Quelle politique aujourd’hui pour quelle société demain ?
La campagne électorale pour les présidentielles fut un zapping sur quelques mesures phares, rebondissant chaque jour selon les événements de l’actualité, et surtout une bataille d’image... Elle a beaucoup parlé de « pouvoir d’achat » (orienté consommation !) et d’identité nationale, mais n’a malheureusement pas été l’occasion de débattre du sens que nous souhaitons donner à notre vie en société (est-ce trop intellectuel d’en parler ?). Et les grands dossiers de la réduction de la dette, des retraites, du déficit de la sécurité sociale et de l’aggravation du problème de la dépendance avec l’allongement de la durée de vie, de la mutation de notre monde avec l’explosion économique de la Chine et de l’Inde et l’abandon de l’Afrique... ont été plutôt « effleurés », pas traités à la mesure de l’importance qu’on aurait dû leur accorder. Nous n’avons pas beaucoup parlé non plus de la manière de conduire la politique (sauf François Bayrou prônant un gouvernement d’union, de rassemblement ainsi qu’un assainissement des institutions) et Ségolène Royal avec ses débats participatifs et sa forte incitation à adhérer à un syndicat. Pourtant, malgré l’intérêt que les citoyens français ont manifesté lors de cette élection présidentielle, force est de constater la faiblesse de leur adhésion dans les partis et les syndicats, comparée à nos pays voisins, la perte progressive de leur implication en dehors du vote qui délègue des représentants à l’Assemblée, dans les mairies et conseils généraux, au Parlement européen. Alors même que le média internet est en train de révolutionner l’information et l’expression citoyenne... Dommage !
Dans la « politique », qui touche à la manière d’organiser
la vie en société et l’exercice du pouvoir dans cette société organisée, il y a
trois choses :
- L’idéologie, les valeurs, la mystique, un référentiel, le
sens que l’on souhaite donner à la vie des humains sur cette planète, c’est la
destination cible, c’est par là qu’il faut commencer avant de proposer un « programme
» d’actions ;
- La mise en pratique afin que les décisions et les actions économiques,
sociales, éducatives, financières etc., dans un contexte donné, permettent d’y
arriver au mieux (le "programme", les lois...) : c’est le chemin,
l’itinéraire ;
- Enfin la manière de conduire la politique, comment faire
fonctionner la démocratie, la représentativité et la participation citoyenne,
l’exercice du pouvoir et son contrôle : c’est le moyen de transport.
Les "grands" partis dominants que sont l’UMP et le
PS nous ont proposé de prendre un ticket de train sans nous indiquer la
destination du train et en nous donnant quelques indices sur le chemin, qui, comme
dans un jeu de piste, peuvent nous aider à déceler la destination.
Ainsi, le référentiel de Nicolas Sarkozy, même s’il n’est
pas avoué, semble privilégier les valeurs de l’argent, du "chacun pour soi",
de la loi du plus fort, de l’apparence et de l’image, bref de l’avoir et du
paraître sur l’être... et à surfer aussi sans l’exprimer trop fort sur les
valeurs d’exclusion du Front national. C’est pourquoi François Bayrou, dont le
référentiel est à l’opposé, s’est refusé à voter pour lui au second tour.
Cependant, une fois dans le train et ayant embarqué dedans
tous ses électeurs et aussi les autres, Nicolas Sarkozy a rendu prioritaires des sujets
qui n’étaient pas ses thèmes favoris mais plutôt ceux de ses concurrents (l’Europe,
le dialogue social avec les syndicats, le codéveloppement, l’écologie et... l’image
d’union et de rassemblement en faisant venir aux gouvernement des ministres de
gauche et du centre). C’est difficile pour ses détracteurs de critiquer une
approche qu’eux-mêmes préconisent, mais cela sent bien la manœuvre électorale
de désamorçage de la concurrence en ciblant les législatives, sinon pourquoi
n’aurait-il pas annoncé ces priorités avant ? D’ailleurs les ténors de l’UMP
et ses électeurs n’en disent rien y compris sur le gouvernement de pseudo-ouverture
que pourtant Nicolas Sarkozy dénigrait avant l’élection quand Bayrou le
proposait, et qui pour le moment exclut des fidèles de Nicolas Sarkozy en accordant des places de ministère au profit de personnes venant de la gauche et du centre... de même qu’après les annonces plus vertueuses de préoccupation de la dette,
le nouveau gouvernement décide soudain de faire « une pause »...
