Quelques réflexions sur Zemmour
Il n’est pas agrégé de lettres ni de philosophie mais ne peut dire deux phrases sans faire une citation de Peggy, Bainville ou autre. Sa culture, il l’étale !
Avec un aplomb d’acier assis sur un ego surdimensionné qui vire à la congestion, Il assène à des interlocuteurs ébahis, car souvent incultes, « ses vérités » calées entre deux citations comme si elles relevaient d’équations mathématiques.
Monsieur Zemmour est Français né à Montreuil en 1958, et sa famille, française et juive, est originaire d’Algérie. Ses ancêtres indigènes, comme les miens, devinrent Français en 1870 par le décret Crémieux.
Le faussaire :
La guerre d’Algérie se déroula entre 1954 et 1962. Elle toucha principalement le million de Français qui vivait sur place, ainsi que les soldats français ou arabes qui furent mobilisés durant cette période.
Lorsqu’il s’approprie le sort des pieds-noirs, Zemmour s’invente une histoire pour crédibiliser une dialectique haineuse.
Cette légende qu’il forge lui permet d’assoir une posture arrogante et castratrice envers ses adversaires. C’est ce qui s’est passé récemment dans un débat avec Alain Duhamel lorsque évoquant la répression des manifestations d’octobre 1961, il dit : « A l’époque le FLN balançait aussi en Algérie des bombes dans les cinémas pour tuer les civils, les femmes, les enfants, les miens. Je le sais puisque moi, mes parents y étaient en Algérie, donc je sais exactement ce qui se passait. »
C’est à 8,30 minutes sur cette vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=acGYPoTUrJU
Mais il ment puisque ses parents ont quitté l’Algérie en 1952 pour venir en métropole et qu’il est né à Montreuil en 1958.
Ni lui, ni ses parents n’étaient en Algérie quand le FLN posait des bombes dans les cinémas.
Les familles françaises qui comme la mienne sont parties en mai 1962, espérant revenir après la guerre, ont vécu la violence, puis le déracinement, et enfin la vindicte des métropolitains. Tel ne fut pas le cas de Monsieur Zemmour né en 1958 à Montreuil, ni de ses parents arrivés en métropole en 1952.
Comme tout le monde, il est en droit de parler de cette période, de donner son avis, mais pourquoi faire valoir ses arguments par des mensonges avérés ?
Sa scolarité :
Contrairement aux jeunes Français juifs de sa génération, dont je suis, il a été scolarisé dans une école confessionnelle juive : l’école Lucien de Hirsch.
Au début des années 1960, ce n’était pas courant puisqu’à Paris et sa région n’existaient que quatre écoles juives, alors qu’il y en a aujourd’hui 125.
Jusque dans les années 80, l’immense majorité des enfants Français juifs allaient dans les écoles publiques de la République, mais ce ne fut pas le cas d’Éric Zemmour.
Il n’y aucune honte à cela, mais encore une fois la réalité des faits ne colle pas au récit qu’il nous vend au sujet de la France de son enfance.
Serait-ce un rejet ou un morceau d’identité refoulée ?
Juif à la maison et Français dehors :
Zemmour dit souvent que la religion relève du privé : « Je suis Juif à la maison et Français à l’extérieur. » Quelle phrase étrange ; comme s’il fallait cacher quelque chose, comme si on ne pouvait être les deux, oui simplement les deux, à la maison comme à l’extérieur !
Pour ma part, j’aime la France car c’est elle qui m’a vu naître en Algérie. C’est elle qui nous a donné la chance de nous émanciper. Nous lui devons d’être des enfants de la République. Ma langue est le français, ma culture est principalement française, mon épouse est française, mes filles sont françaises et l’immense majorité de mes amis sont français. Je vis en France, je travaille en France. J’aime la France pour sa douceur de vivre et la générosité de son peuple. J’aime la France éternelle parce qu’elle est porteuse d’un message universel de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.
Historiquement, mes ancêtres étaient Juifs avant d’être Français. Transmise de génération en génération depuis des milliers d’années, ma judéité fait partie de mon héritage. Je suis Juif comme une évidence, naturelle et inconsciente. C’est une partie de moi-même, qui mobilise tous mes sens. La vie communautaire, la synagogue, la senteur du pain de Shabbat, la table dressée avec la nappe blanche et notre belle vaisselle, la bénédiction sur le vin et sur le pain. Le rituel du repas de Pâque avec la famille réunie autour de la lecture de l’Histoire de la sortie d’Egypte, la Liberté et les questions des enfants, cette prière avec sa liturgie qui nous berce. Cette chaleur du cocon familial qui protège, qui rassure. Ces milliers de détails qui forgèrent nos âmes d’enfants et que nous avons la responsabilité de transmettre.
« Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », C’est le principe fondateur du judaïsme auquel il faut rajouter « Tu ne feras souffrir ou n’accableras pas l’étranger car tu as été étranger en Egypte ».
Nous avons appris du judaïsme que la vie d’un Homme est bâtie sur son libre arbitre et que sa responsabilité est de participer à rendre son Monde meilleur.
Rien de ce que j’ai appris du judaïsme n’est contraire à la France.
Je suis Juif et Français, ou Français et Juif chez moi comme dehors.
Chacun jugera le personnage, mais tous devraient s’inquiéter des discours d’un faussaire schizophrène dont la personnalité change en fonction du lieu où il se trouve.
L’idéologie :
Il aime rappeler une phrase attribuée à De Gaulle et rapportée par Alain Peyrefitte : « La France est un pays de race blanche, de religion chrétienne et de culture grecque et latine. »
Outre le fait que cette phrase ne figure dans aucun écrit du Général, admettons qu’elle soit vraie.
Zemmour s’imagine le porte-drapeau de cette France, et lui qui n’est ni tout à fait blanc, ni chrétien et dont la culture est mixée avec du judaïsme, donne à tous des leçons de francité.
Tenant compte de cet argument, on aurait espéré un leader plus emblématique.
Certains applaudissent et disent qu’il « ose. » Et des journalistes en quête d’audimat feignent de faire croire que ses propos sont originaux.
Et pourtant, il ne dit rien de moins que son maître Jean Marie Le Pen il y a déjà 40 ans.
On se précipite, le scrute, le suit partout, lui tend le micro, le laisse parler plus que de raison.
Malgré ses allégations sur son prétendu bannissement des media mainstream, qu’on ne s’y trompe point, on accorde à Zemmour une tribune qu’on n’a jamais accordé à Jean-Marie ou Marine simplement parce qu’au contraire de Le Pen, Zemmour est Juif.
Là ou JM Le Pen était ostracisé et relégué derrière les barbelés de la peste brune, La judéité de Zemmour lui sert de bouclier, et il en use.
Rappelons que pour un sketch humoristique « limite » qui aurait pu passer dans certaines émissions de télévision israélienne, Dieudonné, fut mis au banc des media et interdit de travailler. Zemmour lui n’a cessé d’être présent sur C-News ou Paris-première. Interrogé dans toutes les émissions politiques.
Tout honnête homme est obligé de conclure qu’en l’espèce il y a bien deux poids et deux mesures.
L’Islam, l’Islamisme et la nation :
A chaque micro qu’on lui tend, il annone à tue-tête : « l’Islam, au contraire des autres religions, est incompatible avec la France, la république et la démocratie. »
Et la preuve en serait la sharia (Loi musulmane), la oumma (communauté des croyants), etc.
Mais la Sharia n’est autre que l’équivalent de la Halakha juive ou du droit canonique. Dans tous les cas ces corpus législatifs régissent tous les secteurs de la vie de la naissance à la mort.
La communauté des croyants n’est pas une exclusivité de l’Islam, elle existe dans toutes les religions.
Il y a quelques jours Monseigneur de Moulins-Beaufort a rappelé que « le secret de la confession est plus fort que les Lois de la République », et même Si le Président de la conférence des évêques est revenu sur la « formulation maladroite », la phrase de départ révèle une défiance aux Lois de la République.
Parmi ceux qui manifestaient contre la Loi autorisant le mariage aux personnes du même sexe, les catholiques étaient largement majoritaires, mais si vous demandiez leur avis aux fidèles des mosquées ou synagogues, une immense majorité vous disait leur désapprobation à cette Loi.
Il est certain que la conscience des croyants – Tous les croyants- régie par les dogmes de leur religion est souvent heurtée par des Lois sociétales remettant en cause les principes de leur foi et qu’ils ressentent comme des offenses.
C’est le cas en France, aux USA, en Russie, mais aussi en Italie, en Espagne ou en Israël.
La réalité est que la France s’est déchristianisée et bien avant l’arrivée de nombreux immigrés.
Ce processus idéologique présenté comme progressiste et entamé après 1968 et principalement à partir de 1973 sous la présidence de Giscard, avec les réformes sur le divorce et la loi autorisant l’avortement, puis vint bien plus tard le mariage pour les personnes de même sexe.
La déconstruction des valeurs fondamentales qui portaient la société française n’est pas le fait de l’Islam.
L’islam ni aucune religion n’a déconstruit la famille
L’islam ni aucune religion n’a déconstruit le mariage et la filiation.
L’islam ni aucune religion ne détermine le genre comme une construction sociale.
