Quand l’esprit guérit le corps
Le physique et le moral ont-ils partie liée comme l’état neurologique avec l’état mental ? De nombreuses données scientifiques attestent d’une action de la pensée sur la matière, notamment en matière de guérisons dites « inexpliquées » voire « miraculeuses »... Quelle est « la nature » de « l’esprit » et celle, ultime, de la « réalité » ? Un ouvrage écrit à quatre mains fait le point sur ce qui agit aux frontières entre l’esprit et le corps.
La maladie et la mort donnent à penser aux humanités de toutes les cultures et de tous les temps, confrontées à l’épreuve de la souffrance comme à l’énigme de leur venue au monde. S’il y a une quête de sens qui affecte les individus des sociétés traditionnelles comme ceux des sociétés occidentalisées « postmodernes », c’est bien le rappel de nos corps souffrants.
Ce « donné corporel brut, universel » de la maladie est est pour chacun la plus intime, la plus commune et la plus humaine des expériences. Depuis le commencement, l’art de guérir pose la question des rapports entre le corps et l’âme, la question de la croyance et de la qualité du lien social mobilisé pour le processus thérapeutique : « La perception d’une dimension spirituelle du monde est probablement la marque la plus caractéristique et la plus ancienne de notre conscience » constate le neurologue Antoine Sénancourt (pseudonyme du Dr Antoine Moulonguet).
La médecine (c’est-à-dire l’ensemble des connaissances ayant pour objet la conservation ou le rétablissement de la santé) serait née avec la religion (c’est-à-dire l’ensmble des croyances et des dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré) : « Toutes les traditions spirituelles ont une tradition médicale » rappellent Antoine Sénancourt et Jocelyn Morison dans leur essai à quatre mains qui invite à entrer dans la danse entre l’esprit et la matière.
La première fonction sociale dans les communautés humaines a vraisemblablement été le chaman, le prêtre-guérisseur qui connaissait les interactions entre le corps et « l’esprit » et préparait ses propres médications. Toute thérapie passait alors par un contact avec « le surnaturel » et le sacré. La guérison nécessitait un « état d’esprit spécifique dominé par un sentiment puissant et une certitude qu’un miracle allait se produire », portée par une ambiance de foi et une énergie collective. Ainsi, les miracles ou l’autoguérison « dépendrait de notre confiance et de la puissance que notre espérance leur communique ». Ce que Dostoïevski (1821-1881) exprimait ainsi : « Chez le réaliste, ce n’est pas la foi qui naît du miracle, mais le miracle de la foi ».
La médecine occidentale aurait commencé avec l’approche analytique et synthétique d’Hippocrate (450-377 avant J.-C.), fondée sur l’observation et le raisonnement, dans l’île de Cos – elle est considérée comme la première « rupture » avec l’empirisme et la « pensée magique » des civilisations antérieures.
Graduellement, entre la Renaissance et les Lumières, l’homme cesse d’être considéré par rapport et en fonction d’un transcendant. « Dieu » ne structure plus l’espace politique, moral et culturel – d’où une irrémédiable raréfaction du tonus symbolique des sociétés humaines occidentales.
Notre médecine est issue d’une société désenchantée qui identifie « le bien » à l’avoir plus qu’à l’être et considère la santé comme un « capital » - la maladie étant perçue comme une perte voire un dysfonctionnement de la machine humaine. Pourtant, le génie du vivant n’en finit pas de nous étonner...
Effet placebo, guérisons « inexpliquées » et médecine quantique
Les travaux de Cleve Backster (1924-2013), ancien spécialiste des interrogatoires à la CIA, sur les réponses galvaniques des plantes à divers stimuli, physiques ou psychiques, au moyen d’oscilloscopes ou de polygraphes, ont révélé leur sensibilité à la souffrance de leurs congénères ainsi qu’à la souffrance animale » : « Les plantes semblent entrer en résonance avec toutes les formes de vie qui les entourent et cela inclut les humains ».
Antoine Béchamp (1816-1908) rappelait que si l’attaque d’une bactérie est capable de créer une infection, c’est parce « ce que nous sommes détermine le degré de réponse de l’organisme et donc l’impact final de la maladie » - « la maladie n’est rien et le terrain est tout »...
