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Accueil du site > Tribune Libre > Quand Voltaire était à la manoeuvre

Quand Voltaire était à la manoeuvre

La guerre de Sept-ans (1756-1763), catastrophe pour le royaume de France, a été un grand moment pour la fortune de Voltaire, fournisseur aux armées, et financier de dimension internationale…

Compte tenu des actuels bruits de bottes, il ne sera peut-être pas mal venu d’essayer d’entrer dans le secret des dieux en allant voir ce qui se passe, à toute époque, chez ceux pour qui la guerre est toujours une belle affaire.

 C’est durant le mois de mai 1756 que celle qui nous occupe a été déclarée par ce bouffon de Louis XV, sous les applaudissements de Voltaire : la partie était lancée ; il s’agissait maintenant de miser sur tel ou tel camp, au fur et à mesure des différents épisodes…

 À la comtesse de Lutzelbourg, le 23 août 1756 :
 
« Dites-moi donc, Madame, vous qui êtes sur les bords du Rhin, si notre chère Marie-Thérèse, impératrice-reine, dont la tête me tourne, prépare des efforts réels pour reprendre sa Silésie. Voilà un beau moment ; et si elle le manque, elle n’y reviendra plus. »

 Au duc de Richelieu, le 27 août 1756 :
 
« Je crois que ma chère Marie-Thérèse a grande envie de prendre ce temps-là pour reprendre, si elle peut, sa Silésie. Nous attendons toujours des nouvelles consolantes de quelque petit commencement d’hostilités. Le feu peut se mettre tout d’un coup aux quatre coins de l’Europe. Quel plaisir pour vous autres héros ! »

 Richelieu, le héros personnel de Voltaire, vient de prendre Fort Mahon, et il brigue désormais le commandement de l’armée française du Hanovre…

 Quant à l’abbé de Bernis, il est en apprentissage auprès du ministre des Affaires étrangères, M. Rouillé, et c’est dans ce contexte de préparation à ses futures fonctions qu’il reçoit, le 2 septembre 1756, un Mémoire que Pâris-Duverney vient de préparer pour lui. Ce document nous permet de prendre la mesure des interventions qui pouvaient émaner des responsables des vivres relativement à l’organisation militaire elle-même :
 “Par le traité d’alliance défensif entre le roi et la reine de Hongrie [Marie-Thérèse d’Autriche], Sa Majesté s’est obligée de fournir à l’Impératrice-reine, si elle est attaquée, 18 000 hommes d’infanterie et 6000 de cavalerie, ou bien un équivalent en argent au choix de la reine.
 
Réflexions.
 
Si le roi, au lieu de fournir 24 000 hommes de ses troupes avait la liberté de les faire fournir par les princes d’Allemagne avec lesquels il a des traités, cela serait plus avantageux que de fournir de ses propres troupes, à cause des inconvénients dont on tracera ici une idée succincte.
 “1° La fatigue des troupes et peut-être leur répugnance pour retourner faire la guerre dans un pays qui a détruit en deux campagnes plus d’hommes qu’elle n’aurait fait dans six sur ses frontières, proportion gardée.
 
2° L’impossibilité aux officiers de faire des recrues pour ces troupes, qui conduirait indispensablement à la nécessité d’y envoyer des milices [ordinairement prélevées par tirage au sort et non sur engagement volontaire, comme c’était le cas pour les troupes régulières, composées, elles, de mercenaires mieux payés que les membres des milices dont c’était un service obligatoire], et qui occasionnerait encore plus de dégoût à ce corps si précieux à l’État.
 
3° La subsistance des troupes allemandes n’étant pas la même que celle des Français, surtout pour le pain, les Allemands ne vivant que de pain composé de pur seigle, pendant que les Français ne peuvent subsister qu’avec du pain composé de deux tiers de froment et d’un tiers de seigle ; ce qui nécessiterait d’avoir des entrepreneurs particuliers, et de former des magasins dans les différents endroits où l’on supposerait que se pourrait porter la guerre.”
 
 La suite du même Mémoire servira à illustrer ce propos de Robert Dubois-Corneau :
 “Duverney avait le faible de faire des plans de campagne ; et, selon Mme du Hausset, il était l’homme de confiance de Mme de Pompadour en ce qui concernait la guerre, à laquelle il s’entendait parfaitement bien.”

 Voici ce que nous dit le Mémoire :
 “Dans le cas où la reine de Hongrie ne jugerait pas à propos de joindre ses troupes pour attaquer le roi d’Angleterre dans ses propres États, l’on croit que le roi pourrait former une armée de 50 000 hommes pour exécuter ce projet. Alors les troupes de l’impératrice-reine lui devenant inutiles en Flandre, elle en pourrait tirer 12 à 15 000 hommes pour fortifier son armée en Bohême, répartir le surplus dans ses places, en en augmentant le nombre par des milices du pays [ce qui n’était pas bon pour la France – courir le risque de mécontenter la population – l’est donc pour l’Autriche…], ou bien en y faisant monter la garde par les habitants des villes. C’est un usage qui a été souvent mis en œuvre, et qui est d’autant plus facile, que presque tous les bourgeois sont armés.
 
