Qu’est-ce qu’on s’aime !
Rimbaud écrivait : « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. » C’est un âge que l’on fleurit de promesses amoureuses, celles que l’on tiendra, et les autres.
Devient-on sérieux plus tard ? Parfois. Est-ce mieux ? Cela dépend. De quoi ? De ce que signifie sérieux. Dans les grandes histoires d’amour comme celle de Roméo et Juliette, portée par de tremblantes envolées lyriques, les sentiments priment sur la raison. C’est le côté divertissant de la chose, un privilège de l’amour. C’est sérieux sur le moment mais est-ce fiable sur la durée ?
Les regards énamourés, les mots scintillants, les gorges serrées, les mains tremblantes, la voix fragile comme le vent, se vendent mieux que la régularité astronomique des gens de la terre, les stables au pas lourd, les carrés pas trop bavards, les solides prévisibles et ronronnants, plutôt répétitifs (les grandes valeurs s’ancrent par la répétition).
Ceux, celles, qui ne font pas de la conjugalité un feu d’artifice permanent mais qui seront encore là, près de vous, dans 10 ans et bien plus. Pourtant cela n’a pas toujours bonne presse. Il suffit de penser à Emma Bovary et son « ennuyeux » mari. L’appel de la bête en elle l’a emportée contre toute raison.
Bon bon, l’amour est si simple et pas simple du tout, avec ou sans la Saint-Valentin.
Le désir, l’image de l’autre en nous, et le lien mystérieux des sentiments qui laissent un trou incommensurable quand on les arrache, le chaudron des âmes cuit tout cela comme une bière dont on cherche d’abord l’ivresse.
Pourtant l’amour n’est parfois qu’un mot sans substance. Je pense à la télévision, qui prend de la place dans nos vies. Il arrive que des animateurs ou animatrices terminent leur séquence en vous adressant un geste accompagné d’un « On vous aime » surprenant.
Surprenant car on ne les connaît pas personnellement. Ils et elles s’adressent à des millions d’inconnus, autant dire à personne, comme s’ils étaient cul et chemise. C’est une stratégie commerciale : on attache le client par de l’affect. Je ne crois pas une seconde à la sincérité du propos. Idem pour les artistes de variété qui nous aiment tant quand on les aime…
Le temps me rend plus critique.
Y aurais-je cru à 17 ans ? Ça je n’en sais rien ! En tous les cas aujourd’hui si une émission utilise un peu trop de cette sorte d’accroche du public, ou si elle envoie des petits coeurs avec les doigts comme des graines de pissenlit, je zappe.
On sait que ce n’est pas sérieux et qu’un changement de vent balaie ces grands élans comme une feuille morte. Voir les artistes célèbres, hier adulés, et qui font aujourd’hui la une en tant que parias du nouveau monde. Hier aimé, aujourd’hui bannis.
Ah, l’amour…
Image 1, Rimbaud par Léger.
Source image 2.
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