Quand un bombardier s’invite au SuperBowl...
Le clip vidéo, axé sur le noir est blanc, est plutôt bien fichu, esthétiquement, il faut l'avouer : il commence par un hommage à l'YB-35, l'aile volante mythique de Jack Northrop (la version à moteurs à hélices contrarotatives et non en version YB-49 à réacteurs), puis passe au au B-2, suivi d'un X-47B, le drone armé testé l'année dernière sur porte-avions (avec quelques déboires, dissimulés au grand public !), pour déboucher sur un engin dissimulé sous un voile, laissant apparaître une forme ramassée, mais de taille imposante une sorte de mix entre les deux engins précédents montrés. Le commentaire émaillant la vision (furtive !) du nouvel appareil, dissimulé par un voile, étant "et quand le monde demande le futur"...
Pour beaucoup d'observateurs, tels l'excellent David Cenciotti, The Aviationist, l'engin encore voilé serait bien la préfiguration du LRS-B ( Long Range Strike-Bomber), construit selon l'auteur "en collaboration entre Lockheed Martin, Boeing, et Northrop Grumman", qui auraient ainsi mis leurs compétences ensemble au lieu de réaliser chacun deux prototypes différents comme annoncé jusqu'ici. Une opinion que seul Cenciotti présente : pour la plupart des connaisseurs, ce genre de projet est toujours "double", les deux groupes (Lockheed Martin et Boeing d'un côté et Northrop Grumman de l'autre) étant tous deux à s'affairer sur deux prototypes différents. En prime, pour Cenciotti, l'avion serait "compatible" la vision l'année dernière d'un avion de forme triangulaire... (ici à droite) dont je vous avais fait part ici, ce qui n'est pas sûr, comme on va le voir. Ce qui signifierait surtout que l'appareil volerait déjà, et que ce qui se trouve sous le drap montré n'est pas qu'une maquette de bois et de résine. La présence d'un pilote entré dans le hangar dans la vidéo laissant entendre que l'avion serait effectivement piloté, et ne serait pas un drone de taille plus grande uniquement. Pour ce qui est de la taille, on peut retenir celle... d'un fameux hangar, qui aurait servi en ce cas à deux engins construit ces dernières années... et testés sur la fameuse Zone51. Voilà qui va encore décevoir les partisans des petits hommes verts !
On peut être surpris d'apprendre que l'Amérique s'apprête à nouveau à se lancer dans un tel programme onéreux (ici une d'artiste du "B-3"), tant les cibles actuelles paraissent fort éloignées de son but final. Face à des adversaires actuels circulant en Toyota Ilux et sur des motos de petite cylindrée, il faut avouer que cette présentation a de quoi en effet étonner, lors d'un show sportif, qui plus est. A part les chinois et leurs photocopies à la chaîne d'appareils existants (et leur clone de B-2 appelé H-20), on ne voit pas très bien vers qui se tourne ces nouveaux engins de mort (les russes faisant voler leurs vieux quadriturbopropulseurs septuagénaires près des côtes US ou européennes pour faire croire qu'ils peuvent encore être menaçants, en attendant leur prochain bombardier, toujours en gestation, lui aussi **). Malgré le voile le dissimulant, on peut néanmoins se faire une idée de l'engin en préparation : son cockpit est bien plus avancé et bien plus proéminent que celui du B-2, son aile est à deux angles de cambrure et les réacteurs paraissent rejetés plus loin à l'arrière que sur le B-2, et surtout accolés au fuselage. L'absence de queue visible montre bien qu'on a affaire à une aile volante, qui pourrait être triangulaire, selon Cenciotti, et rejoindrait ainsi les observations récentes faites autour de Las Vegas, à savoir dans le rayon d'action d'un appareil issu de la Zone 51 (à gauche la proposition de Boeing avec de longues ailes minces). D'autres signes montrent plutôt un engin possédant une aile qui ne serait pas en delta : c'est la hauteur des jambes de train, plus prononcée encore semble-t-il que celle du B-2, qui semblerait indiquer une aile en flèche rejetée loin vers l'arrière (le projet Boeing est de la sorte, à se demander comment il va réussir à décoller !), ou une queue "de castor" proéminente obligeant l'engin à être "haut sur pattes" s'il veut décoller avec une pente conséquente. Les courbes lisses en tout cas augurent bien d'un appareil à grande furtivité. Contrairement à un croquis déposé en brevet par Northrop en 2009 (visible ici ci-dessous à droite) l'engin ne semble pas disposer de formule canard à l'avant : mais leur présence demeure néanmoins possible, Northrop ayant laissé entendre dans ce projet que cette "moustache" avant serait rétractable.