Quant au PS, tiraillé par des factions à idéologies
divergentes ou incertaines (qu’il convient donc de taire) et aussi, sur des désaccords
sur le chemin à emprunter, la question du moyen de transport devient dérisoire...
François Bayrou de son côté me paraît être le seul à s’être
exprimé sur ces trois volets de la politique et c’est pourquoi j’ai été personnellement
séduite par son approche et son projet :
Continuité dépassant un mandat présidentiel sur celle à court
terme, s’inspirant d’une morale humaniste. Cette litanie de valeurs peut paraître
à certains désuète, fleurant la morale "chrétienne". Le référentiel, le cap qu’il décrit dans son projet d’espoir,
souhaitant remettre l’homme au centre ainsi que la survie de notre planète,
privilégier l’être sur l’avoir et le paraître, optimiser le bonheur dans la
société des humains par une mise en valeur ou une redécouverte du respect et de
l’écoute de l’autre, le don de soi, le partage, la transparence, la vérité et
non le mensonge, privilégiant l’intérêt général sur l’intérêt particulier, la
vision à long terme et une action s’intégrant dans une codisme dans tout cela...
En tout cas j’adhère à ces valeurs et Bayrou est le seul dans la campagne à nous
avoir exprimé où il voulait aller, quel sens il proposait de donner à notre
société, notre vie entre humains.
Son « programme", qui était complet, quoi qu’aient pu
en dire ses concurrents qui prétendaient qu’il n’existait pas, pour mieux
ensuite entre les deux tours dire qu’il convergeait énormément avec le leur... Mais
il diverge encore de celui de l’UMP sur certains points relatifs à la dette, à la
solidarité (contre la franchise de l’assurance maladie), l’égalité des chances (carte
scolaire et suppression des droits de succession, du moins avec un seuil) et
aussi de celui du PS surtout en terme d’interventionnisme de l’Etat.
Enfin sur la manière de conduire la politique, là Bayrou est
révolutionnaire, et pourtant sa proposition consiste simplement à prôner le
dialogue et le rassemblement entre des personnes de partis différents, autour
de valeurs communes et de l’intérêt général et d’appliquer les règles de
respect élémentaire de la démocratie alliée à un certain pragmatisme, la représentation
légitime des citoyens (50% de proportionnelle aux législatives), de responsabilité
de ces derniers ainsi que de leurs élus (pas de cumul de mandats, présence à l’Assemblée,
la séparation des pouvoirs politiques, juridiques, financiers, médiatiques,
participation citoyenne renforcée...), une expérimentation des solutions envisagées
et une évaluation permanente des mesures prises pour statuer de leur efficacité
et de la réponse aux besoins...
Je respecte le vote des Français, qui est démocratique, mais je reste aussi sur une amère impression que beaucoup de Français ont voté en « zappant », regardant surtout TF1 ou quelques journaux orientés, sans avoir eu le temps ou pris la peine de réfléchir au sens de notre vie en société. Avoir du boulot et un pouvoir d’achat c’est essentiel. Etre protégé contre l’insécurité urbaine, la délinquance, je comprends. Adhérer au sentiment d’appartenir à une nation et en être fier, pourquoi pas ? Mais pour quel type de société ? Quel objectif collectif ? Comment et pourquoi voulons-nous vivre ensemble ? Est-ce trop intellectuel d’en parler ?
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