Ainsi, « la première question que posait Hippocrate à ses malades était : « Qui êtes-vous ? » Sommes-nous bien certains d’être « soumis à la chimie du cerveau » ? Ou avons-nous le pouvoir d’agir sur notre matière cérébrale ? Selon cette approche, le corps n’est pas seulement celui dont on souffre et que l’on remet passivement aux bons soins du médecin, mais aussi une entité porteuse de son propre potentiel de régénération – un potentiel que le sujet actualiserait par un bon usage de sa pensée, par un acquiescement et un abandon confiant à une puissance vitale active dans le rapport de soi à l’univers...
Ainsi, « croire ferait gagner quatre à six ans d’espérance de vie", avec un effet positif sur la tension artérielle, le rythme cardiaque, l’immunité ». Explication : « Le cerveau croyant synthétise des neuromédiateurs comme la sérotonine qui améliore notre humeur, ainsi que des endomorphines , molécules très proches de la morphine, qui atténuent l’importance de nos douleurs ». La preuve par l’effet placebo ? Le terme vient du psaume 114 des vêpres, récité pour les morts dans les églises : « Placebo domino in regione vivorum » (« Je plairai à Dieu »). Le seul médicament reçu par nombre de malades guéris par une substance sans principe actif était « une substance immatérielle et immortelle : l’espoir » selon les termes du neuropsychologue Mario Beauregard qui en précise le processus : si l’effet placebo « repose spécifiquement sur la croyance et la conviction mentale qu’un remède particulier sera efficace », il mobilise un potentiel d’autoguérison parfois spectaculaire dans les cas avérés de guérisons dites « miraculeuses ».
Ainsi, « les croyances de la personne modifient la réponse du cerveau ». Selon le psychiatre Edouard Zafarian, l’effet placebo est la « somme des convictions de guérir du soigné et du soignant ».
La pratique de la méditation aurait un « effet protecteur sur la taille du télomère, petite structure à l’extrémité des chromosomes dont le racourcissement avec le temps entraîne des processus de vieillissement ». Ainsi, des études révèlent une « augmentation de la production de l’enzyme télomérase, qui permet l’allongement et la restauration des télomères » avec la pratique de la méditation.
Ce qui n’est pas rappeler la notion de « conscience pure » des traditions spirituelles d’Inde et d’Asie « pour lesquelles le substrat même de la réalité est une supraconscience primordiale que l’on « rejoint » lors de la méditation profonde ou d’autres expériences, "car elle est notre nature profonde et véritable ».
Pour les praticiens qui se réfèrent à la « médecine quantique » (l’appellation « médecine informationnelle » serait plus appropriée à ce stade des connaissances...), il y aurait « une énergie en amont du monde physique accessible à nos sens ». La pensée de base de la médecine quantique est que « tout en nous est vibratoire et et possède donc une fréquence spécifique, que ce soient les cellules de nos différents organes, mais aussi les agents infectieux ou cancéreux ».
Selon cette approche, les maladies « correspondraient à une diminution de notre énergie interne qui fait basculer nos atomes vers une forme corpusculaire moins énergétique qu’une forme ondulatoire ». C’est la conviction de Joe Dispenza : « Plus votre corps est matière, et moins il est énergie, plus vous serez à la merci de la deuxième loi de la thermodynamique – la loi d’entropie – qui postule que des systèmes organisés abandonnés à eux-mêmes tendent à devenir, avec le temps, de moins en moins stables et organisés. » (Le Placebo c’est vous ! éditions Ariane, 2014) Un traitement par ondes appropriées permettrait-il de rétablir l’équilibre fondamental vers un état ondulatoire « optimisé » de notre substance corporelle ? Pour les praticiens se référant à la médecine « quantique », il existe des mouvements perpétuels d’énergie dans une vaste matrice cosmique : les particules matérielles seraient les « émergences de ces paquets d’énergie ».
