Que cache le livre de John Bolton ?
La scène politique américaine est le théâtre d’une véritable agitation autour de plusieurs livres qui devraient être mis sur le marché dans les prochaines années, dans une période particulière marquée par de grandes interrogations et non sans connotations.
Le plus emblématique est le livre « The Room Where It Happened : A White House Memoir » (« La pièce où ça s’est passé : un mémoire de la Maison Blanche ») que la Maison Blanche a redouté depuis janvier et s’est efforcée ainsi d’en interdire la publication.
L’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton y expose des situations qui ont eu lieu pendant son mandat. À travers son livre, Bolton donne son jugement sur la personnalité, la capacité et l’éligibilité du président Donald Trump à diriger les Etats-Unis.
Le livre de Bolton contient des faits et des récits graves, ce à quoi de nombreux politiciens ont été incités à réagir. Le livre avait auparavant incité la Maison Blanche à demander vigoureusement une ordonnance du tribunal pour arrêter sa publication, alors que des chapitres ont déjà été divulgués par la presse américaine.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas été le seul à repousser le récit de Bolton qui s’est montré sceptique quant à la capacité de Jared Kushner à apporter des solutions à la question palestinienne.
La réponse la plus forte est venue du secrétaire d’État Mike Pompeo, qui est allé jusqu’à qualifier Bolton de « traître. » « Il est à la fois triste et dangereux que le dernier rôle public de John Bolton soit celui d’un traître qui a porté préjudice à l’Amérique en violant sa confiance sacrée envers son peuple, » a-t-il déclaré dans une déclaration intitulée « I Was In The Room Too » (« J’étais aussi dans la pièce »).
Bien que le livre n’ait pas encore été publié à cette heure, les réactions aux extraits ont été rapides et violentes, attestant de la gravité des propos de Bolton. Aussi, les accusations, les faits et les dires sont racontés par un belliciste républicain acharné et un politicien réputé, et non par une personne ordinaire. Cela signifie que, quelques mois avant l’élection présidentielle de novembre, le Parti républicain n’est pas en plein accord.
Il semblerait à certains que Pompeo se soit empressé de réagir. Dans son livre, Bolton a parlé de propos révélateurs des relations entre Pompeo et le président Trump. La presse américaine a rapporté que selon le livre, le secrétaire d’État américain aurait moqué le président américain lors d’une réunion au sommet avec le leader nord-coréen Kim Jong Un en 2018 à Singapour.
Bolton affirme que Pompeo lui a remis un papier dans lequel il écrit sur Trump qu’il était un « satané menteur, » puis a critiqué la manière dont Trump approchait la Corée du Nord. Selon Bolton, Pompeo avait dit qu’il avait « zéro probabilité de succès. » Beaucoup sont convaincus que ces allégations pourraient ébranler les liens étroits entre Trump et son secrétaire d’État.
De notoriété publique, le président des Etats-Unis ne laisse pas passer facilement de telles allégations. Les nombreuses choses que Bolton attribue à Pompeo peuvent aussi remettre en doute ces liens. Ce n’est pas seulement l’approche de Trump envers la Corée du Nord.
Bolton ajoute même d’autres témoignages, comme la fois où Pompeo s’est plaint qu’il avait failli faire un « arrêt cardiaque » lors d’une conversation téléphonique avec le président sud-coréen. Cela place le secrétaire d’État en position difficile et mine la confiance du président dans son soutien. Cela explique peut-être la réaction rapide et intense de Pompeo au livre de Bolton.
L’ancien conseiller à la sécurité nationale ne cache pas son objectif premier de publier son livre maintenant. Donald Trump n’est pas qualifié pour être président des États-Unis, c’est le message qu’il a fait passer lors d’une interview télévisée sur ABC News. « Je ne pense pas qu’il soit apte à occuper ce poste. Je ne pense pas qu’il ait les compétences requises pour exercer cette fonction. »
Cela explique aussi l’empressement de Bolton à voulu exposer de nombreux faits graves, dont certains pourraient à l’origine toucher à la sécurité nationale des États-Unis, comme a dit la Maison Blanche. Il a accusé le président Trump d’avoir commis de sérieux dérapages dans sa quête d’un nouveau mandat présidentiel, en demandant explicitement l’aide du président chinois Xi Jinping pour gagner.
Le livre de Bolton importe aux cercles politiques, médiatiques et publics américains pour deux choses. En premier figure le poids et la position politique de Bolton auprès des républicains et des démocrates. En second lieu, il y a les faits spécifiques qui se sont déroulés à la Maison Blanche, son analyse du caractère du président, sa description de lui comme étant « étonnamment mal informé » des faits géopolitiques de base, et ses décisions prises pour s’accrocher à son second mandat.
Avant sa destitution, Bolton a été décrit comme allant devenir un ami proche du président Trump. Mais leurs points de vue ont divergé sur de multiples dossiers, dont ceux de la Corée du Nord et de la Chine. Leur accord sur l’Iran aurait été un accord sur la haine du régime et non sur une stratégie à suivre. Le président Trump a toujours cherché à conclure un « deal » avec les mollahs. Quant à Bolton, il avait l’intention de persuader la Maison Blanche de lancer une frappe militaire lourde contre le régime iranien.
Cette différence de vision découle de la conviction de Trump quant à l’efficacité de l’approche des sanctions et du blocus économique, tandis que Bolton restait un belliciste convaincu que le recours à la force était incontournable pour atteindre les objectifs de la politique étrangère américaine et renverser les régimes voyous.
Ce n’était certainement pas un secret pour Trump, qui l’a apparemment utilisé pour intimider les mollahs et leur faire croire qu’il était enclin à l’option militaire pour les pousser à s’asseoir à la table des négociations. Trump lui-même a décrit le style de négociation de Bolton comme étant celui d’un « M. Le dur » qui « ne s’entendait pas avec les gens de l’administration que je considère comme très importants. »
Il faut se rappeler que le limogeage de Bolton a coïncidé avec la quête de Trump de s’ouvrir à deux régimes détestés par les fauteurs de guerre républicains, notamment Bolton, qui a souligné que les deux pays n’étaient pas dignes de confiance. Cette attitude a pesé dans le renvoi de son conseiller à la sécurité nationale, l’ennemi juré des deux régimes. Mais le résultat est que Trump a perdu Bolton et l’a placé dans le cercle des adversaires, et il n’a pas non plus réussi à conclure un accord avec l’un ou l’autre.
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