Quelles leçons tirer du sommet UE-Ukraine ?
Le sommet UE-Ukraine n'a pas entraîné les avancées espérées par Kiev dans le renforcement des relations entre les deux entités. Alors que les combats se poursuivent dans l'est du pays, l'Ukraine souhaite que l'UE lui livre des armes de combat, envoyant un signal toxique quand il faudrait être constructif. Lueur d'espoir dans ce marasme, l'Agence pour la modernisation de l'Ukraine, projet un peu fou porté par un certain Dmytro Firtash, qui après avoir fait sourire commence à être pris au sérieux.
Un sommet annoncé comme historique
Le 27 avril s'est tenu le 17e sommet UE-Ukraine, organisé dans la capitale ukrainienne. Donald Tusk et Jean-Claude Juncker, présidents du Conseil européen et de la Commission, ont rencontré le président ukrainien Petro Prorchenko pour aborder la triple crise - politique, identitaire et économique - qui plombe le pays. C'est le premier forum de ce genre organisé pour faire suite à l'accord d'association qui est à l'origine de la crise actuelle en Ukraine. Eviter une frustration mutuelle était le but principal de ce rendez-vous. L'Ukraine a reçu en un très bref délai une somme coquette, tout droit sortie de la poche des contribuables européens - même la Grèce ne peut compter sur une aide aussi désintéressée. Et pourtant, ce n'est pas ce qu'elle souhaitait réellement.
L'Ukraine, dans la crainte d'une nouvelle offensive russe, insiste plus que jamais sur la nécessité la livraison d'armes de combat - les troupes ukrainiennes sont souvent sous-équipées par rapport aux troupes Russes infiltrées qui combattent aux côtés des séparatistes. Kiev demande également le déploiement d'une mission internationale de maintien de la paix dans l'est du pays. Les Européens n'ont donné aucun signal positif en ce sens. Ils exigent de Kiev un engagement substantiel en faveur des accords de Minsk - et ce malgré les violations du cessez-le-feu qui s'intensifient dans le Donbass.
De plus, les Européens se montrent particulièrement prudents en matière de coopération approfondie, en demandant des résultats effectifs des réformes promises par l'exécutif ukrainien. Le président Petro Porochenko espérait une rapide libéralisation des visas Schengen pour ses concitoyens et, surtout, un agenda précis pour une éventuelle adhésion à l'UE. Il estime que l'Ukraine pourra répondre en l'espace de cinq ans aux exigences de Bruxelles. Il a aussi souligné que son pays s'était idéologiquement engagé aux côtés de l'UE, et ce de manière irréversible. Sur ce point, la seule annonce substantielle du sommet a été de répéter que l'Accord d'association UE-Ukraine entrera bien en vigueur le 1er janvier 2016. Son application est néanmoins toujours liée à la bonne tenue des consultations trilatérales avec la Russie.
La frustration des Ukrainiens
Ces piétinements ne sont pas sans provoquer colère et déception du côté ukrainien. La presse ukrainienne, amère, a présenté les choses comme il suit : ils sont d'accord sur tout, même s'ils n'ont décidé de rien. Pour sa part, le quotidien ukrainien Den, cité dans Courrier International expliquait que le sommet avait montré "l'incompréhension mutuelle entre les deux parties. D'un côté, les autorités de Kiev ont réaffirmé leur désir d'une intégration éventuelle au sein de l'Union, et de voir lever le régime des visas imposé à leurs citoyens. De l'autre, les responsables européens ont une fois de plus invité les Ukrainiens à faire preuve de patience et de détermination en ce qui concerne leur intégration."
Un appel d'air à 300 milliards de dollars
Dans ce ramdam politique, une seule initiative semble remporter la majorité des suffrages. Il s'agit de l'Agence pour la Modernisation de l'Ukraine - projet international porté par l'énigmatique oligarque Dmytro Firtash. Sorte de Plan Marshall à l'ukrainienne, ce projet propose de relancer le dialogue et la croissance économique (second point qui, souvenez vous, est l'un des principaux déclencheurs de la crise ukrainienne). L'idée est simple, mettre tout le monde autour de la même table, discuter affaires, et s'arranger pour que tout le monde en sorte gagnant. Et Firtash peut se vanter d'une connaissance avancée des deux camps, ayant fait fortune à cheval entre la Russie et l'Ukraine, il est susceptible de trouver une solution où personne ne se sentira lésé.
En adoptant une position modérée et en visant la réconciliation, l'AMU peut se vanter d'avoir convaincu des grands noms : l'ancien ministre des finances allemand Peer Steinbruck mènera les réformes structurelles fiscales et financières, Laurence Parisot mènera les réformes de l'économie du pays, alors que l'ancien Président sud-africain et prix nobel F.W. de Klerk dirigera le programme de réconciliation nationale. 300 milliards de dollars d'investissements sont attendus. Ce qui est certain, c'est qu'une reprise des affaires dans un pays au bord du gouffre sera un signal positif, sorte de patte blanche, susceptible de convaincre l'UE, qui a encore les pieds trop froids, comme le sommet l'a prouvé. On peut comprendre que l'UE, confrontée à ses propres difficultés internes, ne se précipite pas pour soutenir un pays qui risque la faillite.
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