Questions à la représentation nationale en ce trentième anniversaire de la création des CHSCT (23 décembre 1982-23 décembre 2012)
A l’occasion du trentième anniversaire de la création des CHSCT, en tant que dirigeant engagé et soucieux de l’exemplarité de ses pairs à une période de déficits publics et sociaux dans laquelle les « salauds d’assistés » sont stigmatisés, je voudrais porter un regard sur un accident du travail dont j’ai eu à connaître survenu dans une association de droit local en Moselle.
Je porte ce regard alors qu’il y a eu changement de paradigme de la société française visible notamment dans deux affaires récentes et la jurisprudence de la Cour de Cassation :
- L’affaire Sciences Po Paris suite au rapport de la Cour des Comptes rendu public le 22 novembre 2012 avec l’audition sévère par les députés de Messieurs Casanova et Pebereau au sujet de la gestion du directeur décédé ;
- Le conflit à l’UMP, dans laquelle une posture ouvertement morale soutenue par le député Lett, qui a rejoint le groupe Rassemblement UMP de François Fillon, veut s’opposer à la culture des « petits arrangements » pour utiliser un euphémisme (« Un parti n'est pas une mafia » dira François Fillon le 23 novembre 2012) ;
- La jurisprudence de la Cour de Cassation, par une série d’arrêts datés du 17 octobre 2012 sur la protection du salarié victime d’un accident du travail.
En m’intéressant aux seules fonctions ou institutions et responsabilités afférentes , m'appuyant sur une sélection de pièces anonymisées pour la démonstration, dans une première partie je présenterai des faits graves non défendables autour d’un accident du travail provoqué sous la houlette d’une direction et dénié, avant de formuler dans une seconde partie à l’attention de la représentation nationale des suggestions pour déposer, en réaction à ces faits indéfendables, une proposition de loi afin de renforcer la santé et la sécurité au travail par une meilleure responsabilisation des acteurs.
Récit d’un AT normalisé et questions managériales soulevées
Après un rappel du contexte précédant l’accident, seront exposés la gestion de l’accident et les questions qu’elle soulève.
Le contexte de l'AT
L’arrivée sur les fonctions d’un salarié protégé d’une future directrice a été entérinée par le président du conseil d’administration d’une l’association à la demande d’un nouveau directeur, époux de la directrice recrutée. Cette venue s'est faite sur l'imposture que l'établissement était sur le point d’être fermé faute d’obtenir une certification sans cette venue « messianique », si l’on ose dire en cette période de l’Avent.
A l’arrivée du couple, l'établissement certes « traversait une zone de turbulences » pour reprendre une expression du journal local, le Républicain Lorrain, et se trouvait à la croisée des chemins, mais il a pris la mauvaise route parce qu'il y a eu abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins personnelles avec décision de faire du salarié le bouc émissaire tout en exonérant la direction sortante de toute responsabilité dans son pouvoir de direction (« le passé ne nous concerne pas » avait répété le couple au salarié et le président du Conseil d’Administration a permis de nommer l’ancien président – démissionnaire en même temps que le directeur sortant qui n’a pas fait de préavis – représentant du Conseil d’Administration auprès des clients au lieu de le faire sanctionner en vertu de l’article 7 des statuts de l’association). Le nouveau directeur est allé même jusqu’à se prévaloir par écrit de propos de l’ancien directeur mettant en doute les compétences du salarié.
La directrice son épouse a voulu spécialement le départ de gré ou de force du salarié, inspirant à son mari des courriers de sanction de mauvaise foi et hors de la procédure disciplinaire pour pousser au départ (par exemple 2e LRAR concluant à l'inanité du travail du salarié), qui était privé de ses fonctions son poste étant supprimé sans vouloir envisager un reclassement), avec la passivité pour le moins de la tutelle et surtout de l’inspection du travail et pourtant informées par écrit à plusieurs reprises par le salarié de sa situation (par exemple courriel suite au premier courrier de sanction ou courriel de dénonciation officielle d'entrave avec appel clair à action de l'Inspection du Travail. L'inspection du travail a accusé réception de tous les courriels, comme la tutelle d’ailleurs.