Si cet arrangement avait lieu, il resterait à faire préliminairement des conventions avec l’impératrice-reine pour faire fournir par les pays de sa dépendance pendant la campagne, et même dans les quartiers d’hiver, les fourrages à un prix médiocre, comme de 6 sols la ration complète ; avec l’électeur palatin et celui de Cologne, sur le pied de 10 sols : on leur en a payé 12 sols dans la dernière guerre.”

 Marie-Thérèse veut reprendre la Silésie… Duverney pense, lui, que les bons comptes font les bons amis. Quant à Voltaire

 À la comtesse de Lutzelbourg, le 13 septembre 1756 :
 
« Priez bien Dieu, Madame, avec votre chère amie Mme de Broumat pour notre Marie-Thérèse, et si vous avez des nouvelles d’Allemagne, daignez m’en faire part. Notre Salomon du Nord [Frédéric de Prusse] vient de faire un tour de maître Gonin. Nous verrons quelles en seront les suites.
 
On dit que la France envoie vingt-quatre mille hommes à cette belle Thérèse sous le commandement du comte d’Estrées, et que cette noble impératrice confie trois de ses places en Flandre à la bonne foi du roi. »

 À François-Louis Allamand, le 17 septembre 1756 :
 
« J’ai chez moi une de mes nièces malade à la mort depuis un mois. Je ne suis pas trop en vie. Nos désastres particuliers ne m’empêchent pas de sentir les malheurs publics qui se présentent. Tout est bien, tout est mieux que jamais. Voilà deux ou trois cent mille animaux à deux pieds qui vont s’égorger pour cinq sous par jour. »

 Cinq sous ! C’était encore six naguère : décidément, ça démarre en fanfare !

 (Tous ces éléments sont tirés de l’ouvrage que j’ai publié en 2009 : « Voltaire - L’or au prix du sang », à retrouver dans : http://voltairecriminel.canalblog.com)


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10 réactions à cet article    


  • colere48 colere48 16 mars 2015 10:32

    Article bien ambigüe , que voulez vous démontrer ??
    François-Marie Arouet fut un homme vénal et cupide, bon , pas très différent des autres courtisans... (de l’époque ou d’aujourd’hui)
    Mais Voltaire ?
    Il reste un des concepteur de l’idée de « laïcité »
    Peut-être cela lui vaut-il ce déballage ??


    • Pascal L 16 mars 2015 13:00

      @colere48
      « concepteur de l’idée de « laïcité »

      Certains font remonter cette idée à Clovis qui refuse le pouvoir spirituel. D’autres encore le font remonter au Pape Gelase1er qui fait la disctinction entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel mais en fait personne ne sait ce que cela recouvre vraiment. Le terme de « laïcité » remonte au XXème siècle, le mot « laïc » n’a jamais voulu dire incroyant et le laïcisme actuel est une invention très récente que nous ne pouvons par rattacher à Voltaire.


    • colere48 colere48 16 mars 2015 14:09

      @Pascal L

      Désolé mais c’est ainsi !
      "Même s’il n’utilise pas le mot « laïcité » en tant que tel, Voltaire est, néanmoins, non seulement par ses écrits mais aussi par ses démarches visant à rétablir une justice impartiale dénuée d’intérêt communautaire, un des instigateurs d’un civisme équidistant envers toutes les attitudes religieuses et opinions métaphysiques (athéisme compris), civisme qui allait de pair avec son combat pour la liberté d’expression.

      A l’époque de Voltaire, en France, critiquer la religion, spécialement le christianisme, reste encore un exercice risqué, car la séparation entre l’Église et de l’État n’existe pas – et que l’Église demeure très puissante. Face à l’idéalisme aveugle et fanatique, Voltaire oppose la figure de l’homme laïc, nommé « Citoyen »


    • Pascal L 16 mars 2015 18:57

      @colere48
      Le contexte à l’époque de Voltaire n’a pas grand chose à voir avec avec le contexte contemporain. Voltaire était défenseur d’un état fort dans lequel la démocratie n’a pas sa place et ses attaques du pouvoir spirituel peuvent se comprendre comme une volonté de tout soumettre au pouvoir temporel et non de séparer ces deux formes de pouvoir.

       Ses critiques de l’intolérance et du fanatisme ne font plus débat aujourd’hui, sauf pour quelques sectes intégristes qui représentent une part infime de la population. Il me semble que vous êtes gèné par le fait que la séparation des pouvoirs est un concept chrétien enseigné par le Christ lui-même, même s’il a fallu beaucoup de temps pour que cela soit compris.

      Par ailleurs, Voltaire était très loin d’être athée. Je le cite :
      « S’il y a des athées, à qui doit-on s’en prendre, sinon aux tyrans mercenaires des âmes, qui, en nous révoltant contre les fourberies, forcent quelques esprits faibles à nier le Dieu que ces monstres déshonorent  » 
      et
      «  Les athées sont pour la plupart des savants hardis et égarés qui raisonnent mal, et qui, ne pouvant comprendre la création, l’origine du mal, et d’autres difficultés, ont recours à l’hypothèse de l’éternité des choses et de la nécessité. » 

    • devphil30 devphil30 16 mars 2015 10:56

      Rien compris .......


