(Nouvelle lettre ouverte au président du groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale)
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- « Quelle société veut-on donner pour nos nouvelles générations ? [...] Après le mariage homosexuel, bientôt l’adoption ! [...] Je dirais, à la limite, à quand la dépénalisation du viol ? Ou la légalisation du viol ? »
Monsieur le Président,
À la suite de notre lettre ouverte du 14 juillet : « Pris en otage par son aile droite, le groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale s’enfonce dans la provocation homophobe » [1], nous accusons bonne réception de votre réponse du 21 courant et saluons cette marque de respect, inédite, à l’égard d’une part de la société civile ignorée avec constance par le groupe que vous présidez et par le parti auquel vous appartenez : les associations LGBT (lesbiennes, gaies, bi & trans) - qui ne représentent jamais qu’un vingtième environ de nos compatriotes [2].
Paradoxalement, le député européen du Front national Bruno Gollnisch avait dès le 14 juillet apporté sa réponse à notre lettre, nous donnant ainsi le sentiment étrange que lorsque l’on écrivait à votre parti, c’est le sien qui répondait. Nous sommes heureux et heureuses que vous leviez cette ambiguïté, en partie seulement cependant puisque les arguments de M. Gollnisch (qui estime que les homosexuels feraient « un choix de vie » qui exclurait la procréationet « ne sauraient exiger le mariage dont la finalité » serait « la transmission de la vie », alors que le pacs suffirait « à régler les problèmes qu’ils rencontrent ») semblent difficilement se différencier, sur ce point, des vôtres [3].
Nous prenons également acte de votre condamnation des propos tenus par la députée du Tarn-et-Garonne Brigitte Barèges, membre de votre groupe, le 25 mai devant la commission des lois de l’Assemblée nationale statuant sur la proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe : « Pourquoi pas le mariage avec les animaux ou la polygamie ? »
Pour autant, nous observons que votre réponse n’en apporte aucune sur les remarques spécifiques que nous formulions quant au rapport sur la famille rendu le 13 juillet par cinquante-trois député/e/s de votre groupe, emmené/e/s par la députée de la Moselle Anne Grommerch et le député de la Drôme Hervé Mariton [4]. Nous regrettions notamment une partialité criante dans le choix des personnes auditionnées (des chrétiens mais pas de musulmans, des parents mais pas d’enfants, des hétéros mais pas d’homos...) et une accumulation de poncifs homophobes sans rigueur scientifique (les unions homosexuelles seraient sans « avenir » et placées sous le signe de « l’instant », avoir deux parents de sexes différents serait « un bien élémentaire de l’enfant »).
Au contraire, votre réponse porte de façon générale sur l’avancée contrariée vers l’égalité des personnes LGBT dans notre pays. Vous évoquez ainsi, semble-t-il pour vous en réjouir, une « convergence des régimes juridiques [des couples de même sexe] avec les couples mariés », laquelle vous opposez aux « traitements discriminatoires » du passé. Voilà qui nous surprend car cette convergence n’est pas parfaite, loin s’en faut, et les traitements discriminatoires persistent. En particulier, votre majorité a été élue sur la base d’un programme promettant l’union civile aux couples de même sexe et avec elle l’égalité successorale, sociale et fiscale : cette promesse n’est pas tenue (voir notre communiqué de presse du 14 juin : « La majorité présidentielle enterre un peu plus sa promesse d’égalité aux personnes homosexuelles ») [5].
En outre, vous appuyez le maintien de la prohibition du mariage des couples de même sexe sur une décision contestable du Conseil constitutionnel du 16 novembre (en réalité, du 28 janvier, la haute instance ayant été saisie le 16 novembre), dont nous avons déjà eu l’occasion d’estimer qu’elle faisait de la France un « pays d’homophobie d’État » (voir notre lettre du 29 janvier au président du Conseil constitutionnel : « Monsieur Debré, vous avez sali la Constitution » ; à cet égard, nous ajoutions que « le problème n’est plus véritablement celui du mariage, qu’il faudra évidemment ouvrir aux couples de même sexe, mais celui de la Constitution dans laquelle il est désormais nécessaire d’inscrire un principe de neutralité par rapport à l’orientation sexuelle ou, du reste, à l’identité de genre ») [6].
Dès lors, sachant que la députée de Paris Edwige Antier, l’une des cinquante-trois précité/e/s, s’est publiquement désolidarisée des conclusions présentées en leur nom par Mme Grommerch et M. Mariton, estimant qu’elles ne correspondaient pas à leurs échanges [7], nous souhaitons, comme vous nous y invitez, revenir vers vous avec les questions suivantes.
1°) Alors d’une part que l’un ou plusieurs des membres du groupe de travail sur la famille, animé au sein du groupe que vous présidez par Mme Grommerch et M. Mariton, estiment que le rapport publié le 13 juillet n’est pas fidèle aux débats de ce groupe de travail ; alors d’autre part que la liste des personnes auditionnées en vue de produire ce rapport est manifestement partiale et ne correspond pas à la diversité de la société française ; alors encore que ce document présente une suite de poncifs homophobes en s’abstenant d’indiquer à leur appui une quelconque bibliographie, témoignant ainsi d’un manque de rigueur qui ne correspond pas à ce que peuvent attendre nos concitoyen/ne/s de leurs représentant/e/s ; alors enfin que, selon votre propre réponse du 21 courant, vos collègues développent des « réactions excessives » au sujet de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, le groupe politique que vous présidez reprend-il à son compte les conclusions de ce rapport ?
2°) Alors que vous semblez appeler de vos vœux une « convergence » entre les régimes juridiques des couples de même sexe et des couples de sexes différents, le groupe de l’UMP à l’Assemblée nationale entend-il mettre en œuvre les promesses électorales formulées en 2007 quant à l’octroi de l’égalité successorale, sociale et fiscale aux personnes LGBT ?
3°) Alors que vous évoquez, dans votre réponse du 21 courant, la décision litigieuse du Conseil constitutionnel du 28 janvier relative à l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe sans vous prononcer sur son bien-fondé et alors que vous reconnaissez les « réactions excessives de [vos] collègues », sauriez-vous préciser votre opinion personnelle quant à cette décision et quant à l’opportunité d’inscrire dans la Constitution un principe de neutralité par rapport à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre ?
4°) Enfin, alors que vous condamnez les propos tenus par Mme Barèges le 25 mai, condamnez-vous les propos équivalents tenus par le député du Val-de-Marne Jacques-Alain Bénisti, membre de votre groupe, le 23 juin sur la Chaîne parlementaire ? - « Quelle société veut-on donner pour nos nouvelles générations ? [...] Après le mariage homosexuel, bientôt l’adoption ! [...] Je dirais, à la limite, à quand la dépénalisation du viol ? Ou la légalisation du viol ? » [8]
Vous remerciant par avance de vos réponses à venir, nous restons à votre disposition pour tout complément d’information et vous prions, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de nos salutations républicaines.
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David Auerbach Chiffrin
président de la fédération Total Respect
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Matthieu Gatipon-Bachette,
vice-président de la fédération Total Respect,
président de Couleurs gaies
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NOTES
[1] 14 juillet 2011 - Pris en otage par son aile droite, le groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale s’enfonce dans la provocation homophobe (Lettre ouverte au président Christian Jacob) - Communication n°TRF2011-09E
[2] 21 juillet 2011 - Réponse de Christian Jacob, président du groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale, à une lettre ouverte de Total Respect en date du 14 juillet (« Pris en otage par son aile droite, le groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale s’enfonce dans la provocation homophobe »)
[3] 14 juillet 2011 - Quand on écrit à l’UMP, c’est le Front national qui répond
[4] 12/13 juillet 2011 - Rapport du groupe de travail sur la famille animé par les député/e/s Anne Grommerch et Hervé Mariton pour le groupe politique de l’Union pour un mouvement populaire à l’Assemblée nationale
[5] 14 juin 2011 - La majorité présidentielle enterre un peu plus sa promesse d’égalité aux personnes homosexuelles - Communiqué de presse n°TRF2011-09D
[6] 29 janvier 2011 - Monsieur Debré, vous avez sali la Constitution (Lettre au président du Conseil constitutionnel suite à une décision qui légitime l’homophobie d’État) - Communication n°TRF2011-08
[7A] 13 juillet 2011 - Les députés UMP veulent réserver en priorité l’adoption aux couples (L’Express)
[7B] 20 juillet 2011 - Contre l’homoparentalité, l’UMP veut « promouvoir la famille durable » (Le Monde)
[8] 12 juillet 2011 - Affaire Bénisti : Le sénateur Jean-Claude Voguet saisit le président du Sénat, Total Respect lance une souscription - Communiqué de presse n°TRF2011-26C
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