Les (quelques) articles parus dans la presse occidentale à propos du sommet des BRICS qui se déroulait du 25 au 27 juillet le 10e sommet des BRICS à Johannesburg, en Afrique du Sud, reflètent bien l’état d’esprit cynico-dépressif qui anime actuellement les élites occidentales vis-à-vis de ce nouveau monde émergeant : « L’Initiative une ceinture et une route [ICR] de la Chine n’est pas à la hauteur », titre le Financial Times. Le porte-voix de la City de Londres énumère les problèmes d’endettement, de gouvernance et d’opacité. C’est l’hôpital qui se fiche de la charité. Dans le même registre, le journal Le Monde veut faire croire que les BRICS « cherchent un nouveau souffle », et que malgré les « vœux pieux » de Vladimir Poutine et de Xi Jinping, « le bilan du sommet semble néanmoins plutôt mince ». The Economist déverse quant à lui sa bile sur l’ICR, décrivant « un projet sinistre visant à créer un nouvel ordre mondial dans lequel la Chine sera la puissance prééminente », et mettant en garde les pays souhaitant y prendre part, qui « pourraient finir par regretter l’enthousiasme de leur gouvernement ».
Pendant ce temps, le feuilleton du « Benallagate » tournait en boucle dans les médias français.
En vérité, la Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS, fondée en 2015, va également monter en puissance. Le montant des prêts accordés par la Banque, de 6,4 milliards d’euros en 2018, devrait doubler en 2019 ; une branche régionale a été ouverte à Johannesburg, et une autre doit voir le jour l’année prochaine à São Paulo, au Brésil, avec pour objectif de s’ouvrir à d’autres pays en développement.
La coopération entre les BRICS-Plus et l’Afrique a constitué le fil rouge du sommet, dans le contexte du 100e anniversaire de Nelson Mandela. De plus, le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi ont chacun effectué une tournée de plusieurs jours sur le continent, le sommet des BRICS formant un point d’orgue.
Loosers
« Je ne veux pas effrayer le public, mais nous n’avons jamais eu de QE [« quantitative easing », ou programme de rachats d’actifs par les banques centrales] auparavant. Il n’y a pas de précédent d’inversion d’un tel processus. (…) Les gouvernements ont emprunté trop de dette, et les gens peuvent paniquer si les choses changent ». Celui qui parle ainsi est Jamie Dimon, le PDG de l’une des grosses banques du monde, la J.P Morgan, le 30 juillet sur CNBC.
En réalité, derrière l’endettement public — la cible favorite des néolibéraux —, l’un des points chauds de cette vaste pyramide de Ponzi est le niveau d’endettement des entreprises privées (« corporate debt »), qui représente aujourd’hui 500 % des bénéfices privés. Ce ratio est le même qu’avant le krach de 2008, comme le fait remarquer le site financier MarketWatch
À la City de Londres, où la dette des entreprises atteint également des niveaux records, on sue à grosses gouttes à la perspective d’un « hard Brexit », qui mettrait en péril l’immense marché des produits dérivés proliférant sur la place financière britannique. Le fait que la Deutsche Bank ait déjà commencé à transférer ses opérations sur dérivés de Londres à Francfort force les Britanniques a proférer des menaces à peine voilées à l’encontre de l’Union européenne.
Pour le milliardaire britannique Lord Alan Sugar, le transfert de la Deutsche Bank signe « le début de la fin de la City en tant que fournisseuse de services financiers ».
Glass-Steagall
Si l’on ne peut que souhaiter voir disparaître de la surface de la Terre la City de Londres — qui a constitué jusqu’à présent le cœur d’une véritable entreprise criminelle œuvrant contre les intérêts de l’humanité – on n’a toutefois aucune raison de se réjouir à l’idée que le cancer financier soit transféré sur le continent européen.
Puisque le plus gros de la dette des entreprises correspond à des opérations spéculatives sur dérivés, il y a urgence à soumettre les établissements bancaires et financiers à la seule mesure préventive qui vaille : une procédure de réorganisation « Glass-Steagall » – séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires – qui placerait un mur de feu entre d’un côté les opérations traditionnelles de prêts et l’épargne populaire, et de l’autre les titres financiers spéculatifs. Cela nécessiterait la mise en place d’un audit public sur les avoirs financiers des banques, afin de déterminer s’il s’agit de prêts sains ou de paris spéculatifs. Ces derniers seront alors placés dans une structure à part, faisant ainsi assumer les risques aux seuls partenaires financiers concernés.
Cette séparation bancaire ouvrirait la voie au rétablissement d’un système de crédit public assurant que l’émission de crédit et de monnaie ne soit plus entre les mains de faux monnayeurs servant des intérêts financiers privés, et qu’elle soit vouée au développement de l’économie physique.
Le 30 juillet, les militants du LPAC (Comité d’action politique de l’économiste américain Lyndon LaRouche) aux Etats-Unis, amis du parti politique fondé par Jacques Cheminade, Solidarité et Progrès, ont accueilli le Premier ministre italien Giuseppe Conte, qui rendait visite au président Trump à la Maison-Blanche, avec une banderole proclamant « Benvenuto Prime minister Conte – Go Glass-Steagall ! ». Plusieurs médias italiens ont couvert cette manifestation, dont l’agence italienne Vista, qui a publié une vidéo sur son site internet.
Grâce à la mobilisation du Movisol, l'équivalent de Solidarité & Progrès en Italie, une résolution en faveur du Glass-Steagall a été introduite dans cinq régions italiennes, et environ 200 signatures d’élus ont été collectées. En France, notre mobilisation citoyenne pour la « loi de moralisation de la vie bancaire » se poursuit également. Près de 250 députés et sénateurs ont été rencontrés en rendez-vous, et plusieurs d’entre eux ont interpellé le gouvernement à ce sujet. À nous d’accroître l’effort pour que le débat sorte des coulisses du pouvoir et soit enfin ouvert sur la place publique !