Que cache Pierre Omidyar ?
Détenus par une poignée de milliardaires aux agendas cachés, les médias classiques fabriquent le consentement, c’est un secret de polichinelle. Qu’en est-il des médias alternatifs qui foisonnent sur internet, aux modes de financement divers, participatifs pour la plupart, publicitaires pour certains ?
Les journalistes Alexander Rubinstein et Max Blumenthal signent une enquête sur le site web d’actualité « MintPress News » sur les engagements énigmatiques et souvent contradictoires, de l’investisseur et « philanthropreneur » irano-franco-américain, Pierre Omidyar, fondateur de l’entreprise de courtage en ligne « eBay », dans divers médias progressistes et organisations non gouvernementales (ONG).
A travers leur société d’investissement philanthropique, un bel oxymore, « Omidyar Network », Pierre et Pamela Omidyar, dont la fortune personnelle s’élève à 10,9 milliards USD, oeuvrent pour le bien de l’humanité en soutenant des projets à buts non lucratifs, au même titre que des projets commerciaux, créant ainsi un pot-au-feu quelque peu indigeste, dans des domaines aussi divers que la consommation, internet & téléphonie mobile, éducation, inclusion financière (accès démocratique aux services financiers), gouvernance publique et privée, engagement citoyen, droits de propriété etc.
Le 16 octobre 2013, Pierre Omidyar, annonce une collaboration avec les journalistes Glenn Greenwald (ex-Guardian et lauréat du Prix Pulitzer), la réalisatrice et journaliste Laura Poitras, (Oscar du meilleur film documentaire en 2015), ainsi que Jeremy Scahill (auteur du livre « Blackwater, l’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde » et d’autres).
Le couple Omidyar prévoit un investissement total de 250 millions USD dans un nouveau groupe de presse en ligne, « First Look Media », crée dans le but « d’établir un journalisme de contre-pouvoir ».
Tout altruiste que Pierre Omidyar puisse paraître, il est avant tout un homme d’affaires. Il n’est donc pas surprenant que derrière cette « création de contre-pouvoir médiatique » se cache un intérêt commercial manifeste. En effet, en mai 2013, la réalisatrice Laura Poitras et le journaliste Glenn Greenwald furent approchés, anonymement, par l’informaticien Edward Snowden, travaillant pour la société « Booz Allen Hamilton », un sous-traitant de la NSA (National Security Agency), désireux de rendre publics une série de documents hautement confidentiels, sur le programme de surveillance des gouvernements américains et britanniques.
Après une série d’interviews, tournés dans un hôtel à Hong Kong, les journalistes partagent une partie de ces documents, captations de conversations téléphoniques, systèmes d’écoute sur internet, programmes de surveillance, avec les plus importants titres de presse, tels que « New York Times », « The Washington Post », « The Guardian », « Der Spiegel ».
Le 10 février 2014 marque la date du lancement du premier titre du groupe de presse « First Look Media », le magazine en ligne « The Intercept », conçu initialement comme plateforme d’exploitation des « documents Snowden » dont le philanthrope Pierre Omidyar détient l’exclusivité, mais dont seulement une infime partie est rendue public à ce jour. Pourquoi ?
Il est d’autant plus troublant qu’à peine deux ans après le lancement du magazine en ligne « The Intercept » Pierre Omidyar invite un certain Robert Lietzke à participer dans les programmes de « l’Omidyar Network ». Il se trouve que le même Robert Lietzke fut le supérieur d’Edward Snowden dans la société « Booz Allen Hamilton » le sous-traitant de la NSA (National Security Agency).
A travers sa section « Field of Vision » « First Look Media » soutient des films documentaires médiatisés tels que « Risk » un portrait à charge sur l’ONG « Wikileaks », mis en scène en 2017, par Laura Poitras, sévèrement critiqué par les avocats de Julian Assange. La critique se porta notamment sur son refus de permettre le visionnage du film, avant publication, aux participants, ainsi que la mise en danger des derniers, pour avoir édité le film aux Etats-Unis dans un contexte hautement dangereux pour « les sources ».
Par ailleurs, les avocats suggérèrent que le changement d’attitude envers « Wikileaks » de la part de la réalisatrice pouvait être lié à la publication par l’organisation d’une série d’e-mails compromettants en provenance du serveur du Parti démocrate, révélant une campagne de dénigrement de la part de la candidate Hillary Clinton à l’encontre de son adversaire Bernie Sanders.
Un autre documentaire financé par « Field Vision » met en scène la publication des « Panama Papers » par ICIJ « International Consortium of Investigative Journalism) une organisation à but non lucratif, basé à Washington, financé, entre autres, par Pierre Omidyar à hauteur de 100 millions USD. Dans sa bande annonce, le documentaire met en scène le journaliste du quotidien anglais « Guardian », Luke Harding, expert en matière d’espionnage russe, toujours à la recherche de preuves tangibles. Un autre film « publicitaire ? » sur les Panama Papers et le ICIJ, commercial celui-ci, est dans « la pipeline », avec, en tête d’affiche, l’actrice américaine Meryl Streep, sortie 2019.
L’investissement dans une croisade quasi messianique contre les « fausses informations » ou « fake news » fait partie des priorités du réseau Omidyar qui contribue ainsi, à travers nombreux groupes de « vérificateurs de faits », à la propagation de la vérité.
Ainsi la fondation peut s’enorgueillir d’une participation dans la société de cybersécurité « New Knowledge », basée à Austin, Texas, dont les deux fondateurs Ryan Fox, un ancien employé de la NSA (National Security Agency) et Jonathon Morgan, un ancien du « think-tank » néolibéral « Brookings Institution », furent contraint d’avouer leur implication dans la dissémination de… fausses nouvelles sur internet.
Mandaté par des membres du « Parti démocrate », les deux administrateurs admirent publiquement avoir lancé, en 2017, à l’occasion des élections sénatoriales en Alabama, une campagne de désinformation sur le réseau « facebook », en créant des pages bidon, dans le but de salir la réputation du candidat républicain, l’accusant d’agression sexuelle, encourageant les électeurs, favorables au « Parti démocrate » de se déplacer aux urnes, tout en incitant les citoyens républicains à voter pour un candidat marginal, dans le but d’affaiblir le candidat officiel.
Il n’est pas connu si Pierre Omidyar avait connaissance de ces agissements.
Dans le registre humanitaire Pierre Omidyar s’associe à USAID, « l’Agence des Etats-Unis pour le développement international » placée sous la responsabilité directe du président des Etats-Unis et le Département d’Etat, organisation qui essaie actuellement, sans grand succès, d’approvisionner « de force » l’état du Venezuela, « éprouvé par la famine et la violence », avec des vivres.
Dans le registre de la « propagation de la démocratie dans le monde », est également soutenu le « National Endowment for Democracy » (NED) une fondation privée crée pendant la présidence de Ronald Reagan sous la bienveillance de William Colby, le directeur de la CIA de l’époque, et dont l’objectif déclaré est « le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde ».
Au mois de mai de cette année Pierre Omidyar est passé, semble-t-il, à la vitesse supérieure, en contribuant au lancement du nouveau magazine en ligne « The Bulwark » du journaliste et éditorialiste néo-conservateur, invité régulier de la chaîne d’information « Fox News », William, dit Bill, Kristol, fervent avocat de l’expansion militaire des Etats-Unis au Moyen Orient et dans le reste du monde, néanmoins adversaire fervent du président Trump.
Ancien militant trotskyste, co-fondateur du mouvement néo-conservateur aux Etats-Unis, Kristol est connu pour avoir traité le lanceur d’alerte Edward Snowden de traitre à la patrie dans plusieurs publications.
Le nouveau magazine en ligne se veut comme œuvre d’une alliance contre nature entre républicains et démocrates conservateurs contre le président. C’est ce qu’on appelle outre Atlantique « a no-brainer ».
La branche « démocratie » de « Omidyar Network » contribue au financement d’une oeuvre de charité du nom de « News Integrity Initiative » dont l’objectif est de « combattre la manipulation médiatique » à travers un réseau de journalistes, informaticiens, d’institutions académiques, en organisant dans des pays traditionnellement hostiles envers les Etats-Unis des « camp d’entrainement » pour journalistes, répandant une narration favorable à l’OTAN, (Organisation du traité de l’Atlantique nord).
Dans le contexte d’une sensibilisation publique de la relation incestueuse entre les géants de l’informatique tels que « facebook », « Google » ou « Amazon » avec le complexe militaro-industriel et les agences de renseignement, Pierre Omidyar a réussi, jusqu’ici, de passer sous les radars.
Affaire à suivre
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