Quand la psychose prend le pas sur le réel...
Certains chiens font peur aujourd’hui... mais ils existent depuis des années et des années... Pourquoi cette aversion ? Est-ce uniquement le fait de la surmédiatisation ?
On peut s’apercevoir depuis une année qu’il existe des peurs et craintes dues à une méconnaissance découlant d’une information biaisée par les grands groupes médiatiques et à une « peur de l’inconnu » dans bien des cas. Depuis le Watergate, beaucoup de journalistes veulent s’immiscer dans la politique suisse et relaient avec véhémence les projets d’interdictions : 4x4, cigarettes, molosses, certains habits à l’école, etc.
On a pu voir que la problématique canine, par exemple, a permis pour certains journalistes, professeurs criminologues et politiques de se profiler sur le devant de la scène en profitant justement de la psychose engendrée par ces derniers et relayée par la presse.
Malheureusement, les problèmes canins continuent d’alimenter les premières pages des journaux, par la faute de l’immobilisme dû au refus de voir que des solutions données par les différents acteurs cynologiques permettraient d’endiguer la mode du gros chien. En effet, tant au niveau politique que médiatique, la préférence se porte sur des mesures alibis comme la classification de races prétendument dangereuses.
Partons d’un principe encore plus radical, en voulant non plus seulement la simple interdiction des seuls Pitbulls, et supposons que l’on choisisse d’éradiquer immédiatement tous les chiens appartenant à toutes les races qui figurent sur les listes de chiens déjà établies par certains cantons. Un calcul élémentaire permet alors de déterminer le degré d’efficacité que l’on peut objectivement escompter.
Il y a en Suisse environ 490 000 chiens. Ceux-ci sont responsables de 13 100 morsures par an. L’ensemble des chiens de races listées représente 5 % de cette population, soit 24 500 individus. Ces chiens sont responsables de 10 % des morsures. Leur éradication immédiate ne correspondrait toutefois pas à une réduction de 10 % des morsures. En effet, il faut s’attendre à ce que les propriétaires des chiens supprimés adoptent de nouveaux chiens qui, à supposer qu’ils ne soient pas choisis parmi les individus les plus agressifs, seront alors responsables d’un nombre de morsures proportionnel à la moyenne, soit 620. La réduction effective du nombre de morsures annuelles serait donc de 1 310 - 620, soit 690.
Cela signifie que l’euthanasie immédiate de l’ensemble des chiens listés permettrait une réduction de seulement 5,3 % des morsures en Suisse. Il persisterait donc 94,7 % des morsures en dépit de la disparition de tous les chiens de races listées. Il faut même s’attendre à ce que la réduction effective des morsures soit inférieure à celle qui a été calculée ci-dessus. En effet, dans la mesure où il est établi qu’un certain nombre de personnes ont porté leur choix sur des chiens listés en raison de la dangerosité qui leur est attribuée, il est vraisemblable que ces mêmes personnes s’efforceront de trouver, voire de créer, des chiens plus dangereux que la moyenne en remplacement de leur chien supprimé et contribuant ainsi à des morsures supplémentaires.
L’inefficacité des mesures ciblées sur des races de chiens a aussi été démontrée par une étude réalisée en Grande-Bretagne dans le but d’évaluer les résultats atteints grâce au Dangerous Dogs Act, la loi sur les chiens dangereux. Ce pays a en effet été parmi les premiers à avoir introduit une législation (Dangerous Dogs Act) définissant des mesures d’interdiction à l’encontre de plusieurs races. Une étude a été consacrée à l’évaluation de l’efficacité de cette loi (Klaassen et alii., 1996) en comparant la situation épidémiologique (urgences hospitalières) avant son existence et deux ans après son entrée en vigueur. Ce travail scientifique a abouti à la conclusion que si la loi avait pour but de protéger la population contre les risques de blessures provoquées par des chiens, ce but n’a pas été atteint.
