a été caractérisée par le summum de la vague des colonisations et par l’exacerbation des compétitions entre puissances européennes dans divers domaines dont le sport. Dans ces conditions, le débat entre sport professionnel basé sur le résultat et le record, et le sport amateur attaché aux principes éthiques fondateurs (respect de l’adversaire, fair-play, pratique désintéressée…), cède la place au débat entre atouts économiques et aubaine politique. Dès lors, le sport va être utilisé politiquement par tous les pouvoirs (libéral, fasciste, communiste, puis fortement dans l’entre-deux-guerres et durant la guerre froide). En effet, pour plusieurs historiens et pour Jean-François Bourg et Jean-Jacques Gouguet, « Il n’y aurait pas continuité entre sports traditionnels et sports modernes mais rupture, la révolution industrielle en Angleterre constituant le berceau du sport moderne »[1].

Le contexte géopolitique de 2022 n’est pas celui de la guerre froide où le boycott a été largement utilisé entre 1970 et 1981. Cependant, si le fascisme italien a beaucoup compté sur la Coupe du monde de 1934 pour astiquer ses forfaits, il disparaitra néanmoins dix ans plus tard. Aujourd’hui, certains continuent à jouer la carte du boycott alors qu’elle est devenue contre-productive. En réalité, le boycott pénalise beaucoup plus le pays qui le pratique. De plus, tout le monde est conscient aujourd’hui, du deux poids de mesure : pourquoi boycotter le Qatar 2022 et ne pas boycotter les Firmes, notamment multinationales ou les groupes CAC 40, qui fructifient chiffre d’affaires et profits avec le Qatar ? Pourquoi se baser sur le sort des ouvriers des chantiers et fermer les yeux sur les massacres de réfugiés en Europe et d’ouvriers esclaves par certaines sociétés pétrolières en Birmanie ?...

Un Grand tournant pour booster les secteurs économiques des super-grands

Le sport est souvent décrit comme l’un des poids lourds de l’économie mondiale, puisque les estimations concordent pour l’évaluer à 2% du PIB mondial, soit 1200 milliards de dollars et sa croissance ne souffre pas des crises.

En effet, le soubassement économique, a soumis le sport aux rationalités organisationnelles et lucratives et a transformé ses mégaprojets en commandes publiques nourricières. Ainsi, on relève qu’après le lancement de la Coupe du Monde de football en 1930, la majorité des pays organisateurs est constituée par les puissances européennes, secondées principalement par trois pays d’Amérique Latine. L’entrée des autres pays ne se produisit qu’à partir de 2002.

 

4 Pays Emergents non occidentaux

9 Pays occidentaux développés

5 Grands de l’Amérique Latine

  1. Corée du Sud
    Japon-2002
  2. Afrique du Sud- 2010
  3. Russie-2018
  4. Qatar-2022
  1. Italie-1934
  2. France-1938
  3. Suisse-1954
  4. Suède-1958
  5. Angleterre-1966
  6. RFA-1974
  7. Espagne-1982
  8. Italie-1990
  9. Etats-Unis-1994
  10. France-1998
  11. Allemagne-2006
  1. Uruguay -1930
  2. Brésil -1950
  3. Chili-1962
  4. Mexique-1970
  5. Argentine-1978
  6. Mexique-1986
  7. Brésil-2014

 

Aujourd’hui, le Qatar est le treizième pays du monde et le premier pays arabo-musulman à voir son nom écrit sur le socle en or massif du trophée de la Coupe du Monde de la FIFA. Le labeur a démarré en 2008 à travers un grand plan de développement dont les premiers résultats sont devenus visibles après 14 ans. S’il est difficile de recouper les différents chiffres avancés pour établir le coût exact de la Coupe, le chiffre qui fait l’unanimité est de 220 milliards de dollars. Cette somme a été dépensé pour construire des infrastructures de haute qualité (nouvelles routes, transports publics, hôtels, installations sportives...). Les matchs se dérouleront dans huit stades de haute technologie, assurant un confort maximal aux spectateurs dont 1,5 million de supporters. Le Qatar s'attend à ce que la Coupe du Monde apporte 20 milliards de dollars à son économie à court terme. A moyen et long terme, les infrastructures qataries et leurs retombées devraient durer encore des décennies après la Coupe. Quant à la forte hausse des ventes de billets pour les matchs, elles ont dépassé à fin août les 3 millions, ce qui a surpris même les responsables de la FIFA

