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Accueil du site > Tribune Libre > Quel mécanisme d’alerte précoce pour l’Afrique ?

Quel mécanisme d’alerte précoce pour l’Afrique ?

On peut s’étonner de voir le Kenya, l’un des pays stables africains, basculer dans la violence politico-ethnique d’autant qu’il y a cinq ans, les Kenyans avaient voté massivement pour départager deux présidentiables issus de la même ethnie (les Kikuyu), à savoir, le fils de Jomo Kenyata, du parti au pouvoir et Kibaki (élu et dont la réélection est contestée actuellement).

La violence, au départ politique (suite à des élections générales aux résultats contestés comme cela arrive dans bon nombre de pays africains), prend une tournure tribale avec des exécutions à la manchette de familles, d’incendies d’églises, de maisons... qui nous rappelle le génocide rwandais.

La crise que connaît le Kenya depuis un mois et qui a déjà fait plus 1 000 morts est une crise de trop. Mais à regarder de près, une telle situation était prévisible au Kenya tout comme elle l’est dans d’autres pays africains. La mise en œuvre effective des mécanismes d’alerte précoce prévus par les différents textes n’aurait-il pas contribué à éviter de telles situations ?

Avec l’enlisement rapide des différentes médiations, notamment celles de la Secrétaire adjointe américaine aux affaires africaines, du Sud-Africain Desmond Tutu, des présidents de la sous-région : Tanzanie, Ouganda..., le parachutage du Ghanéen ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan par le président en exercice de l’Union africaine (le président ghanéen Kufur) adoubé comme énième médiateur, il est difficile de croire à un règlement rapide et définitif de cette crise.

Il devient donc urgent de mettre en place les mécanismes d’alerte précoce sur le continent où l’actualité reste toujours dominée par des conflits politiques. Le dernier en date est l’attaque de Ndjaména (capitale du Tchad) la semaine dernière, par des rebelles pour évincer le président tchadien Idriss Deby qui avait tripatouillé la Constitution en 2005 pour briguer un nouveau mandat présidentiel.

La notion d’alerte précoce qui a fait récemment son apparition dans le domaine de la prévention des conflits est définie comme «  la collecte systématique et l’analyse de l’information sur des régions en crise et donc la vocation est :

a) d’anticiper le processus d’escalade dans l’intensité du conflit ;

b) de développer des réponses stratégiques à ces crises ;

c) de présenter des options d’action aux acteurs concernés afin de facilité la prise de décision  »

Dans le cadre de l’Union africaine, un tel mécanisme est prévu. L’article 12 du protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité, prévoit la création d’un système continental d’alerte rapide. Au cœur de ce système se trouvera un centre d’observation et de contrôle ou « salle de veille », situé à la Direction de la gestion des conflits de l’Organisation panafricaine. La salle de veille sera liée aux unités d’observation et de contrôle des Mécanismes régionaux, telles que celles que la CEDEAO, l’IGAD ont mis en place. Celles-ci collectent et traitent les données recueillies à leur niveau et les transmettent à la Salle de veille.

Il est prévu que le système continental d’alerte rapide de l’Union africaine puisse collaborer avec les Nations unies, leurs agences et d’autres organisations internationales compétentes, les centres de recherche, les institutions universitaires et les ONG.

Les informations recueillies par le Système d’alerte rapide sont utilisées par le président de la Commission pour informer le Conseil de paix et de sécurité et recommander les mesures à prendre et aussi pour s’acquitter des responsabilités et fonctions qui lui sont confiées au terme du Protocole précité.

Le système collecte et analyse les informations des pays sur la base d’indicateurs politiques, économiques, sociaux, militaires et humanitaires.

L’IGAD, organisation sous-régionale dont le Kenya est membre, a son mécanisme d’alerte précoce : CEWARM (Conflict Early Warning and Response Mechanism).

Mais, en raison de la pratique africaine à adopter des textes prometteurs et à traîner le pas pour les ratifier ou les mettre en œuvre, il est peu probable que nos différents mécanismes d’alerte précoce puissent fonctionner pour répondre à ce foisonnement de crises politiques sur le continent. Ne faudrait-il pas que l’Union européenne avec qui nous avons des liens historiques s’implique dans la prévention des conflits en Afrique en s’associant aux Nations unies ?

