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Quelles approches dans la formation disciplinaire, culturelle et pluridisciplinaire des futurs enseignants ?

La « Lettre aux éducateurs » sur l’école d’aujourd’hui où M. le président N. Sarkozy a condensé toute sa pensée sur l’Éducation nationale est une précieuse occasion pour reparler d’éducation et de formation enseignante. Non que la question soit refermée, mais le président a voulu orienter l’urgence du présent sur l’idée de rénover l’instruction publique sur des bases nouvelles.

Le projet d’École qu’ambitionne le président porte sur quatre points capitaux : à reconstruire une « éducation du respect, une école du respect » ; à repenser le système de relations entre éducateurs,enfants et parents qui soit plus respectueux des rôles et plus tolérant des diversités des autres ; à réactiver dans les établissements le désir et le goût d’apprendre ; à réduire les inégalités à l’école et le nombre d’enfants en situation d’échec.

Une École de la réussite pour tous centrée évidemment sur un savoir multiple mais « réfléchi, ordonné, maîtrisé ». Un Savoir global qui soit la rencontre entre tant de cultures. Une sorte de « nouvelle Renaissance » intellectuelle, morale, et artistique, où l’agressivité, la brutalité et l’arrivisme soient remplacés par le talent, la considération de la légalité et de la dignité individuelle.

La profession enseignante, l’enjeu du XXIe siècle.

Dans la Lettre... en question, le président reconnaît le rôle « capital » des enseignants même s’il tient à remarquer la nécessité de « faire de la révalorisation du métier d’enseignant ». Et ce non par flatterie, mais parce qu’il est conscient que toute innovation du système éducatif ne peut être accomplie qu’avec le concours précieux du monde enseignant.

D’autant plus que dans l’ère des informations et dans un monde qui produit de plus en plus de connaissances, de plus en plus de techniques, plus forte est l’exigence de renforcer les capacités de compréhension et d’observation des élèves pour ne pas se perdre dans les plis d’une société jurassique dont la cohésion interne paraît assez fragile.

Dans un cadre européen de globalisation croissante et face aux nouveaux publics et aux nouveaux comportements, outre les qualités humaines qui sont requises (disponibilité à l’écoute, à la politesse, esprit de tolérance, sens du respect et facilité de communiquer, etc.) à l’enseignant est demandé la maîtrise de connaissances théoriques (la théorisation des contenus), dans le but de rendre les actions didactiques plus spécifiques et plus pertinentes.

Les méthodes, oui, d’accord, mais...

Dans mon idée d’école de qualité le métier d’enseignant est central. Sa fonction de « guidage » en perspective vygotskienne est davantage tangible quand, en régime d’autonomie des établissements, il doit assumer la responsabilité d’orienter tous ses choix didactiques vers une « problématique de référence » comme le dit Christian Puren, d’adapter les programmes d’enseignement à l’endroit territorial et aux ressources financières dont on dispose afin que le projet d’établissement soit à la fois ambitieux mais extrêmement concret sur les objectifs à réaliser et à court terme. Et pourtant, l’enseignant est au centre de toutes les formes de contestation (de l’agressivité verbale aux actes de violence physique et de disqualification de son métier). Son autorité est assez souvent contestée, bien plus elle est perçue par les élèves comme une sorte de pouvoir absolu. L’École est peinte comme une sorte de gageure, une limitation des droits fondamentaux.

A mon avis, ce n’est pas tant une question d’approche méthodologique. Car entendre la formation comme l’acquisition d’une cohérence méthodologique indispensable au bon fonctionnement de la profession est un modèle qui a fonctionné jusqu’à quelques années et avec de bons résultats. C’est qu’à partir des années 90, la première loi d’orientation 1989 et la seconde loi d’orientation 23 avril 2005 (celle qui a prévu l’intégration des IUFM à l’université) ont imposé une prise en compte plus générale de toute la complexité des situations de classe et de la problématique didactique, revenant à demander aux enseignants de reprendre tous leurs savoir-faire.