M. Nasser Al-Khater, patron du Comité Suprême en charge de l'organisation de cette coupe a déclaré que les retombées économiques du tournoi, s’élèvent à 6 milliards de dollars. En effet, divers secteurs ont été revigorés : agences aériennes, sociétés de pub et de communication, industries du sport, industrie du textile, tourisme, industrie de l’hôtellerie et de la restauration…, Dans le domaine de la technologie sportive Euronews cite[2] l’entreprise SponixTech, qui s’est basée au Qatar pour fournir une technologie de rediffusion immersive et des publicités virtuelles pendant les matchs en direct. Elle ambitionne d’être présente partout où il y a du sport, pour devenir l'une des principales sociétés de publicité sportive au monde.

Plusieurs médias ont estimé que l’envolée des dépenses est liée à la construction des stades puisque le Qatar ne disposait que d’un seul stade en 2010, au lieu de huit actuellement. Or, une étude du Front Office Sports, avance à raison, que le Qatar « se serait en partie servie de cette compétition internationale pour développer le pays ». Il se base sur les nombreuses constructions : immeubles, hôtels, transports, aéroports etc., pour indiquer que « Sur 220 milliards de dollars, moins de 10 milliards de dollars aurait été utilisés pour la construction des stades ».

Coûts estimés de stades dans différents pays

Stades

Pays

Coût en millions d’euros

Capacité (places ou spectateurs)

Le Port Stadium de Doha

Qatar

1 000

 

L’Arena Pantanal 

Brésil

262

43 600 places

Le New National Stadium

Singapour

400

55.000 places

Le Timsah Arena

Turquie

75

43 877 Inauguration début 2014

Ris-Orangis

France

600

82.000 places

Le Stade Bordeaux Atlantique

France

219

43.500 places (24 kilomètres de gradins).

 Tableau établi à partir de données du cabinet Deloitte

 

Quant à la FIFA, elle aurait gagné, selon Euronews quelques 5,4 milliards de dollars de revenus grâce à la Coupe du Monde 2018 en hausse de 16 % par rapport à ses revenus de la 20ème édition 2014. Organisation à but non lucratif, elle aurait réinvestit « 4,3 milliards de dollars dans des programmes de football » augmentant ainsi, les opportunités et les infrastructures de base pour le secteur privé. Il faut signaler que plus de 3 milliards de dollars de revenus provenaient des droits TV en 2018 selon la même source qui se limite à dire, concernant la publicité et le marketing que les dépenses y afférentes « vont atteindre un record cette année ».

En somme, il faut souligner que les retombées économiques, politiques et diplomatiques génèrent une hausse des coûts vertigineuse (le Qatar a dépensé cinq fois plus d’argent que les sept dernières Coupes du monde réunies). Dans la déclaration de cheikha Al-Anoud bint Mana Al Hajri, directrice générale adjointe et directrice des affaires du Centre financier du Qatar à Euronews, nous soulignons deux idées phares pour résumer les retombées de l'industrie sportive au Qatar : " C'est une occasion unique de se placer sur la carte sportive internationale ou sur la carte commerciale et économique internationale. (…) ce qu'ils verront, c'est un pays qui se transforme rapidement en une capitale mondiale du développement durable. Les entreprises qui veulent changer le monde reconnaîtront que c'est l'endroit où elles seront le mieux à même de le faire."[3]

Quant au portail allemand Statista, spécialisé en statistiques puisées d’instituts de renommée mondiale, il confirme que le Qatar a « déboursé pas moins de 220 milliards de dollars pour accueillir la compétition », ajoutant que le Mondial 2022 sera de loin le plus cher de l'histoire. Par rapport à la précédente Coupe de Russie nous avons relevé que, c’est 20 fois plus de dépenses.

 

Coûts d'organisation des coupes du monde de football par édition 1994-2022. 21 sept. 2022 .https://fr.statista.com/statistiques/1334292/depenses-coupe-du-monde-par-edition/

 

Ces tendances de l’économie de la Coupe du Monde du football et du sport professionnel en général, traduisent des mutations accompagnant la mondialisation et ce depuis la fin des années 1980. Les enjeux autour des marchés publics et les opportunités de croissance des grandes entreprises privées (aériens, BTP, audiovisuel, informatique, sécuritaire..), sont énormes. Si on adopte la base 100 en 1994, date de l’organisation de la Coupe aux USA, l’indice 2022 serait 44 000 (de 0.5 milliard de dollars, à 220 milliards aujourd’hui).