Cela s'expliquerait en effet, car question terrains, il est hors de question de créer un appareil exigeant des pistes plus longues que celles fabriquées après la seconde guerre mondiale pour les B-52, tout en sachant que le nombre de pistes situées à l'extérieur des Etats-Unis a rétréci ces dernières années : c'est soit créer un bombardier capable de faire 20 000 km de rayon, ce qui est impossible à moins de ravitaillements, en ne partant que des Etats-Unis, soit continuer à utiliser des bases comme Guam ou Diego Garcia (toujours "louée" aux anglais, c'est à rappeler). La formule canard ne serait employée que pour les cycles d'atterrissage et de décollage, et non durant la mission, précisait Northrop. La voix du clip énonçant ce choix particulier, par la formule "chez Northrop, nous avons toujours été à l'avant-garde de l'innovation", car le premier croquis de la présence de cette appendice date de 2009 chez l'avionneur, dont le croquis présente bien des similitudes avec son précédent appareil (le B-2). Pour David Axe, du très bon "War is Boring", l'origine du nouvel engin serait à chercher non pas chez les bombardiers précédents mais chez les drones... dont le X-45 de Boeing et le X-47 de Northrop, dont le premier est resté sans suite et le second a séduit la Navy. Selon lui, le futur bombardier serait en effet l'ultime développement d'un X-45 agrandi, qui présenterait de façon "optionnelle", un équipage humain. En somme, Grumman-Northrop aurait simplement greffé un cockpit à l'avant du projet qu'avait révélé Aviation Week (le RQ-180 ici à droite) et dont je vous avais fait part ici le 27 décembre 2013, et positionné autrement les réacteurs, mais sur une base globalement fort ressemblante. L'idée pourrait se tenir, en effet, car elle minimiserait de beaucoup les frais de recherche, la majeure partie du travail ayant déjà été effectuée !
En tout cas, la présence dans le clip d'un aviateur (le seul en couleur !) semble bien augurer d'un avion piloté et non d'un drone. Ce qui n'exclurait pas pour autant non plus d'en faire un drone, comme l'avait stipulé dans son discours du 6 janvier 2011, le Secrétaire de la Défense Robert Gates, qui évoquait la notion un peu surprenante de "drone pilotable". Le nombre de réacteurs à bord demeure lui en suspens : on songe à deux plutôt qu'à quatre, l'appareil étant nettement plus petit que le B-2 (on pense qu'il ne ferait que la moitié de son envergure). Comme moteurs, deux fournisseurs sont en lice : Pratt & Whitney, avec le PW9000, qui mélangerait un Pratt & Whitney F135 avec des soufflantes issues d'appareils commerciaux, et un dérivé du General Electric/Rolls-Royce F136 (le "remplaçant" du moteur du F-35, au développement arrêté puis repris grâce à un coup de pouce gouvernemental). L'accent serait mis sur la consommation, afin de garder à l'appareil des capacités de frappe à très longue distance, ce que met en évidence un rapport de Northrop Grumman lisible ici (et disponible en PDF, ici une illustration de la flotte de bombardiers dans le temps). L'engin aurait un fuselage plus long que celui du B-2, afin d'y loger davantage de carburant, les ailes minces ne favorisant pas le stockage : il est en effet destiné à voler dans un rayon d'action de 9 260 km minimum (6 000 miles). L'appellation même de l'appareil -Long Range Strike Bomber - insistant sur cette capacité à emporter loin (et sans ravitaillement, ou le moins possible) un chargement de bombes "de précision" estimé entre 6 et 12 tonnes en interne (ci-dessous dans le rapport de Northrop les bombardements dans le temps et la place des bombardiers).
