Quelle politique vieillesse pour la France ?
Le quotidien Le Monde a titré le mardi 12 mars 2013 sur le fait que en ce qui concerne les « personnes âgées dépendante : la France sommée de combler son retard ». Avec en sous-titre, « trois rapports soulignent l’urgence d’une politique pour les plus âgés, au-delà de son seul financement ». Et dans les deux premières pages du quotidien, il fut largement question du rapport remis le 11 mars au Premier ministre Jean Marc Ayrault par Luc Broussy, ancien responsable des personnes âgées dans l’équipe du candidat François Hollande et conseiller général du Val d’Oise.

Ilse trouve que j’avais été contacté par Luc Broussy à la fin du mois de décembre, pour donner mon avis sur la politique vieillesse souhaitable. Je vous livre ici notre échange…
Demande de Luc Broussy :
Dans le rapport que je dois remettre maintenant d'ici le 31/12 j'ai souhaité mettre un chapitre sur la place des personnes âgées dans la famille et dans les politiques familiales.
Je vais évoquer :
L'aide aux aidants
Les échanges intergénérationnels
La question de l'obligation alimentaire (dont je propose la suppression progressive)
La question de la faiblesse anormale des allocations logement pour les PA
Etc...
Je voudrais au fond démontrer que les aînés ne sont pas aujourd'hui parié intégrante de la "politique familiale" et faire des propositions pour qu'il en aille autrement. J'aimerais que tu puisses me proposer quelques pistes de propositions concrètes allant dans ce sens. Je te cite déjà dans mon rapport (qui doit être remis à Ayrault en janvier) mais je voudrais que tu puisses m'aider sur ce sujet qui est ta spécialité.
Seule contrainte : c'est désormais une question de jours....
Amitiés
Luc Broussy
Propositions Eric Donfu
Bien vieillir c’est avant tout avancer sur trois fronts, le bien-être physique psychique et social, c’est-à-dire être bien dans son corps, bien dans sa tête, bien avec les autres Il s’agit d’ailleurs de la définition de la santé de l’OMS.
Cela peut vouloir dire aussi avancer en âge accompagné par une personne avec qui on partage sa vie, et cela veut surtout dire avancer avec une passion, un gout pour les savoirs toujours en éveil.
Enfin cela veut dire aussi avancer en âge tout en acceptant son âge, sans chercher à faire jeune, en restant attentif au dialogue des âges, à l’intergénération comme on dit.
Et puis se méfier de la routine prise au sens large pour oser modifier ses habitudes sans préjugé, avec curiosité. Il y a aussi le sport, faire de la marche, de la natation et du vélo par exemple. Il faut insister sur un point très important, l’épanouissement, et le bien être en famille, avec ses enfants notamment. Il faut également savoir se remettre en question, et revoir sa vie en acceptant aussi des faiblesses, avec humour aussi, et continuer à aimer la vie, avec enthousiasme, en restant utile et en donnant jusqu’au bout, un sens à sa vie….
D’où mes propositions, plutôt toniques bien que limitative. Je ne parle pas en effet de la mise aux normes des logements, ni du bien vieillir en ville. Et quand j’aborde la dépendance c’est par le biais de l’aide aux aidants…
Quelle politique pour les personnes âgées ?
La politique en faveur des personnes âgée ne peut ignorer le contexte dans lequel elle s’inscrit. Nous avons d’un côté des séniors actifs, volontaires et de l’autre des personnes vieillissantes, et plus ou moins diminuées..
Ce contexte se double d’une tension sur le marché du travail et d’un possible remise en question des montants des retraites. Par ailleurs, l’APA pèse lourdement sur le budget des conseils généraux et la pérennité des régimes de retraite n’est pas assurée…
Comment, dans ce contexte, bâtir une politique novatrice ?
Le premier point concerne le rôle des grands-parents :
Ils font partie intégrante de la famille et ce sont eux qui assurent le plus souvent la continuité familiale, en cas de crise familiale, pour soutenir le travail des femmes, apporter un soutien affectif et une référence identitaire aux enfants…
Comment faciliter leur rôle ?
-réfléchir aux modes de conciliation entre la vie professionnelle et les fonctions grand parentales (congés spéciaux par exemple à côté de ceux qui sont accordés aux parents, aménagements d’horaires…)
- Très impliqués dans l’éducation de leurs petits-enfants, les grands-parents sont aussi les premiers clients des voyages organisés ; Pourquoi ne pas imaginer de soutenir 1000 projets de vacances partagées ?