      • alberto alberto 16 mars 2015 11:02

        A l’auteur,

        Tu pourrais aussi écrire à propos des éminences cardinalices qui prêchaient en façade l’humilité et l’abstinence au petit peuple, en s’en foutant plein les fouilles et la panse en privé !

        A tes yeux, il semble que Voltaire a pour plus grand défaut de s’attaquer à ceux-là...

        Bien d’accord avec colère48, ci-dessus : pourquoi Voltaire, est-il l’unique objet de ton ressentiment ?


        • bakerstreet bakerstreet 16 mars 2015 19:12

          On voit mal où vous voulez en venir

          A quand un article sur la fortune de Diogène ?

          • SALOMON2345 17 mars 2015 12:40

            Je conseille en URGENCE à tous, de visionner sur YOUTUBE  les 114 conférences du précieux, pédagogue et intègre historien HENRI GUILLEMIN, lequel, avec pédagogie justement et sincérité visible, déboulonne les idoles de l’Histoire et pour ici, démontre et démonte le personnage VOLTAIRE ! Si celui-ci est désigné parangon de la liberté, le peuple, hier comme aujourd’hui, à tort de croire en lui pour l’amélioration de l’existence sociale, contrairement à ROUSSEAU, dont le souci par le contrat social veut ou cherche le BIEN de la cité, alors que l’autre courtisan ne voit que pour « sa gueule » !!! Trafiquant en tous genres, c’est la liberté à la Tapie qu’il préconisait dans ses jours les plus médiocres. Liberté comme la mondialisation qui refuse toute règle, comme au far west, règle empêcheuse de jouir en bande....
            Aujourd’hui, mais est-ce un hasard, c’est la promotion VOLTAIRE de l’ENA qui nous gouverne : à quand une promotion ROUSSEAU, moins désespérante ?
            Salutations.


            • ELAA 17 mars 2015 13:51

              Bonjour,


              moi aussi je conseille en URGENCE à tous de visionner les conférences passionnantes, ultra documentées de l’immense HENRI GUILLEMIN.

              On ne sera pas trop de deux pour souligner l’importance de son travail (en particulier sur la guerre de 1870 et la Commune, ou comment la France a vendu l’Alsace et la Lorraine pour écraser les rébellions populaires parisiennes, un portrait au vitriol de Napoléon (notre « héros absolu » selon les historia...) et une réhabilitation d’un personnage comme Robespierre, comme seul vrai défenseur du peuple face aux intérêts financiers.

              Si on connaissait mieux notre histoire, beaucoup de choses changeraient.

              Quelques citations que nous dévoilent Guillemin :

              - Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui et le gouverne (Voltaire)

              -La plus grande partie de nos concitoyens est réduite par l’indigence à ce suprême degré d’abaissement où l’homme, uniquement occupé de survivre, est incapable de réfléchir aux causes de sa misère et aux droits que la nature lui a donnés. (Robespierre)

              - « Jamais je ne commencerai une guerre sans avoir auparavant la certitude que l’ennemi démoralisé d’avance succombera sous mon premier choc. Partout en pays ennemi nous aurons des amis qui nous aiderons. Nous n’aurons même pas besoin de les acheter, ils viendront à nous spontanément. J’entrerai en France en champion de l’ordre social. Nous aurons avec nous les classes dirigeantes et possédantesc’est à dire ces milieux d’affaires pour qui un seul mot du vocabulaire politique s’écrit en lettre capital c’est le mot PROFIT. Ces collaborateurs spontanés n’auront pas de peine à trouver des phrases patriotiques servant d’habillage à leur jeu ». (Hitler)

              De quoi réapprendre l’Histoire, qui est à mille lieues de l’histoire officielle : « Croire à l’histoire officielle, c’est croire des criminels sur parole » (Simone Weil).


              • SALOMON2345 17 mars 2015 15:02

                Que cela fait du bien de parfois ne pas se sentir seul dans son coin, du plaisir de partager avec d’autres des morceaux de vérités si souvent enfouies sous le sucre doux (dragée au poivre) pour en planquer les amertumes qu’elles recouvrent.
                Visionnant le regretté HENRI GUILLEMIN, il est heureux de constater son intégrité absolue, son honnêteté intellectuelle lorsqu’il présente « à regret avoue-t-il », une pièce qui l’agace dans une démonstration, mais qui contribue par cette attitude, à confirmer toute la confiance totale que l’on peut en sécurité accorder à cet « honnête homme », au sens noble de ce terme !
                La vérité est révolutionnaire - fait-on dire à Lénine - il semble que si tous nous allons rencontrer HENRI GUILLEMIN, bien des opinions se radicaliseront pour le bien de la pensée !
                Cet homme ou ses messages devraient être remboursé par la Sécu, tant il fait du bien en dépétrant la mélasse, dans laquelle les esprits même les plus sincères se perdent hélas !
                FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...FAIRE SUIVRE...
                Salutations.

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