Quarantième saison de la série « Ils nous prennent pour des cons ! »
"L'Etat providence tu honniras et à tous ses immondes avantages tu renonceras". Le Guide du Roublard, dixième commandement.
Milton Hermès (1), Dieu très redouté du marché inclination néolibérale, était bien emmerdé. Son Envoyé Spécial, Sokrazy, était carbonisé. Non pas par un quelconque excès de zèle, son protégé ayant été parfait, mais plutôt par agitations chroniques carabinées, bobards épidémiques paradoxaux et quelques exubérances financières parfaitement valables pour l'Internationale des Roublards Certifiés (l'IRC), parfaitement frauduleuses selon d'ignobles critères propres à ce pays de Râleurs prompts à dégainer. Bref, Sokrazy n'était plus compétitif et c'était regrettable car le boulot était loin d'être terminé.
Tout bien considéré, Milton Hermès en vint à penser que le remplacement du petit nerveux représentait une opportunité inespérée à condition de bien choisir l'expert en enfumage apte à mettre en oeuvre, avec ardeur et célérité, tous ses divins décrets, textes fondamentaux réunis dans son sacro saint ouvrage, le Guide du Roublard. Pour Milton, les écritures sacrées étaient faites pour être respectées. Il ne comprenait pas l'obstination des Râleurs à s'opposer à l'espérance d'un avenir radieux.
Il était tourmenté car un gros chantier restait inachevé : "L'Etat providence tu honniras et à tous ses immondes avantages tu renonceras". Sokrazy, malgré un départ prometteur mais bien trop dispersé, avait manqué de temps et salopé l'affaire. L'application de ce dixième commandement, synonyme de progrès dans la modernité, constituait à présent l'urgence absolue.
Le profil de l'expert en enfumage fut donc établi : "peti, gros, joufflu, jovial, blagueur, sans expérience, capable dans un laps de temps extrêmement court de dire tout et son contraire, un peu flou et un peu mou, d'apparence socialiste. Normal serait un plus". Parmi tous les CV, Dieu sait s'il en avait en stock, un seul réunissait toutes ces qualités. Anaphore Flanby (2) fut donc propulsé nouvel Envoyé et grâce à la complicité d'un réseau médiatique bien entrainé, Milton Hermès n'eut aucun mal à faire gober aux Râleurs que le changement c'était maintenant ; le changement d'Envoyé Spécial, cela s'entend. Anaphore avait donc cinq ans, le temps d'un CDD, pour terrasser les résistances et permettre ainsi aux Râleurs d'accéder à la félicité.
Affublé d'un patronyme un tantinet archaïque, très troisième République diront ses détracteurs, Anaphore ne manquait pourtant pas d'argument et sa flamme introductive convainquit plus d'un suspicieux : "Moi, Envoyé de Milton Hermès..." Quinze fois il le répéta. Quinze fois !! L'exégète considéra que l'éloquente formule était parfaite pour faire entrer dans la caboche des Râleurs qu'ils allaient en chier. Ceux-ci, contrairement à la savante interprétation, considérèrent qu'il n'y avait pas de loup et que si Milton avait choisi un socialiste normal et mou, fait rarissime, c'était pour mettre un terme à ces conneries de marché libre et non faussé, de fexibilité, de précarité, d'austérité, de compétitivité et quantité de boniments récurrents.
Les Râleurs n'avaient pas encore compris que c'était Angela qui assurait le service après-vente et qu'à la première extravagance le nouvel Envoyé morflerait. Si bien qu'Anaphore ne fit qu'appliquer les principes réputés sans alternative par l'Internationale des Roublards Certifiés. Il jura d'ailleurs à Angela et aux adhérents de la prestigieuse association que jamais il n'avait eu d'autres intentions. Les Roublards Certifiés, décontenancés dans un premier temps par l'audace Miltonienne, poussèrent dans un deuxième temps un ouf de soulagement. Dans un troisième temps ils en déduiraient que : (a) les profits continueraient à pisser drus ; (b) les privilèges, exonérations et juteuses combines avaient du potentiel ; (c) par conséquence, l'oseille continuerait à tomber dans les fouilles agréées.
Ainsi Anaphore Flanby se montra digne, et c'est un minimum, de la confiance que Milton lui avait accordée. Les opérations d'enfumage se multiplièrent et se diversifièrent dans la stricte observance des prescriptions du Guide du Roublard. Tel un Lionel Messi, Anaphore appartenait à cette race de dribleurs passés Maîtres dans l'art du contre-pied. On l'attendait à gauche, et hop il filait à droite avec une telle élasticité qu'aucune opposition ne pouvait l'arrêter. Voilà pour l'habillage.
Mais évitons les jugements hâtifs, partiaux assurément, oublions l'enfumage qui est à la politique ce que la créativité est à la comptabilité, c'est à dire tout, et apprécions, après huit mois de magistère, son bilan. Du palpable, n'est ce pas là le plus important ? Le dix décembre dernier, disposant d'informations ultra confidentielles en exclusivité, Anaphore annonça que la crise était derrière nous !! Alors là, si çà, çà n'est pas un bon bilan autant reconnaitre sur le champ, pollués sans doute par la pensée unique de Minc ou bien haineuse de Mélenchon, qu'en compréhension de la chose économique, les Râleurs sont des buses de première !
Cette piteuse qualification aurait pu à la rigueur convenir si la réalité n'avait pas été pire. Les Râleurs, concentrés sur la gravité du présent, shootés aux récits traumatiques, "Arnaud contre le bonhomme d'acier", "Une vodka pour Gégé", "Les noces de Frigide", "Une bastos pour Mokthar", ou "L'innocente de Mexico", n'avaient prêté aucune attention à la téméraire déclaration. Cinquante jours après, tous ignoraient encore que l'application du dixième commandement commençait à produire de mirifiques rendements. Distraits, les Râleurs ne s'étaient pas aperçus que la crise était finie !
Ils ont bonne mine les Renault, les PSA, les Mittal, les Sanofi, les Fralib, les Good Year avec leurs obsolètes revendications et leur archaïque lutte des classes. La crise est f-i-n-i-e !! Moralité, un minimum d'attention serait plus qu'élémentaire si les Râleurs voulaient bien se donner la peine de jouir pleinement de l'abondante récolte, fruit de l'application par l'Envoyé Spécial des formules concoctées généreusement par le Grand Patron.
Afin de compenser cette coupable distraction il ne reste plus à Anaphore, irréprochable sur ce coup là, qu'à s'employer sans compter pour faire gicler tous les audacieux projets encore coincés dans les tuyaux : la vraie/fausse réforme bancaire, la vraie/fausse réforme de la fiscalité, la vraie/fausse réforme du marché du travail, la vraie/fausse lutte contre la désindustrialisation et son corollaire le chômage de masse, le vrai/faux pacte de croissance européen, la vraie/fausse lutte contre les paradis fiscaux, la vraie/fausse République bananière irréprochable (4). Ne surtout pas oublier le vrai/faux bras de fer avec Angela...
Anaphore a encore du boulot ! Espérons qu'à l'issue de con CDD, nous entamerons alors la quarantième saison de la série "Ils nous prennent pour des cons", il ne soit pas le seul à profiter... d'une telle exemption.
(1) Milton Hermès : Association de Milton Friedman (1912/2006), papa du néo libéralisme, fondateur de l'école monétariste de Chicago, inspirateur de Reagan et de Thatcher, et d'Hermès Dieu du commerce des voyageurs et des voleurs dans la mythologie grecque.
(2) Anaphore Flanby : En souvenir de la fameuse tirade "Moi, Président de la République...", quinze fois prononcée lors du débat Sarkozy/Hollande du 2 Mai 2012. L'anaphore est une figure de style consistant à commencer des vers ou des phrases par le même mot ou le même groupe de mots.
(3) Déclaration du 10 décembre 2012 à Oslo dans le cadre de la remise du prix Nobel de la Paix à l'U.E.
(4) Il a du pain sur la planche : Affaires Guérini, Cahuzac, Tapie/Lagarde/Sarkozy, Woerth/hippodrome, Sarkozy/Woerth/Betancourt, Sarkozy/Kadhafi, Sarkozy/sondages de l'Elysée, Sarkozy/Takieddine/Karachi, Qatar/Platini/Sarkozy, affaire Boulin etc.... Autrement dit la vérole maffieuse qui achève notre démocratie. Et dire que Sarkozy voulait supprimer les juges d'instruction, la seule profession à avoir vraiment du boulot.
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