Et si le retour à l’Islam, comme au judaïsme ou au catholicisme devient pour beaucoup des recours dans une société qui se délite, ce n’est pas de la faute aux musulmans.
Dans les pays où la religion chrétienne est plus présente, comme en Pologne, Hongrie ou Italie, l’Islam ne se renforce pas ou peu. Quand Zemmour dit que la France serait en danger de mort de la faute à l’Islam et l’immigration, ne se trompe-t-il pas de cause ?
En ne différenciant pas l’Islam de l’Islamisme, il entre dans le jeu des terroristes islamistes dont l’objectif est de radicaliser la majorité des musulmans en pointant qu’ils ne pourront jamais vivre sur un pied d’égalité avec les autres Français.
Lorsque les prêcheurs de haine, amorcent l’endoctrinement des petites frappes de cités, des voyous dans les prisons ou d’autres recalés de la société, ils ne font que leur apporter de l’attention, et leur parler de ces valeurs que la société ne reconnait plus. Ils pointent la différence entre ces valeurs et celles que la société met en exergue. Plutôt que d’être hors de la société par la délinquance, mieux vaut combattre cette société au nom de valeurs qui rachèteraient leur âme.
Associer l’Islam et l’Islamisme, est une erreur conceptuelle et une faute.
L’immigration, l’assimilation, la mondialisation et le communautarisme :
Il est établi que beaucoup parmi les immigrés venus jusqu’en 2000 sont entrés parfaitement légalement dans notre pays. Un grand nombre d’entre eux sont Français et leurs enfants ou petits-enfants sont Français.
Selon l’INSEE en 2020, il y a 6,8 millions d’immigrés qui représentent 10,2% de la population nationale. 47,5% d’entre eux sont nés en Afrique et 32,2% sont nés en Europe.
Depuis une quinzaine d’années il entre plus de 230.000 immigrés par an en moyenne sans compter les illégaux.
Les politiques qui se sont succédés au pouvoir depuis plus de 40 ans ont encouragé, n’ont pas voulu ou pu stopper les flux migratoires.
Il serait logique que l’immigration soit choisie et contrôlée, et le prochain Président devra mettre en place une politique restrictive implacable.
Cependant, Zemmour mélange tout.
Vivent en France aujourd’hui des millions de musulmans qui sont Français.
Pour rappel, les auteurs des attentats de Toulouse de Charly Hebdo ou de l’Hyper Casher étaient Français.
Sauf à déchoir en masse les musulmans de leur nationalité et légiférer contre les étrangers, on ne voit pas bien comment Zemmour pourrait les expulser.
Evoquer la situation de l’immigration dans notre pays, chercher et trouver des solutions reste un enjeu majeur qu’il faut traiter sans état d’âme, mais avec humanité.
Zemmour a raison lorsqu’il diagnostique que la France ne fabrique plus de Français, mais si la France ne fabrique plus de Français n’est-ce pas du fait que les croyants ne se reconnaissent plus dans certaines valeurs portées par la France ? Zemmour le sait bien, lui qui drague avec assiduité les croyants catholiques qui constituent le socle de la Manif pour Tous.
L’enjeu est de réconcilier les valeurs essentielles des religieux qu’ils soient catholiques, musulmans juifs avec celles de la nation ?
Voilà peut-être une piste qui permettrait à tous les religieux de s’identifier au pays, et faire (ou refaire) nation.
Les musulmans croyants qui veulent vivre leur foi tranquillement s’assimileraient bien plus vite que Monsieur Zemmour ne le pense, et rapidement, ils opteraient pour donner à leurs enfants un prénom français à côté d’un prénom traditionnel comme le faisaient les Juifs avant que le communautarisme n’occupe le terrain, ce qui n’est pratiquement plus le cas aujourd’hui.
La mondialisation telle que nous la connaissons depuis 30 ans n’a fait que catalyser le communautarisme. Partout en occident, on fait la promotion des minorités ethniques ou aux pratiques sexuelles minoritaires pour mieux nous vendre une société consumériste uniformisatrice à grands coups de publicité partout.
Ce n’est pas un hasard si aux USA avec Trump, au Brésil avec Bolsonaro, en Hongrie avec Orban, en Italie avec Salvini, en Angleterre avec Johnson, en Russie avec Poutine, en Israël avec Netanyahou, les dirigeants populistes ont tant de succès. Dans tous les cas, ils se présentent comme les défenseurs des valeurs de la nation contre la mondialisation qui la détruit.
Ces hommes sont tous des prototypes authentiques de leur nation originelle, ce que n’est pas Monsieur Zemmour. C’est la raison essentielle pour laquelle, malgré un certain talent, il ne pourra pas aller au bout de sa démarche et c’est tant mieux.
Bernard – Eliezer- Darmon.
133 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON