Quelqu’un sait-il ce que veut François Bayrou ?
François Bayrou a publié, dans Le Monde du 16 avril, un « avertissement » à François Hollande. Le motif de cette « alerte rouge » : un tournant qui aurait été opéré au Conseil national du PS, le 13 avril, « sous la pression de l’aile gauche du PS, elle-même menacée par le courant Mélenchon », en faveur d’un « redressement par un surcroît de dépense publique ».
Selon François Bayrou, « si la dépense publique, les déficits et la dette étaient la clé de la bonne santé pour un pays, la France (…) devrait être florissante et enviée ».
Par cette formulation, François Bayrou laisse entendre deux choses :
- le « tournant » opéré par le PS conduirait celui-ci à considérer que les déficits et la dette seraient la clé de la bonne santé pour un pays ;
- dépense publique, déficits et dette seraient trois visages d’une même « politique du dérapage ».
N’ayant pas participé au Conseil national du PS, pas plus d’ailleurs que François Bayrou, je n’ai pas connaissance du détail de ce qui s’y est dit. Je veux bien admettre que les mérites de la bonne dépense publique y aient été rappelés mais j’ai du mal à croire que les déficits et la dette y aient été mis sur un piédestal et célébrés pour leurs vertus propres. François Bayrou peut-il produire des citations qui iraient en ce sens ?
Plus fondamentalement, l’amalgame ainsi opéré avec les déficits et la dette revient à mettre en cause le principe même de la dépense publique et donc à dérouler le tapis rouge à tous ceux qui considèrent que l’effacement de l’Etat doit être poursuivi et amplifié, au profit d’une privatisation qui ne serait jamais assez aboutie. Ce système de pensée est indissociable du dogme ultralibéral et de sa déclinaison sémantique du moment, la course à la compétitivité, dans un espace mondial ouvert et dérégulé, propice aux affrontements et aux conflits plutôt qu’à la coopération. Est-ce l’option de François Bayrou ?
Un homme d’Etat ne devrait pas parler à la légère de la dépense publique. François Bayrou qui a souvent plaidé, à raison et avec talent, pour la dignité du débat politique, le sait bien. Indépendamment des intérêts de la dette, la dépense publique comporte deux grandes catégories : les missions régaliennes (défense, diplomatie, sécurité, …) et les missions sociales (santé, retraite, éducation, …). Pour la première catégorie, la France, avec 18,2 % du PIB, était en 2009 au 10ème rang c'est-à-dire dans le peloton de tête des pays les plus économes de l’OCDE et faisait doublement figure de bon élève puisque, au cours des 20 années précédentes, elle avait réduit ce pourcentage contrairement, par exemple, aux USA et au Royaume-Uni. Par contre, la France est effectivement en tête de liste, avec le Danemark, pour le poids des dépenses sociales mais cela veut surtout dire que les services correspondants y sont assurés directement par l’Etat et financés par des impôts ou prélèvements sociaux, contrairement à d’autres pays où ils relèvent de l’initiative privée (les dépenses de santé ou d’éducation sont plus élevées aux USA qu’en France mais elles n’y sont que faiblement couvertes par l’Etat). C’est aussi grâce à ces dépenses que la France contient, mieux que l’Allemagne, le développement de la grande pauvreté, qui accompagne, en Europe, la marche triomphante de la « globalisation ». Quant aux intérêts de la dette, ils seraient aujourd’hui marginaux si l’Etat français ne s’était pas interdit, depuis 1973, de recourir au crédit direct de la Banque de France, interdiction étendue à la BCE par les traités européens une vingtaine d’années plus tard.
Traquer la mauvaise dépense et veiller aux équilibres budgétaires dans la durée est une nécessité mais cela n’autorise pas à discréditer sans discernement la dépense publique, qui est l’expression d’un modèle de société.
François Bayrou n’aime pas les extrémismes. Il n’aime pas non plus les deux coalitions de gouvernement qui se passent le relais sur la scène politique française. Il est donc au centre, avec parfois un penchant à droite et parfois un penchant à gauche. Aux dernières élections présidentielles françaises, il avait opté personnellement pour un François Hollande qui, dans une formule d’ailleurs un peu abrupte, voyait son ennemi dans la finance et qui, pour ce qui concerne l’Europe, faisait front commun avec ses homologues italiens et espagnols pour tempérer les excès rigoristes des pays « vertueux ». Depuis, notre Président a plutôt mis de l’eau dans sa gauche mais, en gros, François Bayrou lui reproche le contraire. Le balancier est-il reparti à droite ? Ou bien François Bayrou, dopé par le regain d’audience que lui vaut en ce moment l’affaire Cahuzac, cherche-t-il simplement à occuper la scène ?
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