Pour forcer le salarié à rétracter la dénonciation faite par courrier recommandé de cette situation, la direction en couple est allée jusqu’à provoquer un accident du travail sous prétexte d’une proposition de reclassement dolosive improvisée qu’aurait accepté le salarié et alors que la directrice venait de le menacer par écrit, lui reprochant de s'être opposé à la situation et se prévalant du soutien du président tout en lui retirant unilatéralement ses accès informatiques (courriel ayant valeur d'avertissement) et qu'ultérieurement aucun avenant au contrat de travail, même en projet, n'a jamais été envoyé.
Le salarié a ainsi été injurié devant les autres salariés (traité de manipulateur, profiteur du statut de salarié protégé, ignoble individu menaçant les emplois, malhonnête, individu abject…) haineux, excités contre lui par le couple de direction menaçant de démissionner pour qu’il rétracte la dénonciation de la situation.
La gestion de l'AT et les questions de management qu'elle soulève
Que s’est-il passé par la suite après l’agression ? La direction et le président du Conseil d’Administration ont-ils été responsables ? Que nenni. Sans prétendre à l’exhaustivité des faits postérieurs à l’agression :
- Aucun salarié n’a été sanctionné à commencer par le couple de direction pour les faits et ses propos rédhibitoires rappelés par écrit et non contestés constitutifs sans doute d’une faute grave ;
- Aucun accident du travail n’a été déclaré et le directeur a refusé par lettre recommandée avec AR de déclarer un AT lorsque cela lui a été demandé par le salarié, alors que c’était une obligation, versant même un faux dénoncé et non contesté au dossier de la CPAM (fiche de poste grossièrement antidatée) et s’acharnant contre le salarié pour chercher un dol à son recrutement (demande diplômes adressée deux jours après lettre de refus de déclarer un AT : l’intention disciplinaire dévoyée apparait au choix de la LRAR pour la demande au lieu d'envoyer l'avenant pour le reclassement - qui n'existait pas - alors que bulletins de salaires et PV de Comité d’Entreprise sont adressés par lettre simple) ;
- Le CHSCT ne s’est pas réuni après l’événement, l’AT ayant été étouffé : il aurait dû l’être à la demande du directeur, du médecin du travail et/ou de deux de ses membres (L 4614-10 du Code du Travail) témoins oculaires formés ne pouvant ignorer qu’un AT peut être psychologique : le lynchage par les salariés aurait pu pousser au suicide ou du moins à une TS et le médecin a été appelé ;
- Après reconnaissance de l’AT par la CPAM, le directeur ayant lors de l'enquête rempli une déclaration violente contre le salarié, la feuille d’AT n’a pas été envoyée spontanément et le salarié a du la réclamer au directeur, qui a continué à s’acharner contre le salarié pour chercher un dol à son recrutement notamment en contactant un ex employeur ;
- Au retour de 13 mois d’arrêt de travail, les déloyautés se sont poursuivies y compris devant l’inspection du travail : après déclaration d’inaptitude, la direction, malgré les observations écrites du salarié, a fait une première tentative de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle, puis une deuxième en ne respectant pas les droits de la défense, la troisième étant la bonne, l’inspection du travail, qui avait été alertée à 4 reprises avant l’AT, ayant ignoré – comme le Comité d’Entreprise – les éléments à l’appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail alors que pour le juge judiciaire, en vertu de la séparation des pouvoirs, elle doit les avoir nécessairement pris en considération (Cass. Soc. 29 septembre 2010- N° 09-41127 et 28 septembre 2011 N° 10-10445) ;
- Aucune formation n’avait été envisagée dans le cadre du reclassement alors que c’était une obligation (L 1226-10 du code du travail) voire le droit individuel à la formation, conformément à la loi et la convention collective, avait été refusé pour raisons financières et la lettre de licenciement a été silencieuse sur le DIF (la mention du DIF est obligatoire à l’article L 6323-19 du code du travail sous peine de sanction) ;
- L'attestation Pole Emploi adressée a globalisé les sommes de rupture (pourtant bien distinguées dans le code du travail à l’article L 1226-14) pour continuer à nuire au salarié, ce qui a eu pour conséquence l’application de la carence maximale de 75 jours par Pole Emploi ;
- L'établissement – et son président en particulier qui avait affirmé deux jours avant l’AT vouloir faire toutes les procédures pour se débarrasser du salarié, ce que montre son attitude - a refusé toute transaction sérieuse (i.e. réparatrice de la violation du mandat au point de provoquer un AT reconnu) avec le salarié alors que l’établissement n’a pas contesté la reconnaissance d’AT lié à un harcèlement moral, de sorte que dès lors, les faits constitutifs de l’accident du travail sont donc reconnus par lui : le salarié n'est soumis à aucune réserve ou confidentialité, son contrat de travail ne prévoyant pas que la confidentialité s'appliquera après la rupture, clause licite qui doit être néanmoins écrite.
A titre subsidiaire, l’on observera que
- Si une direction est capable, en menaçant de démissionner, de lancer le personnel contre un salarié pour faire pression sur lui afin de tenter d’extorquer une signature pour rétracter un courrier, ne pourrait-elle pas, s'il s'agissait d'une mise en demeure d'un client, menacer de démissionner pour obtenir la rétractation prenant le risque que le personnel s'en prenne au client ?
- Si ne direction peut étouffer sciemment un AT sans équivoque (événement survenu à l’occasion du travail, ayant de surcroit nécessité l’intervention du médecin du travail, reconnu ultérieurement en AT) qu'elle provoque, a refusé de déclarer, et peut annihiler les organes internes de contrôle (le CHSCT en l’occurrence) et le médecin du travail dans leur mission pour la santé et la sécurité au travail, ne pourrait-elle pas aussi bien d’autres instances internes ?
- Si une direction est capable de créer un faux grossier non contesté qui se démontre et de le verser à la CPAM pour se justifier de ne pas déclarer un AT qu’elle provoque ne pourrait-elle pas créer des fausses pièces vis-à-vis des autres parties prenantes (clients, Etat…) ?
Cette affaire met en exergue des comportements de management préoccupants en période de restrictions budgétaires, nécessitant une gouvernance appropriée, ce qui interpelle la représentation nationale.
Vers une responsabilisation des acteurs
Au-delà de cette affaire d’accident du travail se pose la question de la sanction du manquement des élus à leurs devoirs nécessitant une évolution de la loi pour renforcer la santé et la sécurité au travail.
Des élus défaillants
L’affaire interroge sur la responsabilité d’élus d’institutions de la République et des membres du CHSCT.
Au sein du Conseil d’Administration de l’association se trouvaient au moment des faits deux élus des institutions de la République : un maire, qui en est le président, et un conseiller prud’homal patronal, qui en est le trésorier. Ce maire, qui est responsable légal aux termes de l’article 12 des statuts de l’association, a sans doute donné délégation à la direction, mais en en tant que délégant ne peut se retrancher derrière cette délégation pour exonérer sa responsabilité car il a bien été informé par le salarié qui lui faisait confiance à plusieurs reprises avant l’accident (Cf. par exemple Conclusions d’un mémo du salarié au président en janvier 2010), ainsi que l’a déclaré lui-même le directeur lors de l’enquête de la CPAM (« Pendant plusieurs semaines il a fait des mails au maire qui est président du CA, où il mettait en doute mes capacités et mon intégrité »), et il n’a pas tiré les conséquences de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
- il n’a pas effectué les enquêtes et investigations qui lui auraient permis d'avoir, sans attendre l'issue de la procédure prud'homale la connaissance exacte de la réalité qu’il connaissait en tout état de cause (Cf. Cass. soc., 29 juin 2011, N° 09-70902, FS-PB),
- il ne s’est pas déplacé consulter le dossier à la CPAM (il y aurait lu la déposition du directeur précisant qu'il a été informé de la situation en tant que président de CA par le salarié, il y aurait lu la déclaration d’AT violente remplie par le directeur, il y aurait lu l'aveu de la pression pour la rétractation, il y aurait lu la fiche de poste grossièrement antidatée, il y aurait lu la pétition de lynchage contre le salarié adressée à la CPAM par le directeur pour se justifier de ne pas déclarer d'AT...), voire
- il n’est pas venu à l’audience de conciliation s’étant fait représenter par le directeur.