La vérité est que la question de la formation a été traitée dans la culture occidentale suivant deux modèles parallèles mais opposés, ce qui a conduit à des divergences importantes,voire ambiguës. D’un côté, les « praticiens », ceux qui affirment que le problème à résoudre est pratique et de l’autre, les « théoriciens », ceux pour qui la théorie vient en premier. Or, rester dans cette ambiguïté de modèles est fortement nocif, voire déstabilisant pour les enseignants qui vivent en première personne la tension du passage des vieilles normes acceptées et intériorisées aux formes nouvelles d’orientation pour la plupart contraires à leurs conceptions du métier.

Je pense que la théorisation des connaissances de la pédagogie et des sciences du langage représente un enrichissement culturel incontournable. Nourrir la formation par la recherche et l’approfondissement universitaires va permettre à l’enseignant débutant de mieux déterminer sa conduite professionnelle et de rendre ce qu’il va faire plus crédible sur le plan didactique. Faute de quoi la légitimité de la culture enseignante et, par extension, la fonction formative de l’établissement même est tout à fait remise en cause, voire dévalorisée.

Et alors, une fois trouvée l’action didactique la plus adéquate au problème d’apprentissage, pourquoi ne pas mettre en place une démarche conceptuelle susceptible d’éclairer la problématique abordée ? Pourquoi ne pas rechercher dans le processus personnel d’autoformation des enseignants et dans ceux plus spécifiques des IUFM des éléments de réponses pertinents ? De cette manière, l’autonomie de chaque modèle n’est pas compromise et les responsables, que ce soient les chefs d’établissement et/ou les inspecteurs, seront les garants par leur action d’accompagnement de la cohérence des interventions et conjointement, d’une meilleure organisation près du terrain, comme le dit Philippe Perrenoud (1).

Les IUFM, modèles de basse protection de la catégorie enseignante ?

Pour bien des années, les trente et un Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont exercé la fonction de transmission de connaissances et de selectionnement des futurs enseignants selon des procédures d’évaluation centrées sur l’acquisition de connaissances, compétences et aptitudes à la profession. Formellement chaque IUFM aurait dû offrir les mêmes conditions d’accès à la formation et donner à chaque participant la même formation initiale, quel que que soit le contexte local et social.

La réalité nous prouve que l’inégalité devant le savoir et devant la culture a augmenté. Si bien qu’on peut alors se demander si l’Instituition n’estime pas nécessaire, en raison des résultats des enquêtes de l’OCDE à vrai dire peu satisfaisants pour le système éducatif français, de repenser les mécanismes qui règlent les processus de formation des enseignants dans les IUFM.  Par ailleurs, bien des réserves en matière d’articulation des modalités de développement des cours ont été avancées au fil des années. Plus en détail elles touchent :

- les pratiques didactiques sollicitées. Les IUFM ne tiennent compte que des difficultés standardisées, laissant les enseignants souvent désarmés, parce qu’ils ne savent pas comment traiter les diverses et complexes questions en termes de causes et de remèdes à appliquer ;

- le rapport avec l’extérieur. Les enseignants issus des IUFM ont du mal à conduire le dialogue avec l’extérieur, que ce soit les parents, associations, services sociaux et médicaux, collectivités territoriales, etc., si bien que le travail d’orientation n’est pas efficace et décisif ;

- le service dans les établissements « difficiles ». Les professeurs issus de la formation en IUFM y font leur début professionnel en vertu d’une praxis d’affectation folle fondée sur l’ancienneté ;

- l’enseignant-accompagnateur. C’est vrai que les stagiaires sont accompagnés d’un formateur choisi à l’intérieur de l’établissement, qui doit mettre ses compétences et surtout ses expériences professionnelles à bon service, mais il en est de même que les enseignants formateurs sont souvent renfermés dans leur spécialité d’origine et ne connaissent d’autres domaines transversaux que le leur.

Il est de toute évidence que nous sommes en présence de difficultés qui pèsent beaucoup sur le bon fonctionnement du dispositif. En attendant que la Commission sur l’évolution du métier d’enseignant (2) élabore un « livre vert » sur ces organismes-là, il est bon de suggérer trois mesures plus ou moins jointives entre elles :

1. la première, avancée par le pédagogue Ph. Meirieu que je me sens de partager, regarde la mise en place aux IUFM d’une collaboration féconde et durable entre les professeurs des écoles, collèges et lycées, de différentes disciplines sur des projets pluridisciplinaires (les TPE) qu’il serait intéressant de reproposer à partir de la troisième ; 2. la seconde regarde le fait que les IUFM se fassent promoteurs d’une série d’interventions visant à rendre le dialogue enseignants-familles plus intense et plus fructueux ; 3. la troisième concerne le fait de mettre en place dans les IUFM une structure claire et efficace pour assurer à un enseignant qui veut progresser dans sa carrière de le faire dès ses débuts.

