Qui se souvient de Sabra et Chatila ?
Il y a 30 ans, Les milices chrétiennes phalangistes, shootées à la haine, et encadrées par Israël, entraient dans les camps palestiniens du Liban, à Sabra et Chatila, pour y perpétrer une méthodique boucherie, où n'ont été épargnés ni les enfants, ni les femmes, ni même les animaux, hormis les mouches de mort qui affluèrent en grand nombre, ce jour-là ! Et qui s’en donnèrent à cœur joie, des jours durant, puisqu’il ne fallait pas déplacer les cadavres, afin de permettre aux enquêteurs de l’ONU de venir constater. Juste constater.
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Plus personne n'en parle, comme s'il était juste question d’un banal abattage rituel de moutons sacrificiels, comme il s’en pratique ordinairement dans ces contrées.
Plus personne n'en parle, même de la façon la plus formelle, celle habituelle des pays arabes, qui commémorent tant d’évènements, juste pour la galerie, juste pour la forme, dans l'indifférence générale.
Ils n'en parlent plus, et n'y attachent plus la moindre importance, serait-ce pour faire semblant, parce que d'autres carnages ont fait oublier celui-ci, et l'ont noyé sous des flots de sang et de larmes.
Les bouchers planétaires sont entrés dans une phase fébrile, quasi-industrielle, stakhanoviste en diable. Ils ont innondé la mémoire des massacres par de plus grandes hécatombes. On devrait pouvoir inventer un mot, et dire myriatombes.
Désormais, les massacres de populations entières ne choquent presque plus, comme s’ils répondaient à une logique consumériste, à l’air du temps. Il n’y a plus de raison de se priver, ni se refréner. Là où il y a de la gêne, il n’y a plus de plaisir. Surtout lorsque les victimes expiatoires ne savent rien faire d’autre que bêler. Les bouchers n’ont pas plus de complexe que leurs victimes n’ont d’importance.
Nos peuples sont devenus une matière première sans autre consistance que celle du sang et de la chair, dont les officiants prélèvent ce qui leur est nécessaire, pour jouer au Monopoly planétaire qui se déroule entre grands stratèges. Nous ne sommes rien d'autre que des chiffres vertigineux, de plus en plus insignifiants, qui s'alignent et surenchérissent. Les carnages qui sont faits de nous se sont tellement banalisés, et multipliés, qu'ils n'ont plus droit aux prime-time des TV, ni aux Unes et aux manchettes des journaux. A peine quelques bribes en passant, entre le télé-achat et le réality-show, ou de minces entrefilets dans le fouillis des pages intérieures, en compagnie des chiens écrasés.
Au rythme où ça va, nous n'aurons bientôt plus du tout besoin de commémorer les anniversaires de ce qui nous est infligé, puisque chaque jour de l'année sera l'anniversaire d'un carnage qui a eu lieu quelque part. La comptabilité macabre ne sera plus d'aucun intérêt, puisque trop d'infos tuent l'info, et trop de massacres standardisent les massacres. Ils les vident du moindre intérêt.
Nous n'aurons très bientôt plus qu'à ravaler nos larmes et nos cris de rage, pour tous nos frères qui sont passés à la moulinette du Monopoly planétaire, puisque nous savons que notre tour viendra aussi, et que nous passerons, nous aussi, au caniveau de l'oubli et de l'indifférence, comme le sang de tous les moutons qui sont égorgés chaque jour dans les abattoirs. Pourquoi devrait-il y avoir une différence entre des moutons et d'autres. Des moutons, ça reste des moutons ! Qu’ils bêlent très fort, à en attraper une extinction de bêlement n’y changera rien. Et si d’aventure il leur venait l’idée de se défendre, quelle drôle d’idée, alors ils seront traités de tous les noms de takfiristes, d’islamistes et de dangereux terroristes. Et leurs bouchers deviendraient tout aussitôt des combattants de lumière, des remparts contre la barbarie islamiste. Les Sissi et les Bachar seraient auréolés de triomphales couronnes de balles explosives, et nimbés de fumets qui sentent la moutarde, pour stimuler les appétits rageurs des foules qui se bousculent devant les barbecues géants.
D.Benchenouf
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