Il est allé jusqu’à rendre hommage en connaissance de cause au directeur lors de la passation du pouvoir : « Je tiens à rendre hommage à votre travail, à votre éthique, à votre grand sens moral, et à l’humanisme dont vous faites preuves avec vos collaborateurs. Il ne peut ignorer qu'il parle là d’un directeur qui a provoqué (avec son épouse qu’il a fait venir) un AT non déclaré en injuriant un salarié dont il voulait se débarrasser par tous moyens pour laisser la place à son épouse. Il ne peut ignorer qu'il parle là d’un directeur qui a refusé de déclarer un AT alors que c’était une obligation. Il ne peut ignorer qu'il parle là d’un directeur qui a produit dans le dossier d’AT un faux grossier dont la dénonciation par le salarié n’a pas été contestée. Il ne peut ignorer qu'il parle là d’un directeur qui n’a rien eu à faire de la santé d’un salarié dont il voulait se débarrasser de gré ou de force et qui au contraire s’est acharné pour chercher la faute. Il ne peut ignorer qu'il parle là surtout du directeur qui n’a pas respecté le dossier de restructuration qui avait été établi par son ancien hiérarchique, lui-même mis en cause dans un rapport public pour sa gestion (il suffit de lire les deux premières recommandations du rapport qui renvoient à l’image comptable : 1. Respecter le principe du rattachement des charges comme des produits à l’exercice. 2. Mettre en œuvre les techniques réglementées des provisions), que le directeur a fait intervenir en tant qu’expert …
Alors que la victime, dont la « nouvelle gouvernance » voulait se débarrasser de gré ou de force, avait alerté le président sur les risques du dossier de restructuration et proposé un reclassement motivé dans le contrôle interne, au plan financier, il est remarquable en effet de constater que le dossier validé, supprimant son seul poste et voulant son départ de gré ou de force au point de provoquer un accident du travail non déclaré et dénié, n'a pas été respecté pour des décisions couteuses et non justifiées relevant du seul pouvoir d'organisation de la direction et du contrôle du Conseil d’Administration. L’établissement a ainsi dépensé (les ordres de grandeur, que la victime a affirmés en tant que membre du Comité d'Entreprise par courrier au président du Comité d’Entreprise, n’ont pas été contestés) :
- Environ 50 KE pour les congés payés rémunérés rétroactivement à l'ancien directeur et qui ne lui étaient légalement pas dus (En l'état actuel du droit, il n'y a pas d'indemnité compensatrice pour les congés non pris à l'exception limitée de la mise en œuvre d'un système de compte épargne-temps pour y « placer » une partie des congés payés et demander ultérieurement leur conversion en argent sous conditions et il n’y avait pas de CET dans l’établissement) ;
- Environ 100 KE pour des recrutements non prévus dans le dossier de restructuration (y compris pour une personne recrutée sur les fonctions qualifiées « sans aucune justification » du salarié victime), ou des augmentations reconnues de salaires de cadres notamment à la direction ;
- Environ 30 KE d'augmentation salariale et formation indue pour la directrice en particulier (formation de direction 13 fois supérieure en jours à son DIF pour un montant représentant 60% du budget formation de l'établissement alors qu’elle a été nommée directrice adjointe (poste non prévu), puis à la direction (contrairement à ce qui avait été annoncé) sans appel à candidature et sans que le Président du Conseil d’Administration n'intervienne pour chercher un éventuel successeur à son mari comme cela aurait du être le cas dans une gouvernance saine ;
- Environ 20 KE pour des rénovations ou achats de prestige à la pertinence douteuse (nouveau mobilier, nouvelle déco...).
