Quand la guerre permet à la dictature de la bourgeoisie de faire la démonstration de tout ce dont elle est capable
Dès le lendemain de la signature de l’armistice, une décision d’apparence très banale est prise. Jacques Bariéty nous en indique le contenu :
« Le 12 novembre 1918, le maréchal Foch, sur les conseils de son chef d’état-major Weygand et du général Payot, qui dirigeait ce qu’on appelle aujourd’hui la logistique, fait appel à un haut fonctionnaire français mobilisé, Paul Tirard. » (Idem, page 34)
Ce Weygand, c’est bien sûr le futur généralissime des armées françaises au contact duquel se trouvera l’un des futurs co-auteurs de la livraison de Jean Moulin à Klaus Barbie le 21 juin 1943 : le colonel Georges Groussard, qui offrira Paris en mains propres aux Allemands en juin 1940 (ce qu’il a gentiment raconté lui-même après guerre…), le tout en synergie avec un Maxime Weygand – dont il paraît qu’il serait peut-être un fils illégitime du roi des Belges Léopold II – nommé commandant en chef de l’armée française le 17 mai 1940 par le président du Conseil Paul Reynaud… derrière qui nous retrouvons très vite le général à titre temporaire Charles de Gaulle…
Mais Paul Reynaud était là lui aussi dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, et très occupé par la question des réparations… comme nous n’allons pas tarder à le constater.
Pour compléter un peu ce gentil tableau qui commence à nous monter à la tête, ajoutons qu’il y avait, aux côtés du haut fonctionnaire Paul Tirard choisi par le maréchal Foch, un conseiller financier : l’inspecteur des Finances, Edmond Giscard d’Estaing, qui allait être bientôt (en 1926) l’heureux papa du petit Valéry…
Peut-être faudrait-il s’arrêter ici, et s’en tenir gentiment à cette légende gaullienne qui a réussi à bercer la connerie française depuis tant et tant de décennies… tandis que la vieille France en est à mourir de rire devant un tel spectacle, elle qui se trouve tellement à l’aise en présence d’un peuple d’une vanité consternante et qui n’a à la bouche que ce bâillon qu’il a bien voulu y engouffrer lui-même, et qu’il est absolument hors de question d’aller lui retirer : il vous mordrait, l’animal !…
Mais la mémoire de Jean Moulin exige de passer par-dessus toutes les prudences possibles… car, un jour, qui n’est peut-être pas si lointain, la jeunesse de France – la toute petite élite humaine qui se trouvera au cœur de la jeunesse de France – entendra enfin la voix de Romanin…
Quand il déboule auprès du maréchal Foch, Paul Tirard vient de loin. C’est ce que nous rapporte Jacques Bariéty :
« Maître des requêtes au Conseil d’État, Tirard était parti en 1912 pour le Maroc, où, jusqu’à la déclaration de guerre de 1914, il avait été auprès du général Lyautey le secrétaire général de la Résidence française. » (Idem, page 34)
Pour ma part, j’ajouterai que Gaston Palewski (c’est-à-dire le futur lien direct entre Charles de Gaulle et Paul Reynaud, mais aussi avec le conglomérat Wendel) aura été lui-même attaché politique au cabinet du maréchal Lyautey à Rabat pour les années 1924-1925…
Initié par son nouvel entourage de spécialistes de l’économie et de la colonisation, le maréchal Foch fait très vite son chemin… de sorte que, dès le 2 janvier 1919, et tandis que les tractations de paix se déroulent à Versailles et qu’il est donc lui-même toujours un généralissime dans le plein exercice de ses fonctions militaires, il adresse ses instructions savamment orientées aux troupes françaises :
« La question politique est étroitement liée à la question économique ; les populations des territoires occupés, séparées du reste de l’Allemagne, s’inquiètent du maintien de l’activité industrielle des territoires, de l’adduction des matières premières, des débouchés pour les produits fabriqués, enfin de l’opportunité de se rapprocher du cercle économique allié en se dégageant, si possible, du Zollverein germanique dont elles redoutent les charges et le contrôle, rançon de la défaite et instrument de réparation. » (Idem, page 36)
Zollverein… Evidemment, dans ce moment précis où il était question de faire payer l’Allemagne, il valait mieux ne plus dépendre du Zollverein… pour un temps tout au moins… Ainsi les « territoires occupés » pouvaient-ils peut-être glisser du côté français… d’où la nécessité de ne pas donner au soldat français une allure exagérément martiale… Et puis, tout cela se passe au moment où le gouvernement socialiste allemand s’apprête à massacrer les spartakistes (la Semaine sanglante s’étendra du 5 au 12 janvier 1919).
Le 3 janvier 1919, le Maréchal tient, par lettre, le même genre de propos auprès du président du Conseil, Georges Clemenceau :
« Or, les industriels et les classes dirigeantes des pays occupés seront, sans doute, enclins à rechercher une alliance économique qui leur apporterait l’appui des Alliés, la garantie d’échapper, partiellement du moins, aux responsabilités économiques, peut-être même aux charges de guerre imposées par les Alliés, et qui leur assurerait des matières premières, des débouchés, et l’ordre français en face de l’anarchie bolchevique. » (Idem, page 37)
Le 21 janvier 1919, le quatorzième numéro de la Pravda publiait un discours prononcé deux jours plus tôt par Vladimir Ilitch Lénine. On pouvait y lire ceci :
« Aujourd’hui, à Berlin, la bourgeoisie et les social-traîtres exultent : ils ont réussi à assassiner Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Ebert et Scheidemann, qui, au cours de quatre années, ont mené les ouvriers au carnage au nom des intérêts des forbans, ont assumé aujourd’hui le rôle de bourreaux des chefs prolétariens. L’exemple de la révolution allemande nous persuade que la « démocratie » n’est que le paravent du pillage bourgeois et de la violence la plus féroce. » (V. I. Lénine, O. C., tome 27, page 431)
Le 4 mars 1919, à l’occasion du 1er Congrès de l’Internationale communiste (2-6 mars 1919), Lénine revenait à la charge :
« La guerre impérialiste de 1914-1918 a révélé définitivement, même aux ouvriers arriérés, que la démocratie bourgeoise, voire dans les républiques les plus libres, n’est que la dictature de la bourgeoisie. Des dizaines de millions d’êtres humains ont été massacrés, la dictature militaire de la bourgeoisie a été instaurée dans les républiques les plus libres, et tout cela pour enrichir le groupe allemand ou le groupe anglais de millionnaires ou de milliardaires. » (Idem, page 486)
Est-il possible d’affirmer le contraire ?
NB. Cet article est le cent-onzième d'une série...
« L’Allemagne victorieuse de la Seconde Guerre mondiale ? »
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