- Entre jeunes et vieux, il existe une énergie communicative : on pourrait favoriser davantage des activités culturelles partagées, des centres de loisir et de créativité intergénération, accueillant tous les âges autour d’activités bien choisies : la découverte de la nature est un thème pour lequel l’expérience des plus âgés, surtout ceux qui ont vécu à la campagne, est irremplaçable et appréciée par les jeunes qui sont sensibles aux problèmes de l’environnement. Les activités autour des jardins, des métiers anciens valorisent l’apport des plus âgés, tandis que des échanges intergénérationnels autour du numérique, valorisant l’apport des plus jeunes connaissent aussi un certain succès et méritent d’être encouragés.
Le deuxième point concerne le bénévolat et la création d’entreprises par les seniors.
11 500 000 séniors seraient engagés dans le mouvement associatif. Ils tiennent les assemblées d’élus. Il faut donc soutenir leur engagement, en reconnaissant son apport important à la société toute entière... Nous pourrions imaginer des « assises du bénévolat » décentralisées, et faisant la part belle aux séniors …
Ensuite il faudrait s’appuyer sur les séniors dynamiques…
En dopant et en développant la création d’entreprise par des séniors ; 17% d’entre eux y pensent et ils représenteraient déjà de 50 à 100 000 créateurs par an (sur 550 000).
Pourquoi ne pas imaginer l’équivalent du contrat de génération pour soutenir ces entreprises ? On pourrait imaginer qu’un projet d’entreprises associant un jeune et un sénior bénéficie d’un soutien particulier....
Enfin, le troisième point concerne les aidants familiaux.
Le nombre de bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, (soit en réelle perte d’autonomie), passera lui de 1,15 million en 2010 à 1,55 million en 2030 et jusqu’à près de 2,3 millions en 2060. Des chiffres à l’évolution extrêmement dynamique. Pour y répondre, 10 300 établissements hébergent 680 000 personnes âgées en France.
En France, on compte un peu plus de 2.000.000 (toutes catégories confondues) aidants familiaux et un français sur cinq affirme avoir apporté des aides à un proche dépendant. Ils sont environ 300.000 à s’occuper quotidiennement d’une personne âgée en perte d’autonomie.
Mais au-delà des soins apportés, près de 8 aidants sur 10 trouvent qu’il est très urgent ou urgent :
- D’augmenter des places en maison de retraite.
- D’augmenter des places en foyer logement.
- De créer des établissements spécialisés d’accueil temporaire
- De créer des établissements spécialisés pour une période de plusieurs jours.
Pour les services de maintien à domicile, là aussi le constat est le même, près de 8 aidants sur 10 trouvent qu’il est très urgent ou urgent :
- D’augmenter le nombre des professionnels d’aide à domicile.
- De rendre souple l'organisation des visites des professionnels d’aide à domicile.
- De rendre souple l'organisation de portages des repas.
- De créer des aides à domicile temporaire pour une période donnée.
- De rendre obligatoire la téléalarme.
Pour ce qui est des autres services de soutien à la personne âgée et à la famille, 91% des aidants estiment qu’il est très urgent ou urgent de mettre en place des services d’information pour la famille sur les possibilités techniques et financières de maintien à domicile ou en établissement spécialisé. Ils sont aussi 78% à trouver qu’il est très urgent ou urgent de mettre en place une aide technique et financière à l’aménagement du logement afin de faciliter le déplacement à l’intérieur pour la personne âgée dépendante.
Donc soulager les aidants est une priorité. Parmi les diverses actions qui sont menées dans cet objectif, soulignons l’intérêt des centres d’accueil de jour. Il faudrait assouplir les conditions d’ouverture des centres d’accueil de jour en milieu rural. Il arrive qu’ils soient fermés en raison du faible nombre de présents, obligeant les familles à faire de longs trajets pour trouver un centre et avoir quelques heures de répit, ce qui fait qu’elles y renoncent le plus souvent.
Autre structure intéressante, celle qui accueillent à la fois les aidants et les aidés pour des activités culturelles ou ludiques partagées, rompant ainsi leur isolement et leur permettant une sociabilité dans laquelle les uns et les autres ne se sentent pas stigmatisés. Les centres de « formation » accueillent seulement les aidants posent à ces derniers le problème de trouver une solution pour ne pas laisser seuls les aidés pendant leur absence…
Eric Donfu
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