Pour certains observateurs attentifs, cette histoire de bombardement à longue distance avec des bombes guidées ultra-précises est née en 2004, avec la destruction d'un vieux navire envoyé par le fond, lors d'un exercice mené par 2 vieux B-52 équipés de bombes laser de nouvelle génération : le premier avait largué 7 bombes Joint Direct Attack Munitions de 2000 livres, pour l'endommager, le second 4 bombes seulement pour couler le Schenectady (LST 118), un vieux landing ship de 160 mètres de long. L'expérience, bpatisée "Operation Resultant Fury", passée plutôt inaperçue, n'était pas anodine, loin de là. Les avions, partis de Louisiane, de la base de Barksdale à Shreveport, avaient envoyé par le fond le navire au dessus d'Hawaï, prouvant à l'Air Force que les navires chinois pouvaient être atteints de la sorte... sans recourir nécessairement à des forces navales longue à mettre en œuvre (et dont Pékin est suréquipé). Deux ans plus tard était lancée l'initiative appelée "Next-Generation Bomber", qui fut enterrée faute de crédits (et de conviction politique, par Robert Gates), pour resurgir quelque temps après sous le nom de "Long-Range Strike Bomber", des politiciens ayant relancé le débat (et la grande peur de la montée en puissance de l'armement chinois, dont je vous ai fait part aussi ici). Des politiciens bien aidés par une constatation simple : au rythme de vieillissement des avions, en 2037, plus un seul bombardier US n'aurait été en état de vol (depuis dans un ultime sursaut de "refurbishing", les B-52 ont encore été prolongés jusqu'en... 2044 !!!). Un auteur, Michael Pillsbury, consultant pour le Pentagone, avait surtout fait remarquer dans son livre “The Hundred Year Marathon", que selon lui c'étaient des politiciens faucons chinois nationalistes qui entraînaient avant tout les USA dans une nouvelle course aux armements. Selon sa formulation, en effet, ces politiciens "souhaiteraient le plus nous voir ne pas le fabriquer", ce fameux bombardier... Un consultant plutôt incitatif, comme il en existe des centaines orbitant autour du lobby militaro-industriel américain. Rendre inéluctable la fabrication, en ne cessant de dire qu'en fasse, "ils" craignent l'arrivée d'un tel engin !
Mais pourquoi donc toujours un bombardier, plus de 70 ans après l'apparition du premier missile intercontinental nucléaire (la Semiyorka soviétique) ? Pour satisfaire les fabricants, rien d'autre. Selon le rapport de Northrop les capacités d'emport trop limitées du F-35 (sans oublier ses failles criantes) ouvrent en effet un boulevard à un bombardier nouveau pour l'USAF. Selon également l'Air Force Chief of Staff Norton Schwartz, il n'est pas question en effet que ce même F-35 puisse emporter une bombe nucléaire, même de format réduit (Schwartz, rappelons-le, ne vient pas du monde de la chasse aérienne, ce qui expliquerait aussi ses positions tranchées en faveur des bombardiers). Et la création sous l'ère Bush de la bombe de grande taille nommée Massive Ordnance Penetrator oblige en quelque sorte à garder un vecteur capable de l'emporter, le B-52 pouvant le faire lui aussi mais pas le B-1 (équipé de soutes à emport rotatif pour bombes de taille moyenne). La création d'un nouveau bombardier révélant en même temps ce dont on se doutait depuis son apparition : le B-2 est bien trop délicat à employer et présente déjà des faiblesses structurelles pour pouvoir rester encore longtemps en exploitation dans les années à venir. Comme son prédécesseur en furtivité, le chasseur-bombardier F-117, envoyé précipitamment à la casse, il est promis à la disparition dans un délai plus bref que prévu, en faisant l'appareil le plus cher jamais construit, qui aura eu en prime une durée de vite ultra courte, en définitive : la merveille tant vantée par la propagande n'en a jamais été une, au final.