De plus, il s’avère extrêmement difficile, voire impossible, d’appliquer efficacement une telle loi de manière concrète, en particulier lorsque ces dispositions incluent les chiens issus de croisements avec ces races. Actuellement, il est impossible de déterminer scientifiquement l’appartenance ou non d’un individu à une race donnée. Par conséquent, il est impossible d’établir de manière incontestable si un chien est un pitbull, un pitbull croisé ou un boxer croisé avec un pointer, pour ne prendre que cet exemple. Ces faits conduisent à des situations comparables à celles apparues dans les Länder allemands ayant décrété des mesures restrictives à l’encontre des pitbulls et de leurs croisements et où la loi a eu pour conséquence l’émergence soudaine d’une population de boxers croisés pointers ou équivalents, que rien ne distingue extérieurement d’un pitbull. En France, l’établissement d’une liste de races prohibées a provoqué un engouement marqué pour des races apparentées mais ne figurant pas dans la loi. Il est donc vraisemblable que l’extension des listes établies de manière à inclure les races émergentes ne conduirait qu’à un nouveau déplacement du phénomène. En effet, il existe et il existera toujours une race de substitution à celles qui sont interdites par une liste qui ne mentionne qu’un nombre fini de races. De plus, s’il n’existait pas une telle race de substitution, quiconque la souhaite n’aurait aucune difficulté à la créer.
Il convient de bien faire la différence entre être dangereux et être potentiellement dangereux, c’est-à-dire susceptible de devenir dangereux. Aucun expert sérieux n’a jamais prétendu que tous les chiens sont dangereux. Par contre, tous les chiens, quelle que soit leur race, restent des prédateurs carnivores domestiqués, dotés d’une mâchoire pourvue de dents acérées. Tous les chiens peuvent mordre et tous les chiens peuvent provoquer des blessures graves. Par conséquent, tous les chiens sont potentiellement dangereux. En Suisse, cela se traduit par le fait que 90 % des morsures nécessitant des soins médicaux sont causées par des chiens qui ne sont ni des molosses, ni des chiens dits de combat, ni des chiens appartenant à l’une ou l’autre des races figurant sur les listes établies par certains cantons.
En Suisse, seulement 25 % des chiens possèdent un pedigree. Ces chiens sont soumis aux prescriptions d’élevage émanant de la société cynologique suisse, obligatoires pour l’élevage des chiens de race avec pedigree.
Donc 75 % des chiens helvétiques sont issus d’élevages non contrôlés. Le fait de contrôler ces élevages pourrait certainement permettre de diminuer le nombre de portées de ce genre. Car chaque fois qu’une telle portée sera déclarée, l’Office vétérinaire cantonal concerné la contrôlera et pourra apprécier les conditions dans lesquelles les chiens seront élevés. Cette phase est particulièrement importante pour le bon équilibre des chiens et leur bonne insertion dans la vie sociale. Il s’agira également de sanctionner les éleveurs - au sens large du terme ! - qui ne procéderont pas à une déclaration de naissances. Sanctionner aura pour conséquence de responsabiliser les éleveurs. De plus, effectuer un tel contrôle diminuera certainement le nombre de naissances de chiens sur le territoire helvétique et ceux qui naîtront seront plus équilibrés.
Il est illusoire de penser que seuless des races et des propriétaires déterminés devront être astreints à suivre des cours.
En effet, des recherches ont été faites et ont révélé qu’il n’existe aucune base scientifique justifiant une loi discriminante envers certaines races. Il est donc bien difficile de déterminer objectivement quelles sont les races à inclure sur une liste de chiens dangereux, races nécessitant une autorisation et une attestation de cours d’éducation canine pour leur maître.
Pour conclure, il est souhaitable que la loi à venir se base sur l’adéquation maître-chien, l’environnement social et naturel du maître, l’interaction avec les autres membres de la famille et ceux qui peuvent y être affiliés, ainsi que sur les spécificités de la vie actuelle.
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