Quand les traîtres manifestent
Feu le groupe EADS, rebaptisé pour le pire plus probablement que le meilleur, Airbus, finit l’année 2013 sous des auspices peu heureux. En effet, la nouvelle structure du groupe n’est pas effective que l’on y fait déjà le ménage avec près de 6000 postes supprimés pour la seule partie dite « defense and space » alors que l’activité globale du groupe est en croissance et que la partie aéronautique civile, le vrai Airbus, a un carnet de commandes de près de dix ans.
Cela n’a pas échappé aux syndicats qui ont manifesté leur mécontentement et le mépris avec lequel sont traités les salariés européens. Une manifestation parmi d’autres retiendra notre attention et va nous permettre un commentaire plutôt acerbe.
En effet, les salariés d’Astrium Toulouse manifestaient le vendredi 19 décembre. Pour l’occasion, ils avaient reçu le soutien de Pierre Cohen maire actuel de Toulouse et Jean-Luc Moudenc, son prédécesseur. Il semblerait, si mes renseignements sont bons, que les deux personnages étaient présents à la manifestation des salariés, affichant ainsi un soutien politique de gauche et de droite.
Ces messieurs n’ont pas de honte ! En effet, l’un et l’autre représentent respectivement le PS et l’UMP dont on peut dire qu’ils ont largement contribué à la situation actuelle du groupe. Regardons cela de plus près.
Tout d’abord, vu de loin, au moins en ce qui concerne la France, la première cause du plan social est la loi de programmation militaire décidée et votée par les socialistes actuellement majoritaires à l’assemblée. EADS ne sera d’ailleurs pas le seul groupe touché par cette loi de programmation et les plans sociaux dans le secteur de la défense vont donc être légion dans les mois à venir, sans parler de l’effet domino sur les PME sous-traitantes dont l’on ne parle jamais, mais qui elles aussi licencieront. On ne voit dès lors pas pourquoi Pierre Cohen manifestait contre des décisions qui sont directement les conséquences de ses votes personnels. Cela ne dédouane pas davantage Jean-Luc Moudenc qui peut revendiquer le fait que les décisions socialistes ont été prises sous la pression des déficits du passé, Nicolas Sarkozy, que Jean-Luc Moudenc a soutenu, ayant créé en France pendant son quinquennat plus de déficits que le pays n’en avait connus depuis au moins Vercingétorix !
Mais il y a aussi un autre histoire à raconter qui concerne celle de la gouvernance d’EADS qui s’est réglée l’été dernier lorsque le gouvernement français a fait décroître sa part à 12% du capital quand l’état allemand, lui, faisait passer sa part de 0 à 12%, l’état espagnol restant à 6%. Au lieu de faire cela, le gouvernement français aurait pu, voire dû acheter la part de Lagardère et aurait alors pesé de l’ordre de 22%. Il aurait fait preuve par-là de continuité dans la volonté de l’Etat qui a toujours considéré l’aéronautique comme une activité régalienne via l’Aérospatiale qui était, rappelons-le et il n’y a pas si longtemps, une entreprise nationalisée. Au lieu de cela, l’Etat français a préféré se retirer (le changement c’était maintenant !). N’ayant plus voix au chapitre, il en est réduit à se retrouver dans la rue à manifester alors que c’est lui le premier responsable de son impuissance. En effet, s’il était resté au capital, il aurait pu mettre un véto et aurait probablement eu du succès, car il aurait été suivi par l’état espagnol et d’autres… Le gouvernement allemand, sans capital, avait bien réussi à bloquer le bradage d’EADS à BAe au printemps dernier, alors avec 0% du capital… ! Nos deux oiseaux, Cohen et Moudenc, sont donc encore les complices de cette situation, car il ne fait nul doute qu’en la matière, l’UMP aurait fait de même que le PS.
Et nous terminerons ce tour d’horizon par le bouquet final. Nous savons que les hommes politiques n’ont aucun courage. Vous en voulez un exemple ? Pour rester dans le contexte EADS, parlons d’Arnaud Montebourg. Ce dernier, avec Florange, a donné l’impression de ferrailler avec M. Mittal. Mais ce n’était que pour la galerie ! A l’époque, le gouvernement français avait assez de poids au sein d’EADS pour demander le départ de M. Mittal de son conseil de surveillance. Mais Arnaud Montebourg ne l’a pas fait… Bizarre non ? C’était pourtant facile ! Si nous revenons à notre sujet, l’état français aujourd’hui aurait pu consulter l’état allemand et l’état espagnol et les trois états auraient pu faire pression de leurs 28% de parts d’EADS. Certes, ils n’auraient pas eu la minorité de blocage, mais ils auraient pu envoyer un signal fort. Rappelons aussi que ce sont les états qui gèrent les programmes de recherche, tant nationaux qu’européens. A ce titre, ils pourraient prendre des mesures de rétorsion contre EADS, au niveau européen global. Ils ne l’ont même pas envisagé semble-t-il…
Alors qu’allaient faire messieurs Cohen et Moudenc au milieu des manifestants le 19 décembre, sinon aller à la pêche aux gogos ?
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