Son revêtement furtif est l'objet depuis son apparition de toutes les critiques, l'obligeant à d'onéreuses séances de peinture régulières (l'appareil est, cela semble incroyable, très sensible aux intempéries, une simple pluie pouvant ruiner son revêtement !). La gestion de ses traînées atmosphériques, le rendant décelable à vue n'a jamais été résolue correctement, l'obligeant à réduire sa vitesse en cas d'apparition. Un remplaçant a depuis longtemps été envisagé, mais ce n'est que le 9 juillet 2014 que l'US Air Force a émis ses spécifications officielles définitives pour le programme LRS-B : on peut raisonnablement penser que Northrop-Grumman avait pris les devants en testant un prototype qui s'approchait de ses exigences, formulées bien avant déjà lors du défunt programme Next Generation. L'enjeu est de taille, car ce ne sont plus 20 avions qui sont espérés, mais plus de 100, l'engin devant également prendre la relève du B-52, qui devrait voler pas loin de... 100 ans au final (il devrait être retiré en 2050 !), et le B-1, dont la technologie à aille à géométrie variable vieillit beaucoup plus vite que celle du vieil octoréacteur, qui lui a été remis à neuf un nombre considérable de fois, pour des coûts assez conséquents. Aujourd'hui, en effet, il ne reste à l'Air Force que 150 bombardiers utilisables, qui se décomposent en 60 B-1 encore en état de marche, 20 B-2 (dont un tiers pas plus pouvant voler en même temps) et seulement 70 B-52 "ancestraux" (sur les 800 fabriqués depuis les années 50 !). Avec le nombre d'engins nécessaires, les dépenses envisagées sont... stratosphériques : chaque engin nouveau devrait revenir à 500 millions de dollars pièce (le 1/4 d'un B-2 à sa livraison, le 1/6eme aujourd'hui, avec ses mises à jour cumulées), ce qui ferait un budget à 50 milliards pour en produire 100. A ce prix-là, l'avion serait construit de manière plus "traditionnelle" que le B-1 : à savoir celle d'une structure aluminium sur laquelle serait greffée (riveté et vissé) des éléments en composites, à la manière... du F-35. Pour gagner sur le coût de revient, tous ses équipements seraient repris de l'existant, sans effort de recherche et développement.
En comparaison, le B-2 avait coûté 45 milliards de dollars, pour seulement 21 avions (dont il reste 20 exemplaires à ce jour, mais dont seul une demi-douzaine maximum est constamment disponible, entre révisions, entretien, et mise à niveau constants). Un magazine, pour donner un autre ordre d'idées, a écrit quelque part que "chaque B-2 avait coûté autant que l'Hôtel Wynn et son casino à Las Vegas"... Les 500 millions pièce semble déjà difficiles à maintenir ; même si les équipements de bord (radars, notamment) ne seraient pas nouveaux (pour limiter les dépenses) : selon le Lieutenant General Charles Davis (de l'USAF) le prix pourrait néanmoins très bien grimper de 550 millions à 810 millions de dollars l'exemplaire... voire 1 milliard de dollars (soit 100 milliards pour la flotte complète.. !). Tout cela pour un engin dont la survivabilité est loin d'être assurée, avec le développement phénoménal des radars de l'adversaire, qu'il soit russe ou chinois.
Le développement du projet serait en tout cas bien plus avancé qu'on ne le croit. C'est un rapport du Congressional Research Service en date du 9 juillet 2014 qui l'a clairement laissé entendre. Selon ce rapport, obtenu et mis en ligne par Steven Aftergood (ici à droite), le responsable de la Federation of American Scientists’ Project on Government Secrecy, beaucoup d'argent a déjà été engagé dans le projet (comme dans tout "Black Program" qui se respecte !). 258, 7 millions de dollars, déjà, en 2013... et des prévisions montant jusqu'à 3,5 milliards de dollars pour 2019, une preuve selon le rapport que le choix de l'appareil a déjà été enterién, et que la production est imminente, selon Aftergood : avec de telles sommes envisagées, on en est plus à construire et tester des prototypes en effet ; mais bien à mettre déjà en place une chaîne de production. Les prototypes ont donc déjà volé, avant 2013, ou l'année dernière, pour mettre au point les derniers détails d'une production désormais inéluctable ou déjà en marche pour les avions de pré-série. Une telle rapidité laisse augurer en effet la thèse du drone géant entrevu, transformé en avion pilotable. Un autre rapport du CRS en date du mois de juin qui précédait avait décrit la flotte actuelle de bombardiers US comme étant "inadéquate"... bref, tout concours à croire qu'autour de la Zone 51, de gros engins en forme d'aile volante ont déjà volé secrètement ces derniers mois, et pas seulement le prototype dévoilé en 2013 par Aviation Week : son "adaptation" également. Selon d'autres observateurs, pas moins de 14 milliards de dollars sont déjà prévus au total pour les 5 années à venir dans le budget du Pentagone pour produire le nouveau champion de l'Air Force. Et le Pentagone a demandé en 2014 pas moins de 914 millions de dollars en recherche et développement... ce qui couvrirait en partie ceux du futur B-3.