Les travaux de L.S. Vygotski et de Willard V.O. Quine (3) dans les instances de formation des enseignants.

A quelque point de vue qu’on se place pour discuter de formation, on ne peut que reconnaître l’influence considérable de textes, thèses et recherches en éducation, en psychologie du développement propres au béhaviorisme international. Deux auteurs me semblent extrêmement importants : L. Vygotski et W. Quine. Et ce non seulement parce que leurs idées socioconstructivistes s’intéressent au vaste monde des relations et au contexte, mais surtout parce que, se concentrant sur l’acte d’enseignement et sur les difficultés de l’apprentissage, elles fournissent à l’enseignant des indications et références précieuses pour mieux se rapporter aux savoirs et aux disciplines. Les travaux de Vygotski et de Quine en éducation et en didactique sont fondamentaux dans la réflexion théorique en pédagogie. Les termes d’« interaction », de « négociation » et la théorie quinienne de la signification, utilisés essentiellement en matière d’acquisition des langues secondes, ont, en fait, contribué à modifier certaines attitudes enseignantes en matière de compréhension et d’élaboration d’hypothèses explicatives.

C’est là une approche intéressante qui permet à l’enseignant d’associer les facteurs externes aux potentialités internes de la cognition et de provoquer un plus grand engagement dans la classe.

Il va de soi que cette dimension interactionnelle relève d’un savoir enseignant, j’en suis convaincu, non pas déterminé par une « culture entre soi », ni par l’adoption de raisonnements construits sur l’analogie, mais à travers la prise en charge continue des théories de l’éducation les plus récentes.

Notes :

1. Pour le linguiste R.Galisson c’est un travail d’interdidacticité qui s’impose comme pratique habituelle même si le concept de « transposition didactique » élaboré par M.Chevallard (1985) en didactique des mathématiques ne peut s’appliquer, sic et simpliciter, dans les autres didactiques.

2. Installée il y a juste des semaines par le Premier ministre M. Fillon, la Commission se compose de 12 membres dont des experts, des hauts fonctionnaires, un homme politique de grande expérience, M. Rocard.

3. Pour une première approche de la vie et des œuvres de Vygotski et de Quine on peut consulter le site suivant : www.fr.wikipedia.org


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2 réactions à cet article    


  • 5A3N5D 26 octobre 2007 13:10

    Si quelqu’un a compris quelque chose, qu’il me le fasse savoir. smiley Les « technocrates » de l’enseignement, les « scientifiques » de la pédagogie n’ont rien à faire dans les IUFM qui ne sont pas des laboratoires. On confond trop souvent « apprentissage des méthodes » avec « expérimentation des méthodes. » Les élèves ne sont pas des cobayes.


    • Frangione Raphaël 28 octobre 2007 17:42

      A mon avis, il y a deux typologies d’enseignant.Ceux qui, fidèles au dit « ce sont les résultats qui comptent », affirment la primauté de la « pratique » et ceux qui estiment que la conceptualisation des contenus et la maîtrise d’une bonne culture pluridisciplinaire sont indispensables pour que la notion devienne Culture.

      J’appartiens, évidemment, au deuxième groupe, à ceux qui, préalablement, s’interrogent sur :
      - les besoins réels des élèves ;
      - les différents rythmes d’apprentissage ;
      - les attitudes et les compétences manifestées en classe ;
      - les comportements et la disponibilité au travail collectif ;
      - les TICE et leur utilisation pour des activités de recherche et d’approfondissement ;
      - l’approche méthodologique adoptée en classe l’année scolaire passée ;
      - l’approche pluridisciplinaire expérimentée en classe.

      L’enseignant doit faire preuve de conscience et de cohérence professionnelles dans tous ses actes relationnels car son métier est de haute valeur humaine et sociale, j’en suis profondément convaincu.

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