En physique quantique relativiste, « le vide est rempli de champs électromagnétiques qui conservent une énergie résiduelle, même au zéro absolu ». Selon certaines études menées depuis les années 80, les « mains du miracle » de nombre de guérisseurs « émettraient des ondes de 7,8 Hz, tout comme les ondes cérébrales en état de relaxation » - elles seraient reçues par le patient, « au niveau de la glande pinéale, ce qui remettrait l’organisme « en cohérence » avec l’environnement, car cette fréquence n’est autre que la principale « résonance de Schumann » du champ magnétique terrestre ».
En 1993, Brendan O’Regan et Caryle Hirschberg de l’Institut des sciences noétiques retiennent, après analyse des cas de guérisons dites « inexpliquées », 1574 cas de rémissions spontanées entre 1864 et 1992 – essentiellement des mélanomes. Leurs études ont identifié des modifications immunitaires dans le sang des sujets qui guérissaient – il semble possible de stimuler le système immunitaire sans que les influences de l’esprit « puissent être réduites à des réactions chimiques ou converties en mesures de concentration de neuromédiateurs ».
Il y a aussi des « lieux qui guérissent » - en l’occurence, des lieux d’élévation spirituelle,comme l’église de Thuret (Auvergne), qui auraient été le théâtre de guérisons plus ou moins spectaculaires.
Le pélerinage à Lourdes suscite parfois des « miracles ». Ainsi en août 2009, Antonietta Raco, une quinquagénaire immobilisée depuis 2005 par une sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot), repart guérie. Les spécialistes constatent une constante chez tous ces « miraculés » : « sauf exception, ils n’ont jamais demandé la guérison pour eux-mêmes »...
Des patients anesthésiés ont vu leur corps abandonné sur la table d’opération, entouré de soignants fébriles, et rapporté que « l’esprit » continue d’exister sans son support physique – ils ont perçu, lors de cette situation de décorporation, d’autres présences leur insufflant la certitude que « ça allait bien se passer »...
Peut-on réduire l’esprit à une faculté du cerveau ? Son déploiement excède les connexions neuronales : « Le cerveau ne secrète pas l’esprit comme le foie secrète la bile ». Ce qui se joue, au-delà de la vitalité organique et l’activité cérébrale du sujet, c’est la mobilisation de ses propres potentialités immunitaires et curatives – ce que Claude Levi-Strauss (1908-2009) nommait l’efficacité symbolique en observant une cure chamanique, sous-tendue par une vision du corps et de l’univers en vigueur chez les Indiens Cunas au Panama.
Le paradoxe de notre postmodernité sécularisée est bien là : d’un côté, elle a désenchanté le monde réduit à un stock de ressources exploitables à merci, et de l’autre, elle prétend « promouvoir un accomplissement individuel réclamant un surcroît de ce spirituel qu’elle a contribué à chasser » - valorisation oblige...
Le déficit de foi, le manque d’énergie collective et la désymbolisation générale feront-ils place au retour d’une « spiritualité » efficiente par une réintégration dans un champ de signification symbolique porteur ?
S’ il est avéré que « nos croyances ont un effet créateur » sur les phénomènes dits « paranormaux » que nous observons, peut-on envisager l’existence d’une conscience-énergie organisatrice de toutes les formes manifestées et à l’oeuvre dans nos processus de pensée ?
La « science » ne trouve que ce qu’elle cherche dans l’univers phénomenal, c’est-à-dire ce qui fait « l’objet d’un investissement ». Ne mettrait-elle « en narration » que ce qui assurerait certains « retours sur investissement » ? L’effervescence de divers syncrétismes et autres thérapies alternatives annoncerait-elle les retrouvailles du médical et du religieux ?
Voilà un champ de recherche prometteur vers un gisement de ressources inutilisées et un réservoir d’énergie collective inemployée dont la (re)mise en oeuvre dans une communauté de bonnes pratiques répondrait à un besoin jusqu’alors inasouvissable... Ce que l’auteur de science-fiction Philip K. Dick (1928-1982) reformulerait sans doute ainsi, dans un système-monde dont les coutures narratives craquent de partout : la réalité, « il faut la créer, plus vite qu’elle ne vous crée ».
Antoine Sénanque & Jocelyn Morisson, Comment l’esprit agit sur la matière – psychokinèse et guérisons inexpliquées, Guy Trédaniel éditeur, 256 pages, 20 euros
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