Qui crée la monnaie ?
Car c'est une question récurrente, et de nombreuses interventions ou commentaires au fil des articles montrent que certains lecteurs ont une méconnaissance du sujet ou, pire, de nombreuses idées fausses.
Outre plusieurs livres qui détaillent la création monétaire, l'auteur a écrit de nombreux articles sur ce sujet dont un de référence sur Agoravox (sur ce lien), mais il faut croire que c'est insuffisant.
Il est donc intéressant de diffuser la fiche pédagogique de l'Education Nationale au programme de Première ES., même si cette fiche ne fait qu'effleurer le sujet.
Ministère de l’éducation nationale
Sciences économiques et sociales - Première ES
Science économique
La monnaie et le financement
INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES : On présentera, à l’aide d’exemples simples, le processus de création monétaire par les banques commerciales (« les crédits font les dépôts »). On montrera le rôle central du marché monétaire. On citera les autres sources de la création monétaire (créances sur le Trésor et devises). Pour ce faire, on définira la banque centrale comme la « banque des banques » et on montrera l’importance de son rôle pour assurer la liquidité (notamment lors des crises de confiance) et préserver le pouvoir d’achat de la monnaie.
Masse monétaire, marché monétaire, banque centrale, prêteur en dernier ressort.
Dans les systèmes bancaires contemporains, les banques de second rang sont placées sous l’autorité de la banque centrale et sont dans l’obligation d’avoir, auprès d’elle, un compte dont le solde est obligatoirement créditeur : la banque centrale est la « banque des banques » ; il s’agit, au sein de la zone euro, de la BCE. La monnaie détenue par les banques sur leurs comptes à la banque centrale est appelée « monnaie banque centrale » ou « monnaie centrale » ; tous les règlements interbancaires s’effectuent en monnaie centrale par des virements de compte à compte dans les livres de la banque centrale. Celle-ci gère également le compte du Trésor public, dont elle est l’unique banque. Contrairement à une vision largement répandue, la création monétaire n’est pas principalement le fait de la banque centrale qui, bien qu’ayant le monopole de l’émission des billets, ne crée pas directement de la monnaie : émission de billets et création monétaire sont deux opérations distinctes qui ne doivent pas être confondues.
Le processus de création monétaire
On désigne par l’expression « création monétaire » toute opération qui conduit à augmenter le stock de monnaie en circulation et par « destruction monétaire » l’opération inverse. Ce stock de monnaie en circulation, ou « masse monétaire », est constitué des moyens de paiement détenus par les agents économiques non bancaires et utilisables à court terme pour régler leurs dépenses. La masse monétaire est mesurée par différents indicateurs, ou agrégats, mais comprend principalement les billets en circulation, les dépôts à vue et à terme dans les banques et les comptes sur livret. La monnaie détenue par les banques sur leur compte à la banque centrale ne fait pas partie de la masse monétaire, mais de la « base monétaire ». Il y a une relation entre la base et la masse monétaire, la création de monnaie par les banques induisant un besoin de monnaie centrale pour couvrir les « fuites » qui résultent des retraits en billets des clients, des exigences réglementaires et des règlements interbancaires.
La monnaie est toujours créée en liaison avec une contrepartie. Si cette contrepartie a longtemps été constituée de métaux précieux, notamment l’or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dans les économies contemporaines, la création de monnaie est une monétisation de créances. Elle a trois origines : l’octroi de crédits par les banques de second rang, le financement monétaire du déficit public, les entrées nettes de devises. La monnaie, inscrite au passif des banques, a pour contreparties les créances monétisées (inscrites à l’actif des banques). La monnaie est donc à la fois une créance et une dette.
Aujourd’hui, ce sont les créances correspondant aux crédits accordés par les banques aux entreprises et ménages qui constituent les principales « contreparties » de la masse monétaire, autrement dit qui sont à l’origine de la création de monnaie. Si les banques, en tant qu’intermédiaires financiers, ont comme fonction de collecter des dépôts et d’octroyer des crédits, elles ont une spécificité qui les distingue des intermédiaires financiers non bancaires : les crédits accordés ne se font pas sur la base de ressources préexistantes ; pour accorder un crédit, le banquier n’a pas besoin de disposer de la monnaie qu’il prête. Ce n’est pas le cas des intermédiaires financiers non bancaires qui octroient des crédits en transformant les caractéristiques d’une épargne préalable, autrement dit par des opérations de « recyclage » de ressources collectées antérieurement.
