Quand Sarkozy craint la jacquerie !
On le sait, à l’inverse de son prédécesseur, Sarkozy n’aime pas tâter le cul des vaches. Il a même horreur de tripoter des animaux alors, curieux paradoxe, qu’il fréquente à longueur d’année, des faisans, des ours, des hyènes et des blaireaux. Pire, mais il ne l’avouera pas, il n’apprécie guère la fréquentation de ces bouseux, de ces cul-terreux, de ces ploucs qui ne fréquentent ni le Fouquet’s ni les pinces-fesses de MM. Bolloré, Pinault ou Bouygues. Le 27 février débutera le 47e Salon de l’Agriculture, et son inauguration se fera, en rupture avec une tradition solidement établie, sans le chef de l’État parti voir du côté du Cap Nègre si la saison des oursins se présente bien et si les problèmes de tout-à-l’égout de sa belle-mère sont enfin en voie de résolution...
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Contrairement à l’image qu’il a voulu donner de lui-même depuis le début de son quinquennat, image de plus en plus difficilement entretenue par son entourage et les médias amis, Sarkozy est un couard dont les postures prétendument courageuses s’apparentent beaucoup plus aux rodomontades d’un Matamore qu’à de véritables prises de risque. Il suffit pour s’en convaincre d’observer dans quelles conditions il effectue ses déplacements en province après que le préfet du cru ait soigneusement déblayé le terrain de toute forme de contestation, repoussé la chienlit locale à distance suffisante pour neutraliser les porte-voix, invité avec l’aide de l’Ump locale une claque partisane triée sur le volet, et déployé des centaines, voire des milliers de policiers pour assurer la pleine efficacité d’un dispositif calqué sur celui des états totalitaires.
Or des risques, il y en aurait eu cette année à se présenter devant des agriculteurs en très grand désarroi car la majorité d’entre eux subissent une terrible baisse de revenus (34% de chute l’an dernier) et craignent, pour les plus touchés, d’être contraints de jeter l’éponge et de liquider, dans des conditions désastreuses, une exploitation souvent construite, au fil des générations, dans la peine et les sacrifices.
Difficile pour Sarkozy d’affronter cette dure et parfois dramatique réalité* alors qu’il a mis en place le bouclier fiscal pour protéger les Français les plus fortunés, alors qu’il n’a rien fait de significatif pour supprimer les juteuses niches fiscales dont profitent ces mêmes privilégiés, alors enfin qu’il vient de faire, sans exiger la moindre contrepartie, un cadeau de 2,5 milliards d’euros aux restaurateurs. Alors également, fâcheux symbole, qu’il vient de relancer, en pleine période de crise et à grand renfort d’apparat républicain, des chasses au goût très monarchique dans le prestigieux domaine de Chambord !
Difficile pour Sarkozy de se plonger au cœur du Parc des expositions, seulement séparé physiquement des exploitants par quelques gardes du corps nerveux, impuissants à éviter d’éventuelles bousculades, impuissants surtout à contenir les invectives qui pourraient monter des stands ou des rangs de syndicalistes paysans très remontés. Et pas seulement de la part des troupes progressistes de la Confédération Paysanne : même la FNSEA, traditionnellement cul et chemise avec l’UMP, se montre désormais très critique, voire virulente ou carrément hostile dans certaines fédérations départementales. Comble de l’horreur médiatique, notre monarque a encore en mémoire l’incident de février 2008 – le fameux « Casse-toi, pauv’ con ! » – qui avait mis en lumière aux yeux de tous, tant en France qu’à l’étranger, non seulement son malaise dans un environnement qui lui est totalement étranger, mais également une très grande vulgarité en tous points indigne d’un chef d’état français.
Impossible pour autant de se défiler d’un tel rendez-vous sans abîmer encore cette image de « courage » déjà très entamée et que la mauvaise humeur des syndicats paysans, très remontés contre son absence lors de l’inauguration, pourrait ruiner dans un électorat traditionnellement largement acquis à la droite. Sarkozy ira donc au Salon de l’Agriculture avec l’enthousiasme d’un condamné jeté dans la fosse aux lions, mais uniquement pour sa clôture le dimanche 7 mars et en limitant sa venue à un simple colloque organisé dans un local protégé des rumeurs désagréables et des justes revendications qui pourraient mal sonner aux oreilles présidentielles. Certes, notre monarque rencontrera à cette occasion des syndicalistes agricoles et des journalistes, mais probablement tout aussi triés sur le volet, ou préalablement briefés, que les interlocuteurs qui lui sont présentés lors de chacun de ses déplacements sur le terrain.
L’inauguration de cette manifestation se fera donc sans le chef de l’État qui délaissera à Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture, le soin de couper le ruban en compagnie de Dacian Ciolos, le commissaire européen. Un salon de l’Agriculture où les 700000 visiteurs attendus pourront déguster les produits du terroir et surtout admirer 2000 animaux appartenant à environ 120 races de bovins, de chevaux, de brebis, de chèvres ou de porcs.
L’un de ces visiteurs, mercredi prochain, bénéficiera à n’en pas douter d’un accueil chaleureux, si l’on en juge par la visite très réussie qu’il vient d’effectuer chez les agriculteurs du Finistère sous l’œil des caméras : Dominique de Villepin. Un accueil chaleureux qui pourrait, par comparaison, sonner comme un terrible désaveu de Sarkozy, tant pour sa stratégie d’évitement que pour sa politique.
* A lire, le récent article d’Olivier Cabanel intitulé « Les larmes du paysan ».
Pour apporter un modeste rayon de soleil dans ce monde agricole déprimé, voici une chanson qui peut être fredonnée sur l’air de « La chanson sans calcium » des Frères Jacques ou de toute autre musique spécialement composée par un amateur. Titre de ce texte : La ferme enchantée.
C’est une ferme enchantée
Dans un coin isolé
Au milieu des tourbières.
On dit qu’elle est exploitée
Par un curieux fermier
Époux d’une sorcière.
On dirait du Ricard,
C’est extraordinaire !
Même les petites brebis
Produisent du chablis
Quand c’est pas du sancerre !
Les canards sont très sympas
Car ils pondent du foie gras
Truffé tous les dimanches.
Dans l’étang on voit nager
De beaux saumons fumés
Prédécoupés en tranches.
Tous farcis de marrons
En prévision des fêtes,
Sans oublier les gorets
Qui marchent au beaujolais
Que produisent les biquettes.
Le fermier m’a invité
Dans sa ferme enchantée,
C’est vraiment formidable
De se griser le palais
En dégustant du lait,
Ça paraît incroyable !
Qui me perce le tympan ?
C’est mon réveil qui sonne.
Adieu mon beau Paradis,
Faut qu’ je sorte du lit,
Beau rêve, je t’abandonne !
Fergus
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