Quand Harry épouse Meghan
Un prince anglais et une actrice américaine se sont mariés, samedi dernier, à Windsor : soit ! Mais cela méritait-il d’occulter le reste de l’actualité mondiale, ce jour-là ?
Périodiquement, l’Angleterre nous fait le coup, à l’occasion d’un couronnement, d’un mariage ou d’une naissance. C’est un peu comme si la famille royale anglaise avait plus d’importance que les autres monarques européens réunis, comme si elle incarnait à elle seule l’idée de la monarchie dans un siècle où pourtant plus rien ne la justifie. Et cela, bien sûr, se traduit par une médiatisation délirante de ses moindres faits et gestes. Le mariage, samedi 19 mai à Windsor, du prince Harry et de l’actrice Meghan Markle en a encore apporté la preuve, puisqu’on estime qu’il a été suivi par deux milliards de personnes dans le monde. Autrement dit, l’union d’un jeune anglais qui doit tout à sa naissance (sans d’ailleurs être appelé à régner un jour sur son pays) et d’une actrice de télévision américaine est parvenue à retenir, devant leurs téléviseurs, près du tiers de l’humanité ce jour-là !
Comment ce qui est en soi un non-évènement a-t-il pu se transformer en un spectacle planétaire ? Passe encore que les Britanniques puissent trouver dans cet assaut de faste et de bons sentiments un dérivatif à l’incertitude économique qu’ils connaissent depuis le Brexit. Passe encore qu’ils puissent en tirer de la fierté, même si ce n’est qu’une des formes les plus outrancières de leur aliénation. Mais les représentants des autres nations ? Mais les Français, dont la culture politique est la négation historique de ce régime monarchique ? Un régime d’ailleurs ramené à une tradition locale dont le principal intérêt est désormais d’ordre touristique et économique (un milliard et demi d’euros ont été ainsi engrangés par l’état anglais).
Samedi dernier, à l’heure du journal télévisé de 13 heures, France 2 avait fait le choix, comme sa concurrente privée TF1, de retransmettre exclusivement cette envahissante cérémonie. En décembre dernier on avait eu droit, sur la même chaîne et à la même heure, aux funérailles de Johnny Halliday – mais il est vrai que celui-ci pouvait passer pour une gloire nationale. Et cinq mois plus tard, le même hold-up télévisuel a recommencé avec ce mariage princier d’outre-Manche. C’est à croire qu’il n’y avait rien de plus urgent et de plus important dans le monde, ce jour-là ! Il y a quelque chose qui défie l’entendement, quelque chose qui insulte notre conscience démocratique. Il est à noter que jamais, dans les reportages présentés en annexe, la parole n’a été donnée à des opposants - et il y en avait aussi en Angleterre – à cette ostentatoire union du luxe et du profit.
Une telle programmation relève ni plus ni moins de l’arbitraire et du mépris pour le téléspectateur français. C’est la mission du service public et sa vocation pluraliste qui ont été bafouées par l’une de ses principales chaînes. Nous sommes donc en droit de lui demander des comptes. Et pourtant aucune voix ne s’est élevée pour dénoncer ce scandale d’autant plus criant que France 2 est financée par nos impôts. Comme si la joyeuse imbécilité des Anglais avait été, via la télé, inoculée aux Français. Comme si nos concitoyens voulaient, eux aussi, croire aux contes de fées.
Jacques LUCCHESI
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