Lorsqu’une banque octroie un crédit, elle crédite le compte de dépôt de l’emprunteur et inscrit simultanément la créance correspondante à l’actif de son propre bilan. Il s’agit d’un simple jeu d’écriture comptable. Les dépôts sont au passif du bilan des banques, les créances à leur actif. Le crédit du compte de dépôt de l’emprunteur se traduit par une augmentation instantanée de la masse monétaire. La monnaie est donc créée ex nihilo. Lorsque le crédit arrive à échéance et donne lieu à remboursement, le compte de dépôt de l’emprunteur est débité, et la quantité de monnaie correspondante n’est plus en circulation : elle est « détruite ».
Une deuxième source de création monétaire à laquelle les banques de second rang contribuent est celle qui correspond à des crédits accordés à l’État : la banque achète des bons émis par le Trésor public pour financer le déficit budgétaire et dispose, en contrepartie, d’une créance sur le Trésor public ; celle-ci est inscrite à l’actif du bilan de la banque sous la rubrique « Créance sur l’État ». Le règlement des achats de bons du Trésor s’effectue par virement du compte de la banque sur le compte du Trésor à la banque centrale, autrement dit en monnaie centrale. Ce n’est pas ce virement qui est en lui-même créateur de monnaie, mais le fait que le Trésor utilisera ensuite les ressources empruntées pour financer ses dépenses et que les sommes seront ainsi virées sur les comptes d’agents économiques non bancaires. Les statuts de la Banque centrale européenne lui interdisent de financer directement les États. Cette règle, qui fait l’objet de débats, a été instaurée afin de lutter contre la tentation d’un financement inflationniste des déficits publics.
Les banques de second rang sont également amenées à créer de la monnaie scripturale lorsqu’elles acquièrent des devises étrangères : elles portent sur le compte du client l’équivalent en monnaie nationale et inscrivent la contrepartie « Extérieur » à l’actif de leur bilan. Cette contrepartie, constituée de devises, représente une créance sur le pays d’émission des devises concernées. Lorsque la banque vend des devises à un de ses clients, elle prélève la somme correspondante sur son compte bancaire : il y a destruction de monnaie. Lorsque la banque vend des devises à la banque centrale, celle-ci accroît ses réserves de change.
L’évolution du stock de monnaie en circulation dans une économie, autrement dit de la masse monétaire, résulte ainsi d’un processus de création et de destruction monétaire. Si les opérations à l’origine de la création monétaire l’emportent sur les opérations de destruction, la masse monétaire en circulation s’accroît et inversement.
Les limites au pouvoir de création monétaire des banques de second rang
Le pouvoir de création monétaire des banques, exercé lors de chaque octroi de crédit, se heurte à une double contrainte. D’une part, une partie du crédit alloué est demandée sous la forme de billets. Ne disposant pas du pouvoir d’émission des billets, dévolu à la banque centrale, la banque doit se refinancer auprès de cette dernière et lui emprunter le montant correspondant. Les billets émis sont donc au passif de la banque centrale et les prêts octroyés aux banques à son actif. En contrôlant le volume et le prix du refinancement, la banque centrale contrôle indirectement la création monétaire. D’autre part, la monnaie scripturale créée au profit d’un emprunteur peut se retrouver, lors d’un paiement, sur le compte d’un bénéficiaire situé dans une autre banque. Cette dernière va donc réclamer à la première le montant correspondant, matérialisé par un virement sur son compte banque centrale. La première banque ne disposant pas du montant requis, elle est contrainte de l’emprunter à une autre banque sur le marché interbancaire. Sur ce marché, les banques se prêtent et s’empruntent chaque jour, sur des durées courtes, le montant du solde, créditeur ou débiteur, issu de la compensation des chèques et virements qu’elles ont eu à traiter.
Les transactions sur le marché interbancaire s’effectuent sous formes de prêts ou emprunts avec ou sans remise de titres en contrepartie, pour une durée généralement très brève et moyennant le versement d’un taux d’intérêt : les transactions sur le marché monétaire ont une durée comprise entre 24 heures et 3 mois, rarement supérieure. Le taux du marché monétaire interbancaire se répercute sur les taux des crédits accordés par les banques à leur clientèle. La plupart des banques sont tantôt prêteuses tantôt emprunteuses sur ce marché ; les règlements entre elles s’effectuent par virements de compte à compte à la banque centrale, pour qui l’opération est neutre. La banque centrale peut intervenir sur le marché monétaire pour apporter (ou plus rarement retirer) de la base monétaire, dans le cadre de ses opérations d’open-market (marché monétaire « ouvert » à la banque centrale).
Le rôle de la banque centrale
La banque centrale peut agir sur la quantité de monnaie en circulation dans l'économie de deux façons. Elle peut tout d’abord obliger les banques à détenir, sous forme de réserves obligatoires (dépôt sur leur compte banque centrale), une fraction des dépôts qu’elles gèrent : en augmentant cette fraction, la banque centrale limite la quantité de crédits que les banques peuvent accorder. Elle peut également agir en faisant varier les liquidités disponibles sur le marché monétaire (en modulant son offre de monnaie centrale) ainsi que la rémunération qu'elle demande aux banques pour leur en fournir. Cette rémunération correspond au taux directeur : plus il est élevé et plus il devient coûteux pour une banque de se refinancer. Cela peut avoir deux effets : amener la banque à freiner son offre de crédits, d’une part, répercuter le coût de son refinancement sur les crédits qu’elle octroie et décourager ainsi le recours à l’endettement bancaire des agents économiques, d’autre part.
La banque centrale est garante de la confiance accordée à la monnaie qu’elle gère. Elle a pour rôle principal de préserver le pouvoir d’achat de la monnaie, défini par la quantité de biens et services qu’une unité monétaire permet d’acquérir. Sur le plan interne, le pouvoir d’achat de la monnaie varie en fonction du niveau général des prix : l’objectif prioritaire de la politique menée par la BCE est ainsi d’assurer la stabilité des prix. Sur le plan externe, le pouvoir d’achat de la monnaie se mesure par la quantité de devises étrangères (et donc de biens et services achetés à l’étranger) qu’une unité monétaire permet de se procurer : une dépréciation de la monnaie sur le marché des changes correspond à une baisse de son pouvoir d’achat et réciproquement ; la banque centrale peut ainsi être amenée à intervenir sur le marché des changes.
La banque centrale est également garante de la liquidité bancaire : en tant que « prêteur en dernier ressort », elle fournit une sorte d’assurance contre le risque d’illiquidité et de blocage du système financier dans son ensemble. Prêter en dernier ressort consiste à créer de la monnaie centrale pour assurer la liquidité des banques ou encore pour injecter massivement des liquidités sur le marché monétaire afin d’éviter des faillites bancaires en chaîne. Une telle situation résulte en général de prises de risque trop importantes de la part de certaines banques, en raison notamment d’une mauvaise estimation du risque de crédit (fiche 4.2.). Ce rôle de prêteur en dernier ressort ne doit pas être confondu avec les interventions habituelles de la banque centrale évoquées ci-dessus dans le cadre du refinancement des banques sur le marché monétaire. Il intervient lorsque la situation de trésorerie d’une banque est telle qu’elle ne parvient plus à emprunter auprès des autres banques sur le marché interbancaire. Durant la crise de confiance de l’été 2007, lorsque les banques refusaient de se prêter de la monnaie centrale, y compris sur des durées très courtes, la Banque centrale européenne fut contrainte d’intervenir tous les jours pour apporter, sous forme de prêts à 24 heures, environ 200 milliards d’euros, montants que les banques s’échangeaient entre elles quotidiennement avant la crise de liquidités et « l’assèchement » du marché monétaire.
Ressources et activités pédagogiques proposées
Masse monétaire et base monétaire
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Vous pouvez télécharger l'intégralité de cette note de l'éducation nationale ici.
http://media.eduscol.education.fr/file/SES/85/6/LyceeGT_Ressources_SES_1_eco_4-3_Creation_de_monnaie_185856.pdf
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Il faut en plus rappeller que chaque réseau bancaire "monétise" (c'est-à-dire "crée la monnaie de..") ses dépenses tels ses achats pour comptes propre, frais généraux, salaires, etc, et édémonétise" ses recettes (remboursement de prêts, paiements des intérêts, honoraires, ventes d'actifs ...)
Il faut aussi rappeller que chaque réseau bancaire est tenu par un certain nombre de régles et d'obligations :
1 - maintient d'un compte de réserves obligatoires, en banque centrale (en monnaie centrale et non pas en monnaie secondaire), correspondant à un certain pourcentage des dépôts et épargne de ses clients (c'est 1% actuellement en zone euro) : attention, il ne s'agit en aucun cas de transfert d'une partie des dépôts... ceux ci sont juste une base de calcul.
2 - l'obligation de fournir sur demande (et bien que les banques se fassent "tirer l'oreille" sur cette obligation) le montant des dépôts en billets de banque centrale (monnaie qu'elles ne peuvent fabriquer). On considère que ces demandes représentent environ, suivant le lieu et l'époque de l'année, environ 13 % des dépôts.
3 - les obligations issues des accords de Bâle (Bâle III) lui font obligation de détenir au moins 8% de fonds propres rapporté au montant des crédits qu'il accorde.
Enfin, il ne faut pas oublier que :
- chaque réseau bancaire va devoir compenser les différences de sa part de marché de dépôts et de sa part de marché de crédit par rapport à ses concurrents (Keynes disait "il faut que les banques marchent au même pas) ... et ces compensations sont en "monnaie centrale" puisque les banques n'acceptent pas entre elles la monnaie de leurs concurrentes (pour le développement de cette notion, voir le lien déjà cité
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