 

Cette tendance à l’accroissement des dépenses, pousse de plus en plus ce sport spectacle mondial vers les pays riches et vers plus de business. Evoquant la perméabilité du sport professionnel à l’économie de marché, Bourg et Gouguet considèrent que le sport moderne « met en cause les valeurs éthiques traditionnelles constituant l’essence même de cette activité. Les moyens économiques supplantent la finalité sportive, l’ensemble du système s’inverse et aboutit à sa propre négation : affairisme, dopage, corruption, tricheries… »[4]. L’écosystème du sport renferme d’ailleurs, ces mêmes entreprises qui œuvrent dans des secteurs connus pour ces pratiques. L’entreprise moderne multinationale est tentaculaire par sa taille, multisectorielle par ses activités, et partant, fructueuse par ses marchés et ses sources riches et diversifiées.

 

[1] Économie du sport. Jean-François Bourg Jean-Jacques Gouguet. La Découverte 2005.p.4

[2] Idem.

[3] Qatar : focus sur le business autour de la Coupe du Monde de football. Euronews 14/09/2022

[4] - Économie du sport. Jean-François Bourg, Jean-Jacques Gouguet nouvelle édition La Découverte.2005

 


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3 réactions à cet article    


  • sylvie 19 novembre 2022 09:51

    Le Qatar c’est bon ! mangez-en !

    Je pense que l’on va avoir une tempête de sable.


    • M. Nasser Al-Khater, patron du Comité Suprême .......... retombées économiques du tournoi, s’élèvent à 6 milliards de dollars

      C’est de la petite monnaie !

      Le trafic de drogue qui transite par Anvers rapporte 40 à 50 Mds $ chaque année, chaque année

      Le Gouvernement français dépense chaque année 2Md € pour les 50,000 « mineurs isolés » venus d’Afrique ou du Moyen-Orient !


      • velosolex velosolex 21 novembre 2022 10:52

        Après avoir installé le laboratoire P4 de Wuhan, dont la très forte probalité dans la responsabilité de la naissance du coronavirus, a été plus d’une fois évoqué, la France s’est distinguée, dans cette triste affaire de l’attribution du mondial au Quatar. C’est grâce à cette affairisme que ce mondial a pu exister. 

        Les langues se délient un peu. Corruption, clientélisme, retour sur intérets, arrosage tout azimut, et pas que la pelouse ! Il faut dire que dans le monde, les sentiments vont du rire, à l’indignation, au catastrophisme...Le mondial en hiver, au pays des chameliers devenus milliardaires, commençant le jour ou finit la fameuse cop, semble un mauvais gag !....Platini, et Sarko on le sait se sont très investis dans cette affaire. Au final, nous avons des stades faits pour un mois, pourvus d’une cimatisation, mais fonctionnant à ciel ouvert, et qui seront laissés à l’abandon, dans un pays pas plus grand qu’un département Français. 

        Les médias aux mains des milliardaires traitent le sujet à minima. On ne crache pas dans la main de son maitre. Je lisais dans Télérama, que « le Quatar avait une chance, et s’est infiltré dans la brèche ». Voilà toute la curiosité d’un journal qui n’est pourtant pas habituellemente le pire, dans un article de 4 pages...« Une brèche » en fait provoquée à coups de batons de dynamites et de petro dollars. On n’en parlera pas. Les joueurs Français font profil bas, ferment leur gueule, pendant que ceux des autres nations se mouillent beaucoup plus, dans leur dénonciation de ce scandale, comme les Hollandais qui rencontrent les travailleurs, ou d’autres qui font un match amical avec eux. Symbolique, me direz vous. Mais nos princes du PSG, pris dans des liens incestueux de financement, restent dans l’ombre. 

        Justement, une photo de notre équipe a du être refaite. Bien qu’elle est été réalisée par un pro, elle portait à rire. Impossible de les reconnaitre, surtout les Africains, tant l’éclairage etait mauvais. Le décor lui même ressemblait à celui d’un stalag. Une photo trop vrai faisant foi. 

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