Ainsi l’Union européenne (UE) ferait mieux d’abandonner ses missions d’observation électorale en Afrique dont les limites et les défaillances viennent d’être une nouvelle fois mises à nu par la crise kenyane, pour faire l’option d’appliquer l’Accord de Cotonou (accord de partenariat entre l’UE et les ACP signé à Cotonou en juin 2000) qui prévoit que l’UE mettra les moyens à la disposition de son partenaire (africain) pour prévenir, gérer et résoudre les conflits, à travers le dialogue politique sur des questions politiques telles que les droits de l’homme et la démocratisation et des politiques générales (visant à promouvoir la paix ainsi qu’à prévenir, gérer et résoudre les conflits violents).

Le dialogue politique est à même de « remplir un rôle d’alerte précoce en mettant en lumière des problèmes pouvant mener à des conflits violents et en contribuant à leur résolution précoce. »[1]

Au lieu d’attendre l’éclatement des crises post-électorales pour envoyer des médiateurs internationaux en vue d’amener les protagonistes à former un soi-disant gouvernement d’union nationale, sans trouver une réelle solution à la crise qui rebondira à la prochaine élection présidentielle, ce dialogue politique permanent conduira sans aucun doute à maintenir la pression sur nos dirigeants pour les dissuader de frauder les élections pour accéder ou rester au pouvoir.

L’Union européenne, qui aspire à avoir des relations commerciales stables dans le cadre des accords de partenariat économique (APE) avec l’Afrique, a intérêt à avoir un continent de pays démocratiques comme partenaire pour une bonne évolution des relations internationales et commerciales au lieu de laisser l’Afrique se soustraire à la marche du monde et des relations internationales en raison de ces crises politico-ethniques à répétition.

Pour ce faire, elle devra mettre en œuvre l’Accord de Cotonou et son mécanisme d’alerte précoce des crises au lieu de continuer à envoyer des observateurs internationaux dans nos pays lors des élections qui généralement débouchent sur des contestations et de violences politiques. Le bilan mitigé de ses trois dernières missions d’observation électorale envoyées au Nigeria en avril 2007, au Togo en octobre 2007 et au Kenya en décembre 2007 plaide pour leur suppression.

Me Komi Tsakadi



[1] Commission européenne, Communication de la Commission sur la prévention des conflits, COM 52001) 211 final, Bruxelles, le 11.04.2001.


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6 réactions à cet article    


  • Cris Wilkinson Cris Wilkinson 4 février 2008 12:10

    Pour une fois une crise africaine n’a pas été mis sur le dos du salaud de colonialiste.

    Le pays tournait plus bien depuis le départ de l’exploiteur, mais les vieux démons de l’Afrique ont repris le dessus.

    Mais cela va être comme le Rwanda, quand le calme sera revenu, on ira chercher la responsabilité à l’extérieur, car c’est toujours plus simple de faire porter les problèmes sur un autre (blanc donc raciste de préférence).


    • Torvald 4 février 2008 14:00

       

       

      Malheureux Tchadiens instrumentalisés en vue de nourrir
      grassement une horde de parasites voraces et sans scrupules.

      Pour le Tchad on nous a déjà fait le coup du méchant voisin
      avec la Libye.

      Quelle légitimité des bébés menteurs

      Des radios télés et autres emetteurs

      Qui vampirisent sangsucent se font du beurre

      Sur le dos des réfugiés qui se Tyr* ailleurs

      * remplacer Tyr par N’djamena, Nairobi, Rangoon, Petaoushnock....

      et on vous épargne le couplet sur les "héros neutres" sauveurs et libérateurs.
      Cet inter-minable feuilleton a ses propres codes archi connus.

      TAKATOURNERL’BOUTON

      Facile à dire mais quand ils racontent tous la même sornette.
      Qui leur dira que leur disque rayé est usé jusqu’à la corde,
      celle de M(o)i.

      PS Naturellement ce commentaire devrait venir à propos d’un article sur le Tchad qui ne tardera pas à venir sur Avox n’en doutons pas.
      Comme dit précédemment il suffit de remplacer N’djamena par Nairobi ou vice versa.

