Quand les Britanniques rejouent aux colons
Les Britanniques ont été les plus grands colonisateurs dans l’Histoire. De l’Australie à l’Amérique du Nord en passant par l’Inde et l’Afrique, nombreux sont les pays qui ont longtemps été dominés par nos amis d’outre-manche. Les élections du 4 mars prochain au Kenya semblent raviver la fibre colonialiste de la Grande-Bretagne.
Le XXe siècle a sonné le glas du plus grand empire colonial jamais créé. Contrairement à la France qui a connu des épisodes sanglants en Indochine et en Algérie, la décolonisation made in Great Britain a été moins heurtée dans l’ensemble. Ne voulant pas perdre toutes les traces de son empire en pleine décomposition, les Britanniques décident d’inclure les nouveaux Etats fraîchement indépendants au sein du Commonwealth, organisation créée dès 1926.
Les choses auraient pu s’arrêter là mais la puissance d’hier ronge les hommes politiques d’aujourd’hui et les tentations de s’immiscer dans la vie politique de ses anciennes colonies sont grandes. Ainsi, la dernière victime en date se trouve être le Kenya. Ce pays de l’Est de l’Afrique situé au Nord de la Somalie, de l’Ethiopie et du Soudan, voit son élection présidentielle perturbée par une ingérence grossière de la part de son ancienne puissance tutélaire. Prévues le 4 mars prochain les élections générales concernent la présidence de la République, le Parlement et certains mandats locaux. De quoi bouleverser en profondeur un paysage politique kényan assez trouble depuis plusieurs années. C’est pourquoi les Britanniques essayent de placer leurs pions et s’offrent le luxe d’intervenir dans le processus politique d’un pays souverain.
Dans un document confidentiel en date du 6 février 2013, le haut-commissaire britannique au Kenya (ambassadeur) recommande au Ministre des Affaires étrangères de mettre une pression toujours plus importante pour mettre à mal la candidature d’Uhuru Kenyatta, actuellement Vice-Premier ministre. En dénonçant publiquement la candidature du fils du premier président de la République du Kenya, Jomo Kenyatta, les Britanniques espèrent favoriser « leur » candidat Raila Odinga, le Premier ministre en exercice.
Dans un contexte politique compliqué engendré par des élections présidentielles de 2007 marquées par des violences, le Royaume-Uni met sa diplomatie au service de Raila Odinga lequel « a déjà promis d’honorer le précédent accord relatif à la Court d’Enquête Criminelle Internationale », mise en place suite aux violences post électorales de 2007, et de protéger les « intérêts économiques » britanniques.
En d’autres termes, un échange de bon procédé puisque Uhuru Kenyatta a été mis en cause par ladite Court. Le chemin vers la présidence serait bien moins escarpé pour Raila Odinga avec le candidat le mieux placé hors course. De leur côté, les Britanniques seraient en position de force dans un pays qui possède des ressources encore peu ou pas exploitées (secteur minier en particulier avec des gisements de plomb et d’argent) et qui a une importance géostratégique croissante.
Ces dernières semaines avaient été marquées par des pressions régulières de la Grande-Bretagne, de la France mais aussi de l’Union européenne. L’ambassadeur de l’UE au Kenya avait mis en garde les Kenyans. Si ces derniers ont l’outrecuidance d’élire Uhuru Kenyatta, des sanctions seraient à craindre et les relations diplomatiques résumées à leur plus stricte minimum. Une position assez paradoxale pour une Union européen qui se dit garante du droit internationale et se refuse l’ingérence dans la vie politique d’un pays tiers.
La Grande-Bretagne compte également sur les Etats-Unis pour faire pression sur les électeurs mais la position de neutralité décidée par Washington et le message adressé par Barack Obama au peuple kényan font dire à l’ambassadeur britannique que cette tâche sera très compliquée. Avec ou sans les Etats-Unis, la machine britannique à s’ingérer dans la vie démocratique du Kenya est lancée.
Il faut croire que les vieux réflexes coloniaux ont la vie dure et que les intérêts des anciennes grandes puissances coloniales priment sur des élections démocratiques. Le Kenya risque d’en faire l’expérience à ses dépens.
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