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Quand les « affaires » finissent par lasser et laissent impunis les corrompus

Le 2 décembre 1887, le président de la République Jules Grévy démissionnait suite à la mise au jour deux mois plus tôt du scandale des décorations, son gendre le député Daniel Wilson monnayant notamment la Légion d'honneur. En février 1888, le directeur de l'hebdomadaire satirique Le Tintamarre signe un article sur la lassitude qu'entraînent les multiples rebondissements d'une procédure judiciaire entamée contre Wilson, laquelle sera d'ailleurs plus tard déclarée nulle et n'empêchera pas Wilson d'être réélu en 1893 et en 1898...

Il est dit que jusqu'au bout l'affaire dite des décorations aura fourni des détails comiques. L'affaire Wilson, qui irrite l'opinion publique et a fini par la fatiguer, il n'est pas inutile de constater qu'en différents cas la lassitude finit par remplir l'office de la clémence. On a été tellement tanné avec cette affaire malpropre qui n'aboutissait jamais, que tout le monde a fini par se dire : – Que tous ces gens-là aillent se faire pendre ailleurs, et qu'on nous fiche la paix !...

Chacun est convaincu qu'il s'est fait des tripotages indignes dont le quart du demi-quart suffirait à faire envoyer à Mazas tous autres individus que des gendres influents : et pourtant tout le monde agacé, lassé, fourbu, lâche pied, et désire que l'on ne parle plus de tout cela puisqu'il est évident qu'il y a parti-pris de laisser impunis tous les rastaquouères qui y ont trempé. Aussi le Figaro traduit-il exactement l'état de l'opinion publique quand il dit : « Mieux vaut l'impunité de M. Wilson que la justice française suspectée de complaisances ignominieuses ou convaincue d'une impéritie bouffonne. Que feraient, après tout, les six ou les douze mois de prison dont on gratifierait M. Wilson ? D'abord, il serait gracié, cela est clair ; et puis le but essentiel a été atteint. La caverne de Mandrin est fermée ; les 22022 dossiers vont être vendus au poids ; les solliciteurs ne connaissent pas le chemin de l'avenue d'Iéna. Les plus sévères ne demandaient pas autre chose, et, je le répète, mieux vaut en finir tout de suite que d'étaler devant l'Europe les doutes auxquels nous condamne la justice officielle. »

Un seul alinéa serait peut-être à reprendre dans ces réflexions fort sensées : le dernier. La question est, en effet, de savoir s'il est vraiment préférable d'en finir pour ne pas étaler, comme le dit le Figaro, des doutes sur l'impartialité de la justice officielle, ou s'il ne vaudrait pas mieux pousser les choses à fond au risque de convertir ces doutes en certitudes. Pour moi, je n'hésite pas dans mon choix, et si nous étions à une époque où il soit permis d'espérer que des hommes tout d'une pièce auront assez d'honnêteté pour aller, coûte que coûte, jusqu'au bout, je crois qu'il serait plus avantageux de faire ainsi et de déshonorer une bonne fois publiquement tout ce – et tous ceux – qui sont déshonorables.

Mais, hélas !... puisque malheureusement il est avéré que cet âge d'or est loin de nous, et qu'à défaut de gens qui ne veulent faire justice qu'à demi nous n'en trouverions que de meilleurs qui ne consentiraient guère à la faire qu'aux trois quarts, – et que de toutes façons nous n'en dénicherions aucun qui soit capable d'aller jusqu'au bout, – le mieux que nous ayons à faire est certainement de nous en tenir là et de laisser l'opinion publique juger la Justice. D'ailleurs, une bien belle occasion va se présenter. M. Wilson, – en dépit de toutes les prévisions, – est renvoyé en police correctionnelle. On sait par expérience que depuis trois mois ces sortes de procès amènent toujours une petite surprise à sensation.

Toute la question est de savoir quelle sera celle que nous ménage cette nouvelle affaire. Pour mon compte, je ne m'étonnerais pas le moins du monde si un incident imprévu... quelque chiffon de papier perdu et retrouvé, – comme cela se pratique généralement maintenant, – venait tout à coup compromettre quelque personnage se croyant bien tranquille. Qui sait !... peut-être même... l'ancien... soyons insinueux... l'ancien... concierge de l'obélisque... qui a eu tant de peine, il y a quelques mois, à résigner ses fonctions et à lâcher ses appointements. C'est ça qui serait drôle !... Personne ne regretterait d'avoir attendu un peu !...

(Extrait de Le Tintamarre paru le 12 février 1888)

Image : Daniel Wilson

© La France pittoresque
Web : http://www.france-pittoresque.com
Magazine : http://www.magazine-histoire.com
Facebook : http://bit.ly/gtwKCc


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3 réactions à cet article    


  • Tab Tab 19 mars 2011 13:08

    « Et c’est ainsi qu’Allah est grand. »


    • foufouille foufouille 19 mars 2011 14:55

      la ploutocratie date pas d’hier


      • Leo Le Sage 20 mars 2011 19:39

        Un état injuste fini par lasser...

        Mais les victimes du Bhopal n’ont pas baissé les bras, mais la lutte sera encore longue...
        On les plaint. En face les japonais sont encore bénis...
        Ben oui, ils sont riches eux.

        Pour battre un grand corrompu il faut des sous...
        A moins de trouver un avocat qui est près à le faire gratuitement et encore pour la collecte des preuves il faut encore des sous...

        Pourquoi croyez vous que beaucoup de femmes pas si méchantes que cela se retrouvent en prison aux USA ?
        Elles ne sont pas assez riches pour payer un bon avocat, et c’est tout...
        (Elles ne travaillent pas notamment)

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