       

       

       


      • batarddelarépublique 4 février 2008 20:28

        pas si simple !

        voici un article qui peut t’éclairer

        http://steveloemba.unblog.fr/2007/11/06/l-ami-deby/

         

         


        • (---.---.14.173) 5 février 2008 14:37

          j’ai moi aussi lu l’article de steve loemba,il est plutôt pertinent, d’ailleurs sont blog mérite une visite.

          http://steveloemba.unblog.fr/


        • Nathan Nathan 4 février 2008 23:19

          Très intéressant. Je pense en effet qu’il est urgent de trouver une solution d’aide à la démocratie en Afrique afin d’éviter qu’une "simple élection" réduise à néant des années de construction et de croissance ... Certes vous remarquerez que même dans les plus grandes démocraties, les élections ne se passent jamais sans problèmes ... Mais cela est vraiment idiot lorsque ce sont toujours des problèmes ethniques qui ressurgissent en Afrique. Maintenant je ne sais pas si un encadrement militaire réglerait forcément tous les problèmes ... C’est peut être le système même qui fonctionne mal en Afrique : comment se peut-il que parfois une ethnie = un parti ? Ou sont les idées, les projets dans ce cas ? Pourquoi les ethnies ne s’auto-géreraient-elles pas si elles ne peuvent être subdivisées ou incluses dans des partis globaux du pays ? Voir l’excellent article de Claude Allègre dans le dernier point de cette semaine, à ce sujet : il remet en cause l’application systématique d’une démocratie figée, packagée, importée par les occidentaux comme la vérité absolue ...


          • TSAKADI Komi TSAKADI 6 février 2008 22:00

             

            Du Togo au Kenya

             

            La crise post-électorale en cours actuellement au Kenya consacre à ne point en douter l’échec cuisant des missions d’observation électorale en Afrique. Elles ne sont plus en mesure de prévenir les fraudes et par voie de conséquence les violences politiques.

             

            Au Togo, le rapport du parlement européen est venu contredire les précédentes déclarations de la mission d’observation électorale de l’Union européenne selon lesquelles les élections du 14 octobre ont été transparentes, trois mois après ces élections. Le rapport a déploré l’ingérence du Commissaire européen au Développement et à l’Action humanitaire, qui , le 16 octobre alors que le dépouillent était en cours, a sorti un communique isolé « se réjouissant du bon déroulement du scrutin avant même que la mission d’observation sur place ne s’exprime. »

             

            Cette année, plusieurs élections sont encore prévues sur le continent : élections législatives Rwanda en septembre, au Ghana en décembre, élections présidentielles et législatives en Cote d’Ivoire, élections législatives en Guinée….

             

            L’Union européenne tirera-elle les leçons de ses trois dernières missions pour les supprimer ou à défaut les repenser pour mieux prévenir les fraudes qui sont à l’origine de violences politiques dans nos pays, bref « adopter leur méthodologie aux réalités du terrain : les retentions des résultats de vote pour mieux les tripatouiller, les nouvelles formes de fraudes, le recours à la corruption électorale massive…  »

             

            Quid de la CEDEAO ?

             

            La CEDEAO tient une réunion depuis le 5 février à Conakry (Guinée) pour évaluer la gestion des élections dans les pays membres.

            Cette réunion qui rassemble les membres du gouvernement guinéen, des responsables de la dite organisation sous-régionale, de l’ONU, de l’Union européenne ainsi que des ONG impliquées dans les systèmes électoraux et quinze présidents des commissions électorales des Etats membre de la CEDEAO va chercher à finaliser les procédures d’adoption d’un manuel de la CEDEAO sur l’observation des élections et d’un code de conduite des élections à l’usage des observateurs.

             

            Mais si on fait le bilan des missions électorales de la CEDEAO dans nos pays, il est légitime d’être septique par rapport à l’adoption d’un manuel pour la CEDEAO.

             

            On a toujours à l’esprit, l’observation calamiteuse des présidentielles togolaises d’avril 2005 par cette institution.

             

            La CEDEAO ferait mieux de mettre en pratique :

             

            - son mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité avec son système d’alerte précoce pour éviter les crises post-électorales

            - le protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité dont l’article 6 dit « l’organisation, le déroulement des élections et la proclamation des résultats s’effectueront de manière transparente. »

             

            Si comme l’a admis le Président de la Commission de la CEDEAO le 5 février dernier, que « … le déploiement d’une mission exploratoire et l’envoi des observateurs ne constituent pas une recette suffisante à l’atteinte d’une élection crédible…  », pourquoi ne pas supprimer purement et simplement ces missions pour lesquelles l’organisation n’a même pas les moyens de financer.

            Ainsi la mission d’observation de la CEDEAO au Togo lors de la présidentielle du 24 avril 2005 a été financée en grande partie par l’Union européenne à hauteur de 600 000 dollars[1].

             

             

             


            [1] Muriel Sognouret, « Des élections contre la démocratie ? », Jeune Afrique /L’Intelligent, n° 2313 du 8 au 14 mai 2005, pp 32-34.

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