S’agissant du premier magistrat de la commune, représentant de l’Etat et de la loi, le président ne peut être différent dans les deux fonctions : ses carences pour le moins, visibles dans ses fonctions de président défaillant à la conception discutable de l’humanisme de la compétence et de l’intégrité (Cf. Verbatim de la cérémonie de congratulations lors de la passation de pouvoir), se vérifient nécessairement dans ses fonctions de maire. Cela est d’autant plus préoccupant qu’il a pris des positions publiques de principe, qui lui sont opposables, fustigeant la manipulation et réclamant la vérité : par exemple sur un projet, « On a à faire à un exercice de communication qui frise d’ailleurs la manipulation (…) Mais de qui se moque-t-on ? Je crois qu’en tant que journaliste ou en tant que responsable politique local on a un devoir de vérité par rapport à nos concitoyens ». Pour ce qui est du trésorier de l’association, directeur financier de métier, il est surtout conseiller prud’homal patronal. Il a entériné un dossier de restructuration s’en prenant à un salarié protégé, et n’a pas contrôlé, comme le président, l’exécution du dossier de restructuration présenté. En tant que chef d’entreprise, une telle carence d’un de mes pairs me déçoit car elle discrédite le pouvoir hiérarchique et disciplinaire des employeurs et affaiblit la position des élus employeurs aux Conseils de Prud’hommes (Cf. à ce sujet Conseil d'Etat, N°253663).
S’agissant du CHSCT, les membres témoins oculaire ainsi que le médecin du travail ont été défaillants. Si les membres présents ont certes agi le jour de l’AT en contactant le médecin du travail qui lui-même a cherché à joindre le salarié, ils n’ont pas tiré les conséquences de l’attitude avérée de la direction à son égard.
Le salarié a déploré par écrit les « inerties des représentants du personnel remerciés pour leur ‘ validation permanente de la démarche’ y compris donc la démarche de non respect du droit du travail et du droit de la sécurité sociale (cela vaut pour tous les IRP titulaires et notamment les membres du CHSCT et les DP présents le jour de l'accident et signataires de la ‘ pétition’ » Cette affirmation écrite n’a pas été contestée en Comité d’Entreprise. Pour ce qui est du médecin du travail la victime s’est étonné de la violence pour lui faire rétracter la dénonciation du HM avant de le rencontrer au point de provoquer un AT : « la tentative d'extorsion, juste avant que je ne rencontre le médecin du travail, coordonnée avec vous à mon sujet, est définitivement suspecte car on pourrait voir dans ce RV proposé par son secrétariat, juste après la proposition verbale dolosive de reclassement du 2 février 2010, un stratagème pour me faire partir par le biais de la médecine du travail, ce que corrobore le texte du courrier du 8 février versé par votre mari au dossier d'AT. », écrira-t-il. Cette suspicion écrite n’a pas été contestée par la direction. Le médecin a minimisé les circonstances graves de l’accident : il appelle « quelques soucis » (sic), dans un contexte de pressions dont il avait connaissance pour faire partir le salarié, une agression par une cinquantaine de salariés sous la houlette d’une direction qui les excite soutenue par des IRP notamment du CHSCT. Il fait silence dans le courrier sur les attaques avérées de mauvaise foi par la direction et réitère son soutien à la direction : « Monsieur X n'est pas venu au rendez-vous que je lui avais fixé (…) On ne pourra bien évidemment se prononcer sur son aptitude qu'après la fin de son arrêt de Travail (…) Je tiens à renouveler mon souhait de collaborer » (sic). Le médecin n’a sans doute pas contribué à attirer l’attention de l’inspection du travail sur le cas de la victime …
Vers des évolutions de la loi
Face à une telle situation, il semble important de promouvoir une évolution législative ; il ne s’agit pas d’un sujet partisan mais d’une question qui doit transcender les clivages politiques eu égard aux coûts humains et pour la collectivité (arrêts de travail, allocation chômage, frais médicaux de psychotropes…) de laisser faire des pratiques managériales qui ne sont pas correctes. Il ne conviendrait-il pas que la loi soit amendée pour :
- Prévoir la possibilité d’une interdiction de manager pour un harceleur comme il existe une interdiction de gérer pour un mauvais gestionnaire, qui permettrait d’aller jusqu’à faire rompre le contrat de travail d’un harceleur (ce n’est pas possible aujourd’hui : Cf. Cass soc. du 1er juillet 2009, n°07-44482, même si l’accord du 26 mars 2010 ouvre une petite porte avec le 1. de l’article 5).
- Prévoir une interdiction de présider tout organisme pour tout président du conseil d’administration dirigeant de droit ayant couvert sciemment des agissements délictuels et/ou laissé se développer une direction de fait. Pour une bonne gouvernance, un Conseil d’Administration et en particulier son président, le représentant légal, n’ont pas à « soutenir » une direction mais doivent la contrôler.
- Engager la responsabilité personnelle du président du conseil d’administration s’il a été informé et n’a pas agi. La jurisprudence exige qu’un salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique en rende compte à son employeur sous peine de ne pouvoir exiger de son employeur, n'ayant pu être en mesure de constater le problème rencontré par le salarié et d'y remédier, des dommages et intérêts pour harcèlement moral (Cass. soc. 26 septembre 2007, n°06-44767. L’arrêt Pierre Cardin (Cass. com. 10 février 2009, n°07-20445) précise que la faute détachable peut parfaitement être le fait de dirigeants « même agissant dans les limites de leurs attributions ». Le bénévolat du mandat ne saurait être une circonstance atténuante.
- Permettre la déchéance du mandat voire l’inéligibilité des salariés protégés ayant manqué aux devoirs de leur mandat. Il apparait que souvent les élus du personnel et notamment du CHSCT et les délégués du personnel ne remplissent pas leur mission voire peuvent agir contre une cible aux cotés d’une direction tout en ne perdant pas une seule seconde de leurs heures de délégation.
- Engager systématiquement la responsabilité des tiers à l’établissement qui ne sont pas intervenus alors qu’ils étaient informés et en avaient le devoir (médecin du travail, inspection du travail, DIRECCTE, tutelle le cas échéant) voire qui minimisent ou dénient les faits, à l'instar du ministère dans sa décision suite au recours hiérarchique prise après l'alternance. Il est clair que si les administrations alertées avaient fait leur job, il n’y aurait jamais eu manquement à l’obligation de sécurité de résultat et ce qui s’est ensuivi.
Pour l'inspection du travail en particulier, qui a une responsabilité directe sur la santé et la sécurité au travail, alors que l’IGAS a rendu un rapport critique sur l’exercice de leur mission par les inspecteurs du travail (page 37-38 du rapport N°RM2012-039P de juin 2012), il peut être montré que, malgré I'ANI du 26 mars 2010, les services déconcentrés de la DGT ont été peu proactifs de manière concrète sur le terrain pour les questions de harcèlement moral et de violence au travail à part quelques inspecteurs du travail qui n'ont pas eu le sentiment d'être soutenus par leur hiérarchie. Et ce malgré un arrêté signé Jean-Denis Combrexelle en date du 23 juillet 2010 rendant I'ANI obligatoire et dont l’article 1 dispose que « Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ l'application, les dispositions de l’Accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 ». L’ANI n’ajoute d’ailleurs rien au droit positif, la plupart des dispositions étant déjà dans le code du travail, avant même la recodification, et la jurisprudence. Des sanctions étaient déjà prévues dans le Code du Travail français à l’ancien article L. 122-50 (Est passible d'une sanction disciplinaire tout salarié ayant procédé aux agissements définis à l'article L. 122-49 [agissements répétés de harcèlement moral]) devenu l’article L1152-5 après recodification (Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction). En outre le médecin inspecteur du travail à la DIRECTTE a été saisi avant la reprise sur l'AT et la question du médecin du travail trop engagé aux côtés de la direction, mais rien ne s'est passé, le salarié ayant été contraint de faire la visite de reprise avec ce médecin. Quand bien même il n'aurait pas été compétent, il eût sans doute fallu pour le moins que le médecin inspecteur du travail transmette les alertes du salarié à l'inspection du travail en vertu de l'article 20 de la Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Pour ce qui est de la tutelle, informée en parallèle de l'inspection du travail dès le changement de direction, quand bien même elle n'aurait pas été compétente, il eût sans doute fallu pour le moins transmettre les alertes du salarié à l'inspection du travail (Cf. article 20 de la Loi n°2000-321 précité). En outre la Cour des Comptes dans un rapport de 2009 (Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, 16 septembre 2009, Chapitre IV : Le réseau d'alerte, page 95), s'étonne des inerties de la tutelle (DRASS en l'occurrence) face à des dysfonctionnements à la CPAM de Boulogne : déroulements de carrière atypiques, recrutement non-professionnel du personnel, révision à la baisse des missions d'un salarié protégé sans respect des procédures légales, faits de harcèlement moral établis par des décisions de justice... : « la question n’est pas tant que ces faits se soient produits, mais qu’ils se soient renouvelés sans que la tête de réseau et la tutelle administrative aient agi ou pu agir pour y mettre fin », écrira la Cour.
L’article 40 du Code de Procédure Pénale en son deuxième alinéa dispose que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. ». L’article est écrit au présent de l’indicatif ayant en droit la valeur d’impératif. L’administration n’a aucune marge d’appréciation de l’opportunité laissée au seul Parquet à l’article 40-1 du même code. L’inspection du travail comme la tutelle n’ont rien fait alors qu’aucune condition de forme n’est requise pour leur donner connaissance d’un crime ou d’un délit.
Un simple appel de recadrage dès le début par l'inspection du travail et/ou la tutelle et jamais il n'y aurait eu AT avec ce qui s'est ensuivi.
Pour les fonctionnaires manquent à leurs devoirs, cela doit pouvoir aller jusqu’à la révocation : nous payons des impôts pour que les agents de l’Etat appliquent la loi et fassent appliquer la loi dans leur domaine de compétence.
En conclusion, alors que l’ONG Transparence Internationale France vient de lancer une grande campagne de communication pour que la lutte contre la corruption et l’éthique de la vie publique soient reconnues grande cause national eu égard aux coûts pour les finances publiques, particulièrement inacceptables en période de rigueur budgétaire, cette affaire vient tristement montrer de manière concrète pourquoi la France se situe seulement au 22ème rang mondial et au 9ème rang européen des Etats perçus comme les moins corrompus selon l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2012. L’arbre des causes établi par l’expert Qualitiges® met en exergue des responsabilités lourdes de ceux qui avaient le pouvoir et le devoir d’agir en interne (membres du CHSCT et psychologue du travail, Comité d’Entreprise, président et Conseil d’Administration) comme externe (médecin du travail, inspection du travail, tutelle) ayant conduit à ce qui s’est passé et nécessitant de clarifier qui s’est mis quoi, combien et qui dans la poche sous prétexte de qualité et restructuration.
En provoquant un accident du travail dénié sur une victime sur laquelle il s’est acharné, un employeur a porté atteinte à la légitimité du pouvoir de direction, du pouvoir hiérarchique et du pouvoir disciplinaire de ses pairs. Il a aussi porté atteinte à la légitimité de la demande d’évolution du code du travail vers de la flexibilité pour les entreprises et il est du devoir des dirigeants responsables de réprouver de tels faits.
Il y a aujourd’hui une victime reconnue, le salarié, et des agresseurs avérés : d’abord, un conseil d’administration et notamment son président qui n’a pas pris ses responsabilités à l’égard de la victime, bien au contraire ; ensuite et surtout, une majorité de salariés, dont des représentants du personnel qui, par leur signature d’une pétition de soutien pour le couple pour le maintien de ses postes dans l’établissement ont fait leur la thèse de la nouvelle gouvernance de rendre un salarié bouc émissaire en affranchissant la gouvernance sortante de toute responsabilité. Il s’ensuit qu’il ne s’est juridiquement rien passé de répréhensible sous l’ancienne gouvernance à l’égard des salariés, qui ne sont pas fondés à se plaindre de ce qui peut advenir sous la « nouvelle gouvernance » qu’ils se sont choisis contre le salarié.
Et la « nouvelle gouvernance » ne peut plus elle-même invoquer la situation laissée par la gouvernance sortante, dont elle s’est prévalue pour mettre en cause les qualités professionnelles de la victime anéantie comme salarié ce jour là et tenter de se justifier : elle assume seule ses erreurs rédhibitoires de management et gouvernance, entachant la crédibilité des élus au CHSCT, notamment ceux formés par leur syndicat, des médecins du travail, des dirigeants y compris des élus politiques dirigeants de droit dans un Conseil d’Administration, des administrations informées et des ministres responsables en tant que chefs d'une administration défaillante dans ses missions, avant l’alternance comme après.
C'est l'Etat de droit qui est en cause.
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