Pourquoi donc cet étonnant clip plutôt spécialisé au milieu d'un spectacle grand public ? Des observateurs l'ont bien compris : il y va tout simplement de la survie de Northrop-Grumman, face à ses adversaires (dont Boeing), qui devrait pourtant désormais se satisfaire du marché des appareils civils, florissant pour lui. Northrop-Grumman a tenté en diffusant cet étrange montage d'obtenir l'assentiment du public, forçant ainsi la main aux politiques qui le représente. Chez Northrop-Grumman, il y va tout simplement de sa survie industrielle, à obtenir la manne des 100 bombardiers à construire. Le clip est avant tout un appel du pied aux politiciens pour soutenir l'entreprise, ou sert à éviter que consortium Boeing-Lockheed Martin ne phagocyte tout l'US Air Force (il fabrique déjà le F-35) ; comme l'analyste Richard Aboulafia, le vice-président, de Teal Group :"les enjeux sont élevés pour les trois sociétés. Après ce contrat, le prochain nouveau chasseur sera un avion d'attaque dans les années 2030 (quid du successeur attendu du F-15), puis il sera suivi par un bombardier quelque temps après. Si Northrop perd, les chances de toujours disposer de l'infrastructure pour concourir pour un jet à 15 années à partir de maintenant, ou sur un bombardier plus sûr, semblent mince. Perdre le contrat maintenant mettrait essentiellement fin à cette partie de leur activité. L'attribution à Northrop du bombardier étalerait les priorités de l'US Air Force parmi trois sociétés. D'un autre côté, donner le contrat à l'équipe de Lockheed / Boeing signifierait que Lockheed Martin, le producteur du F-35, a essentiellement un contrôle total sur la production des avions de combat de l'Air Force. Aboulafia souligne également que le contrat pourrait avoir des implications majeures pour une transaction qui est aussi une vieille rumeur parmi les analystes aérospatiale - la vente potentielle du groupe aéronautique Northrop à Boeing. "Si Northrop perd, il pourrait faire basculer les choses en étant racheté par Boeing, car celui-ci n'aurait pas de nouvelle cellule de construire. Si Northrop gagne, il pourrait en fait faire une cible plus attrayante, et faire la même chose." Une fois que les premiers sont élus, la bataille des sous-traitants est susceptible d'être tout aussi féroce"...
Car le lobby des armuriers, essentiel pour faire fonctionner l'industrie US, basée sur les ventes d'armes, a mis le paquet pour l'un des derniers projets d'avion piloté."Selon les données publiques analysées par la société à but non lucratif OpenSecrets.org, Lockheed avec 4 000 000 de dollars, Northrop (avec 3,9 millions) et Boeing (avec 3,1 millions) ont été les trois premiers contributeurs aux campagnes du Congrès et aux comités d'actions politiques affiliés au secteur de la défense en 2013 -2014. Les trois sociétés se classent également dans le top 25 des entreprises américaines en termes de dollars dépensés en lobbying. Alors que Boeing et Lockheed ont chacun leurs propres partisans locaux, Northrop peut être en mesure d'appeler les délégations de Californie et en Floride suite à sa décision d'agrandir les installations à l'aéroport international de Melbourne, sur la "Space Coast" de Floride. Même si un responsable de la compagnie n'a pas confirmé que Northrop prévoit de travailler sur un LRS-B potentiel en Floride, le sénateur Bill Nelson, de Floride à déclaré aux médias en mai que les plans de l'entreprise sur l'utilisation de l'installation étaient prêts." De l'argent, beaucoup d'argent, a été versé pour graisser la patte des décideurs."Bien entendu, cet effort commence toujours avec le Congrès. En 2014, Northrop Grumman a versé 3,4 millions de dollars de dons auCongrès. Les deux parties ont eu un morceau géant, avec les républicains recevant 2 millions et et les démocrates 1,4 million. Les dons aux politiciens individuels allaient de 62 000 dollars à Dick Durbin, le principal bénéficiaire de Northrop Grumman dans la guerre des donateurs le dixième étant étant Gerry Connolly avec 12 750 dollars."
Chez Grumman, on a déjà tout prévu, ou même un peu mis la charrue avant les bœufs si le projet choisi n'est pas le leur au final : un coin de terrain a été réservé à Melbourne, qui ne se situe pas qu'en Australie. C'est aussi le nom d'une ville de Floride, pays de Jeb Bush, pressenti comme candidat à la présidence en 2016, et du gouverneur actuel Rick Scott, fervent partisan du futur B-3, où la firme envisage de construire un gigantesque hangar pour produire ce fameux futur B-3. En Floride, à St Augustine, Grumman produit déjà sur place l'E2-D Advanced Hawkeye (ici à droite). "Nous sommes ravis que Northrop Grumman ait décidé de s'étendre ici en Floride, cela pourrait apporter jusqu'à 1800 nouveaux emplois à Brevard County," a déclaré Rick Scott. "L'expansion se fera en plusieurs phases. La première phase commencera par la construction d'un nouveau bâtiment de 220 000 pieds carrés (20 000 m2) et l'ajout de 300 emplois. Suvraient la construction d'installations supplémentaires totalisant 500 000 pieds carrés (46000 m2) et 1 500 emplois supplémentaires. « La décision ultime de Northrop Grumman pour choisir la Space Coast pour ce projet concurrentiel n'aurait pas été possible sans l'appui exceptionnel du gouverneur Scott, Enterprise Florida, Espace Floride et l'équipe d'EDC », a déclaré Weatherman. « Notre succès pour mener ce projet à Brevard démontre à quel point les incitations de développement économique sont importants pour gagner un tel projet. L'EDC se bat continuellement pour la Space Coast, et nous sommes ravis de cette victoire de l'une de nos régions pour le plus grand projets de développement économique dans la dernière décennie. "
Tout est déjà prêt, donc, à Melbourne (ici à droite le futur emplacement du hangar de construction), pour fabriquer un engin... à l'avenir douteux. Gag supplémentaire de l'appareil, en effet : appelé il y a quelques temps encore "bombardier de 2018", date à laquelle on espère sa mise en service ((il va donc falloir faire vite si on veut être dans les temps !), l'engin à venir présente une furtivité toute relative, puisque selon les estimations et les études officielles, les capacités des radars chinois outrepasseraient sa faculté à se dissimuler à leurs détecteurs dès 2020. On envisage donc clairement de construire une série d'appareils dont les facultés de dissimulation seraient voisines de zéro à peine deux ans seulement après sa sortie ! Un phénomène qui vaut aussi pour le champion de la gabegie qu'est le chasseur F-35, qui ne sera encore que faiblement déployé quand sa furtivité sera déjà devenue totalement inefficace... C'est tout le paradoxe de cette fameuse furtivité, qui est suspendue aux progrès des radars adverses, qui progressent bien plus vite que les techniques pour leur échapper. Un appareil comme le F-35 a énormément perdu en capacité d'emport en se forçant à l'être désespérément. Inutilement, donc. Pour le futur bombardier US il en sera de même, ce qui n'empêchera pas un lobby surpuissant d'arriver à le construire, malgré une inefficacité flagrante qui s'annonce déjà à l'horizon assez proche. Cela devient surréaliste, en effet, aux USA, cette faculté à produire des bidules inefficaces, vantés comme les huitièmes merveilles du monde aéronautique. A se demander qui gouverne véritablement le pays, capable de dépenser des milliards de dollars pour des bouts de ferraille et rechignant à prendre soin de ses propres habitants, toujours dépourvus en majorité de couverture médicale, malgré les efforts d'un Obama pour juguler les dérives industrielles (ou pour un temps soit peu limiter les abus tels que les