Qui sont les séditieux
Ainsi donc, les séditieux seraient de retour !
Et les séditieux seraient, selon le pouvoir, extrêmement faciles à reconnaitre puisqu’ils défileraient en gilets jaunes sur les Champs Elysées, se répandant telle une peste brune, telle une foule pétroleuse incendiant tout sur son passage, créant parait-il jusqu’à un paysage de guerre en plein cœur de Paris.
L’outrance de l’accusation suffit amplement à en démontrer le caractère fallacieux. Les faits sont autres. Il y a eu des casseurs certes, mais comme dans de nombreuses manifestations récentes, ceux-ci profitant à l’évidence de la présence de la foule et de consignes policières complexes pour briser ce qu’ils pouvaient briser et bruler ce qu’ils pouvaient bruler. Ces agissements, commis par des individus isolés ou des groupes ultra minoritaires mêlés à un cortège nombreux des gilets jaunes en colère, ne sauraient suffire, loin s’en faut, à caractériser une sédition.
Etre séditieux, au sens propre du terme, cela ne signifie en effet pas uniquement s’insurger contre le pouvoir. Etre séditieux, c’est avant tout réclamer par la force la rupture de tout lien avec l’ordre existant. Or le mouvement des gilets jaunes exige exactement l’inverse, puisqu’il proteste contre une situation d’oubli, d’abandon et d’exclusion.
Etre qualifié de séditieux contient de plus, en France, une lourde charge symbolique renvoyant au temps des ligues attaquant le principe même du régime parlementaire.
Or sur ce point encore le mouvement des gilets jaunes ne relève pas de la sédition. Contrairement à ce que certains tentent de proclamer, les violences du samedi 24 novembre 2018 ne constituent en rien un phénomène comparable par sa forme ou son esprit aux événements du 6 février 1934. Les gilets jaunes ne revendiquent aucunement la mise à bas de la république, mais son redressement, car ils considèrent que la démocratie se trouve aujourd’hui asservie par un système politique à la dérive. Ce sentiment s’avère largement ancré en France, comme le prouvent les très forts taux de l’abstention aux diverses élections. Toutes les enquêtes d’opinion le confirment. Un immense rejet frappe le monde politique, les media, ou ce qui ressemble un tant soit peu à une élite. Mais ce rejet, qualifié à tort et à travers de « populiste », n’a rien à voir avec celui des factieux des années 30. Le rejet actuel repose sur la conviction que les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, sont totalement dévoyés par ceux qui en ont la garde. Ce n’est pas la démocratie qui se trouve dénoncée, mais une pratique haute et hautaine du pouvoir.
Pour y répondre, nos dirigeants en sont malheureusement réduits à s’efforcer, vaille que vaille, de développer une logorrhée répétant les discours antifascistes d’avant-guerre, afin en premier lieu de chercher à diaboliser la contestation, mais aussi parce qu’ils n’arrivent plus à élaborer une pensée neuve face à un phénomène nouveau. Alors, ils se réfugient dans les idées du passé et les agitent en espérant qu’elles finissent par reprendre vie. Cela les conduit à lancer de vieux slogans à la figure des français, au lieu de s’évertuer à répondre à leurs préoccupations. Mais en agissant de la sorte, les gouvernants prennent le risque grave de faire encore d’avantage sécession d’avec la réalité. Se croyant fins politiciens, ils calomnient sans être crus, énervent au lieu de rassembler. Se croyant clairvoyants, ils dénoncent des dangers qui n’existent plus et se font aveugles et sourds devant les vrais périls qui se dressent.
Ils s’enferment en dehors du monde. Dès lors le monde entier leur apparait peuplé d’affreux séditieux.
Aujourd’hui, en France, les seules forces séditieuses qui menacent réellement de rompre avec le pouvoir en place s’appellent les forces de la réalité.
Olivier Barrat
1 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON