Quel homme était le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame ?
Le vendredi 23 mars 2018, Radouane Lakdim s'empare à Carcassonne (Aude) vers 10h, d'une Opel Corsa après en avoir abattu le passager et blessé grièvement le conducteur. Au volant du véhicule, il se porte à proximité du casernement de la CRS 57 et tire à six reprises sur quatre policiers faisant leur jogging, en blessant un à l'épaule et au poumon, avant de tenter de les écraser. A 10 h 39, il « déboule » sur la parking du Super U de Trèbes, quitte le véhicule sous l'objectif de la caméra de surveillance et se rue dans le magasin aux cris d'« Allah akbar » ; la plupart des personnes présentes apeurées parviennent à s'échapper par l'arrière du magasin, d'autres à se réfugier dans une chambre froide. L'homme, l'air goguenard, abat le boucher et un client sous les yeux d'une caissière qui se retrouve seule à l'intérieur du magasin de 2 000 m2 avec le tueur armé d'un PSA calibre 7.65 dans une main, un poignard dans l'autre.
Les premiers éléments du PSIGN arrivent sur place à 11 h, rejoints par les gendarmes locaux. Les premiers bloquent le périmètre tandis que les « départementaux » rejoignent par l'escalier extérieur, la salle de vidéo surveillance située au 1° étage du magasin. Après avoir localisé le terroriste sur les écrans, au niveau de l'accueil, le groupe de gendarmes descend en « colonne d'intervention ». Parvenus au rdc, et après s'être réorientés, Radouane est aperçu menaçant une jeune femme d'une arme sur la tempe. En se dirigeant vers l'individu protégé par son bouclier humain, les gendarmes procèdent à l'évacuation de quelques clients cachés derrière les rayons.
Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrane accompagné de ses hommes établit le premier, contact avec l'individu réfugié en compagnie de son otage dans la salle des coffres utilisée comme « safe room »... En signe d'apaisement : « Il a levé les mains en l'air, déposé son arme et a demandé à prendre la place de la personne prise en otage ». Lakdim aurait exigé alors la libération de Salah Abdeslam et des chargeurs supplémentaires ! La jeune femme « libérée quelques minutes plus tard », l'officier supérieur contacte ses collègues pour leur demander de quitter les lieux, et il dépose son Smartphone activé sur une table... Aucun binôme ne reste dissimulé sur place pour contrôler la porte de la salle des coffres... Les gendarmes vont suivre l'évolution de la situation en direct. A 12h10, le GIGN venu de Toulouse se déploie autour du supermarché et tente d'engager une négociation avec Radouane Lakdim.
Épilogue : à 13h10, Radouane Lakdimi quitte la salle des coffres « en se servant du lieutenant-colonel Beltrame comme bouclier humain sous la menace d'une arme posée sur sa tempe », sollicitant « la remise d'un chargeur » et menaçant « de tout faire sauter en cas d'intervention des forces de gendarmerie ». A 14h16, des tirs sporadiques retentissent, le GIGN donne l’assaut. Le « soldat... » du califat neutralisé, les gendarmes découvrent Arnaud Beltrame la gorge tranchée et blessé par projectiles à un bras et à un pied. Ce périple meurtrier aura fait quatre victimes et seize blessés.
Arnaud Beltrame engagé volontaire Armée de terre (EVAT) en 1995, devenu Officier de Réserve en Situation d'Activité de l'armée de terre, rejoint le 35e régiment d'artillerie parachutiste à Tarbes, avant de suivre le stage (14 semaines) de chuteur opérationnel des Commandos de recherche et d'action dans la profondeur (CRAP), devenu Groupe Commandos Parachutistes en 1999. Au programme : le saut opérationnel à grande hauteur, l’armement et tir, les explosifs, les transmissions, la survie, les soins d’urgence, le combat au corps à corps, etc. Il rejoint en 1999 l'École militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan, promotion « Campagne d'Italie » dont il sort major en 2000. L'année suivante, il rejoint l'École des officiers de la Gendarmerie nationale de Melun, promotion « Capitaine Gauvenet » là encore il est sorti en 2001 major . En 2003, il est retenu pour intégrer le Groupement de Sécurité et d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GSIGN) qui englobe l'Escadron Parachutiste de la Gendarmerie Nationale (EPIGN) et le le Groupement de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR). 350 hommes répartis en 3 unités casernées à Versailles sur-entraînés au corps à corps, au tir, à la plongée, l'escalade, etc. En 2005, il est en Irak, il sera décoré de la croix de la valeur militaire avec citation à l’ordre de la brigade en 2007. De retour en France, il est Commandant de compagnie au sein de la Garde Républicaine, puis affecté pendant trois années à la sécurité du palais de l’Elysée. En 2010, il est commandant de la compagnie d’Avranches (Manche), promu lieutenant-colonel en 2016 à l'âge de 45 ans, il est affecté au mois août 2018, au commandement du groupe de gendarmerie de l'Aude.
Comment un homme aussi aguerri a-t-il pu se faire avoir par un bleu b... ?
Rien n'est jamais joué d'avance, sinon nous n'entreprendrions jamais rien, mais il y a des degrés dans l'audace, Kipling de rappeler : « toujours prendre le maximum de risques avec le maximum de précaution ». Si Arnaud Beltrane est tombé en martyr.e. et son initiative altruiste sujette à réflexion au niveau tactique..., saluons l'acte et l'intention qui l'a déterminé au niveau moral et humain.
Né en avril 1973 dans une famille morbihannaise éloignée de la religion, Arnaud avait décidé en 2008, de devenir Catholique et de prendre du recul avec la Grande Loge de France. Depuis, il étudiait la catéchèse. Première communion suivie de la confirmation en 2010. C'est en 2015 lors d'un pélerinage à Sainte-Anne.-d'Auray qu'il rencontre Marielle. Les fiançailles sont célébrées à Pâques 2016, suivies du mariage civil devant Monsieur le maire le 27 août 2016. Cela faisait près de deux années qu'Arnaud préparait religieusement leur union devant Dieu qui devait avoir lieu le 9 juin 2018 dans un petit village breton proche de Vannes.
Arnaud venait de traverser un drame familial. Le 16 février 2018, des pêcheurs avaient remonté un corps en état de décomposition avancée dans leurs filets, corps qui ne sera identifié formellement que début mars. Il s'agissait du corps de Jean-François Beltrame, âgé de 72 ans, le père d'Arnaud... Parti le 16 août 2017 de Port Camargue à bord de son bateau, retrouvé un mois plus tard proche d'une plage des Bouches-du-Rhone sans son occupant. Dix jours avant d'affronter son destin, Arnaud Beltrame assistait aux obsèques religieuses de son père au Grau-du-Roi.
L'homme existe comme individu appartenant à diverses communautés. Le militaire n'est pas seulement un matricule, c'est un père, un époux, un camarade et un concitoyen. Certains ont avancé que l'on était confronté à une conduite à risque, voire suicidaire..., ce qui ne cadre pas avec le Chrétien qui vivait une nouvelle naissance. Et pourquoi pas une ordalie ou omnipotence divine. Il vivait tout simplement dans un monde qui lui appartenait et qui échappe à la plupart d'entre-nous. Le véritable courage s'entretient et n'existe que mis à l'épreuve.
Le milieux gendarmesque est connu pour son intransigeance à appliquer le règlement et suivre les consignes avec une extrême rigueur, qualités discutables face à certains adversaires, mais inadaptées aux individus qui ont mis tout leur esprit, leur volonté, leur ardeur dans le fanatisme. Le fanatisme religieux ne s'apparente aucunement aux lois militaires, ni par l'esprit qui l'anime ni par les armes utilisées et la manière de les utiliser. Le terroriste a déjà accepté d'un cœur joyeux de mourir pour le rachat de ses fautes, le militaire pour la Patrie. Les deux adversaires sont venus de leur propre arbitre, la mort rôde des deux côtés. Le fanatisme religieux est un des plus puissants moteurs humains. L'attente d'une récompense céleste permet non seulement de braver la mort, mais peut être suffisante pour l'appeler, même inconsciemment.
La jeune génération a abandonné la religion tout en restant imprégnée de religiosité. Elle a gardé un « goût » pour la pompe et les honneurs républicains. Elle ne semble guère prête a se dérober à des usages imposés par l'époque et le milieu. Nous nous contentons de faux-semblants au lieu d'agir en connaissance de cause, mentalité que les hommes politiques savent prendre en compte... On s'efforce de rassurer la populace plutôt que de mener le combat, le seul qu'il vaille.
Il y a autant de différence entre un « soldat » d'opportunité du califat et un militaire par vocation, qu'entre l'individualisme peu disposé à l'obéissance, ou attirée par une force intérieure profonde. Le terroriste ne « marche " pas pour une Patrie, mais pour son propre compte, le salut de son âme. Il est tout à la fois, une armée d'occupation en débandade et une armée de choc misant sur la débrouillardises. Le terroriste n'est guère porté à subir l'ascendant d'un officier supérieur. Même un joueur d'échec débutant connait la valeur des pièces sur l'emplacement de l'échiquier. Qui irait sacrifier un fou, par exemple, s'il n'est assuré d'avoir le mat...
Prière des parachutistes :
Donnez moi mon dieu ce qu’il vous reste.
Donnez-moi ce que l’on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas le repos,
Ni la tranquillité, ni celle de l’âme ni celle du corps.
Je ne vous demande pas la richesse, ni le succès
Ni même la santé.
Tout cela mon dieu on vous le demande tellement
Que vous ne devez plus en avoir.
Donnez moi mon Dieu ce qu’il vous reste,
Donnez moi ce que l’on vous refuse.
Je veux l’insécurité et l’inquiétude,
Je veux la tourmente et la bagarre,
Et que vous me les donniez mon dieu définitivement,
Que je sois sûr de les avoir toujours,
Car je n’aurai pas toujours le courage de vous le demander.
Donnez moi mon dieu ce qu’il vous reste,
Donnez moi ce dont les autres ne veulent pas,
Mais donnez moi aussi le courage et la force et la foi.
Mon dieu, mon dieu, donne moi
La souffrance, donne moi la tourmente,
Donne moi l’ardeur au combat.
Mon dieu, mon dieu, donne moi
La souffrance, donne moi la tourmente
Et puis la gloire au combat,
Et puis la gloire au combat.
Ce dont les autres ne veulent pas,
Ce que l’on te refuse ;
Donne moi tout cela, oui tout cela.
Je ne veux ni repos, ni même la santé
Tout cela mon dieu, t’est assez demandé.
Mais donne-moi, mais donne-moi,
Mais donne-moi la foi.
Donnes moi force et courage,
Mais donne-moi la foi.
Donnes moi force et courage,
Mais donne-moi la foi
Pour que je sois sûr de moi.
Donne-moi, la souffrance donnes moi
La tourmente, donne moi l’ardeur au combat
Mon dieu, mon dieu, donne moi
La souffrance donne moi, la tourmente
Et puis la gloire au combat.
« L'objet de la guerre n'est ne pas de mourir pour son pays, mais pour faire que l'autre salaud meurt pour le sien » George Patton.
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