dissimulations de gains et le non-paiement d'impôts dus grâce à des artifices juridiques). On va bientôt s'extasier sur le nouveau camion à bombes volant de l'US Air Force, qui sera pourtant obsolète le jour-même de sa première sortie ! Mais cela fait longtemps que les USA n'ont sont plus à fabriquer des armes qui se voudraient efficaces : ils fabriquent des engins pour donner du travail à leurs ouvriers, ravissant les élus qui héritent du pactole et au passage des voix de leurs électeurs, ces mêmes élus faisant le forcing au Congrès ou au Sénat pour faire passer le projet, en dehors de tout souci de défense ou d'armement. C'est un système qui s'entretient tout seul. Peut-être bien la phase ultime du capitalisme : celle de tourner en vase clos, dans un contexte d'industrie militaire qui vit avant tout des guerres dans le monde, l'interventionnisme étant devenu la règle ! Pendant ce temps là, des terroristes ont largement encore la capacité de se déplacer en 4x4 Toyota et motos légères pour exercer leurs sinistres talents de décapiteurs dans le monde. Le but n'est pas de les annihiler (à part quelques tirs de drone ici et là, pour montrer qu'on s'en occupe, plus ou moins) : c'est le maintien de leur existence qui entretient la peur qui permet à ces lobbies immondes de continuer à faire croire qu'on va les faire disparaître sous les tapis de bombes. Idem pour la Chine, présentée comme le futur adversaire potentiel : ce sont, on l'a vu, des faucons nationalistes chinois qui poussent à la roue, fort choyés par un lobby industriel US (qui ne rate jamais une occasion de faire de la pub aux nouveautés chinoises), et qui fabriquent la peur d'un empire du milieu essentiellement belliqueux. Tenter de réduire un tel pays comme on a tenté de le faire avec le Viet-Nam est une hérésie de plus. L'expérience du Viet-Nam et des opérations type Linebaker n'a servi à rien : le but du jeu est d'entretenir un complexe militaro-industriel, et non pas de gagner une quelconque guerre. De là à conclure que ce complexe fabrique (ou entretien) ses propres adversaires, je n'en suis plus loin à le penser, à voir ces gesticulations industrielles qui n'ont aucun sens (à part ravir, il est vrai, les passionnés d'aviation, dont je fais partie, et qui déplorent voirla recherche aéronautique ne vivre essentiellement, hélas, que de la construction d'avions de guerre, ou presque...). Le futur B-3, ce n'est que le triomphe du complexe militaro-industriel qui ronge l'Amérique depuis Eisenhower, qui avait eu le courage d'en dénoncer les effets pervers avant de tirer sa révérence, le 17 janvier 1961.
(*) dont de bien ridicules, comme celui de Microsoft, Mercedes ou Fiat... le sommet de mauvais goût étant celui de la Lexus.
(**) ils ne semblent pas pouvoir disposer d'assez de Tu-160 "FlapJacks", sorte de B-1 géant sous stéroïdes (elle n'en a que 16 exemplaires) pour représenter une menace de poids et leur PAK-50 encore dans les limbes - ici à droite-. On pense plutôt que les russes s'acheminent vers un chasseur-bombardier biplace bien plus petit, sur la base de leur T-50 (au développement difficile, un exemplaire a subi un incendie au sol) plutôt que vers un nouveau monstre volant. L'heure ne semble plus aux dévoreurs de pétrole, même chez les russes, mais aux avions de pénétration plus discrets.
sources à consulter :
http://foxtrotalpha.jalopnik.com/why-northrop-grumman-ran-a-super-bowl-ad-for-a-stealth-1683062602
http://foxtrotalpha.jalopnik.com/lockheeds-senior-peg-the-forgotten-stealth-bomber-1534057907
le rapport de Northrop :
63 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON