Quartiers difficiles : le féminisme en question
Les collectifs féministes prennent aujourd’hui pour cible le sexisme qui s’ancre trop durablement dans les banlieues, et qui se transmet de plus en plus aux générations nées sur le sol français, donc indiscutablement françaises, au lieu de s’atténuer avec le temps.
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La tentation serait grande de dire que les phénomènes machistes, l’extrémisme des relations hommes/femmes, les comportement déviants qui en résultent (tournantes, soumission aux hommes, enfermement...) sont dus aux populations immigrées des quartiers, et spécifiquement aux reliquats de l’Islam. Pourtant ce serait une erreur grossière. Ce sont en réalité les conséquences d’un choc thermique entre populations d’origine maghrébine et femmes occidentales que l’on observe, et le comportement des beurettes en est le révélateur.
Pour reprendre un lien donné dans le film suivant : L’amour dans les quartiers->http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=17590] , il existe de nombreuses explications sociologiques->http://www.sosfemmes.com/violences/violences_femmes_immigrees.htm] à celles-ci. Par ailleurs, il me semble que les spécificités inquiétantes des relations hommes/femmes dans les quartiers difficiles sont complètement originales. En effet, il n’y a jamais eu de phénomène tournante au Maghreb. Ni le dédain des aînés, d’ailleurs. Ni de mauvaise éducation par la rue. Ni un tel individualisme (c’est pour ça que souvent j’adore avoir des primo immigrés parmi mes jeunes : ils n’ont peur de rien, ils font tout le temps les imbéciles et méprisent par trop l’autorité des femmes, mais quand on a besoin d’eux, ils sont toujours là et savent se sacrifier pour le groupe, pour peu que ce soit un "travail d’homme"). On ne peut donc pas parler de la transmission, ou de la survivance d’un sexisme inhérent à la culture maghrébine (plutôt que musulmane).
D’où vient ce « choc thermique » ?
Le féminisme a progressé doucement en Occident. Même s’il a avancé par saccades, l’évolution des mentalités s’est déroulée dans un laps de temps relativement long, tout compte fait. La société et en particulier le regard des hommes sur les femmes, a donc eu le temps aussi d’évoluer. La libération sexuelle a été digérée. Aujourd’hui, les femmes jouent de l’image de femme objet plus qu’elles n’y sont astreintes. Malgré une grande violence symbolique, elles ont pris un recul sur le sujet qui leur permet de faire valoir cet aspect comme un atout, d’avantage que comme une contrainte. Le féminisme a pris une tournure inattendue, au point que les armes des femmes sont aujourd’hui copiées par les "métrosexuels", qui espèrent tirer aussi bien leur épingle du jeu que les femmes fatales.
Cette distance sur le sujet permet que la surexposition d’icônes ultraféminines et de canons de beauté dénudés, retouchés, provoque certes quelques dommages (anorexie et complexes, notamment, mais aussi ostracisme des femmes moins attirantes (1) ), mais bien moindres que ceux que cette litanie permanente devrait causer.
Les populations primo immigrées se sentent quand à elles perdues en Occident comme à Sodome et Gomorrhe. Partout le sexe pour faire vendre. Le porno chic, les magazines abordant sans ménagement les techniques sexuelles, le lesbianisme, l’échangisme... Le premier degré avec lequel elles appréhendent la situation change complètement la chose. D’où la difficulté de relativiser dans son éducation. Au final, celle-ci sera souvent radicale, soit dans un laisser faire démissionnaire, soit dans des contraintes rédhibitoires.
Le féminisme doit aborder ensemble deux problématiques radicalement différentes selon le milieu social envisagé.
Pour les familles intégrées, ou plus aisées, qui évoluent dans un milieu cosmopolite et non communautariste, le choix est : carrière ou famille (c’est le marché du travail qui l’impose).
Pour les milieux défavorisés, et compte tenu de la très faible mobilité sociale en France (dernière en Europe, pire que la Roumanie, je le rappelle), le choix est le plus souvent : accepter l’autorité des hommes (du père/frère au mari), ou être dévergondée ou considérée comme telle (et donc exposée aux harcèlements qui en résultent). Le plus souvent le choix vestimentaire marque le tiroir où la femme est prisonnière (voile ou style cagole ->http://fr.wiktionary.org/wiki/cagole] - expression marseillaise qui résume bien le style). Ce qui est terrible c’est de voir à quel point les femmes qui ont réussi à prendre une troisième voie sont peu nombreuses. Le plus souvent elles ont dû feindre leur soumission à l’une des deux castes pour mieux s’en affranchir, quand elles ne s’y sont pas engluées, tout simplement. Il va falloir développer des catégories intermédiaires : que celles qui ont eu un milieu social n’aient plus à sacrifier un pan de leur vie, que les femmes des quartiers difficiles puissent jouir des fruits de leur travail et décider de leur vie.
Pourquoi faudrait-il repenser le combat féministe ?
Le féminisme a eu une concrétisation étrange : au lieu de prôner un nouvel ordre de valeurs, moins axé sur la dominance de l’Homme par l’Homme (comprendre l’humain par l’humain), en diffusant les valeurs de solidarité, de négociation, de compassion féminine, le mouvement féministe a essentiellement réussi à conserver l’inique de la société, mais à aménager des voies d’accès au sommet de la pyramide pour en assurer la mixité. Dès lors il était inévitable que les femmes restent tentées de jouer les femmes objets, si ça leur permettait de réussir socialement. La prochaine étape sera pour les femmes arrivées aux manettes, ce qui arrive à grands pas vu leur réussite dans les études secondaires, d’aménager une société qui permette aux femmes de véritablement choisir leur vie, et d’en changer en cours de route ou de concilier leurs vies sans avoir à subir la pénible « double journée ». Bref, à elles de sortir d’une logique de reproduction sociale (j’ai tout sacrifié pour réussir, alors tu devras payer le prix, toi aussi). Elles devront de même permettre à toutes les femmes des quartiers de réussir, même celles qui ont dû transiger avec les réalités de leur milieu d’origine pour mieux s’en extraire, pour concilier foi religieuse et modernité, ou simplement pour vivre en paix.
Dans ce cas, une forte mobilité sociale et la mise de côté de la conception politisée, éculée duféminisme sont indispensables. La tendance actuelle au communautarisme, là où il pourrait y avoir cosmopolitisme, est essentiellement due à cette crispation des lignes, au sein desquelles les femmes savent qu’elle sont presque toutes assignées pour la vie. Et l’évolution ne se fera pas en un jour, mais seulement au terme d’un effort soutenu.
Le féminisme est donc plus que jamais d’actualité. Il doit cependant s’interroger sur ses objectifs et ses méthodes de combat.
(1) Mme Bachelot a dit récemment que la chose que l’on pardonnait peut-être le moins aux femmes était d’être moche, alors qu’en ce qui concerne les hommes, ce défaut était moins déterminant.
Crédit photo : Trois petites filles, copyright Noé Productions.
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