Qui sont les vrais « privilégiés » ? Les petits fonctionnaires ou nos « élites » ?
Etre né sous le signe de l'hexagone, ce n'est pas une synécure nous rappelait Renaud dans sa chanson "Hexagone" il y a quarante ans. Rien n'a changé, y compris le manque de courage de nos compatriotes plus à l'aise pour baratiner sur leurs voisins cheminots, profs ou postiers que pour descendre dans la rue et manifester contre un gouvernement de rentiers aux ordres des lois du marché. C'est tellement plus facile de s'en prendre à son prochain plutôt qu'au diable en personne...
Les dernières manifs' de la fonction publique (j'y étais !), étaient maussades à l'image de celles de ce 22 mai 2018. Peu convaincu par les grèves ponctuelles, votre narrateur a participé à un défilé assez convenu. Age moyen des participants : 55 ans. Nombre de manifestants : peu élevé. Réaction des passants à Chartres (28) : "marre de vos défilés... déjà qu'on peut pas circuler en bagnole sur la voie piétonne..." (la manif traversait le centre-ville piéton où le type n'avait, en principe, rien à faire avec son Audi). Pourtant, les fonctionnaires présents, censés être privilégiés donc membre d'une aristocratie, ne vivent pas en hôtel particulier ou en maison de maitre. Beaucoup d'infirmières, de profs, de gens de la territoriale... ces serviteurs d'un état réduit à la portion congrue, chargés malgré tout de faire fonctionner la société et de panser les plaies causées par l'ultra-libéralisme triomphant. Quant aux "privilèges"... Il serait bon d'en repasser la définition du dictionnaire Larousse.
Le jeune crétin flanqué de sa bagnole, qui se fiche des règles de vie collective (rouler sur un espace piéton) et qui néglige les transports en commun, est hélas représentatif de l'air ambiant inculqué par nos grands médias depuis vingt ans : chacun pour sa gueule. Pourtant le même gugusse râlera quand il attendra six heures aux urgences pour se faire soigner une entorse, quand ses gosses se retrouveront dans des classes-garderies de trente têtes de bétail, quand il patientera trois heures au commissariat pour porter plainte contre le multi-délinquant qui aura pêté les vitres de son Audi pour la sixième fois en deux mois et qui est toujours relâché car il n'y a plus de magistrat pour le juger (et les prisons sont surpeuplées). Le même va gueuler parce que les routes sont mal entretenues, les bureaux de poste de plus en plus rares et il va devoir présenter une voiture propre et entretenue au nouveau contrôle technique sous peine d'être recalé (il n'apprécie pas les transports en commun donc il se ruine à entretenir une bagnole). Tous des tocards tous des faux-culs chantait le poète, ou plutôt tous des consommateurs dénationalisés, sans conscience collective, incapables de participer à des luttes collectives pour améliorer le quotidien. Pas tous, mais hélas une certaine majorité...
Oui, la fonction publique, c'est la garantie de l'état de droit, de l'éducation, de la protection des personnes et des biens, du droit aux soins médicaux. Le fonctionnaire, c'est la nation républicaine. Quant aux "privilèges"... Il suffit de comparer avec la situation des nos amis allemands pour comprendre que quelque chose de va pas en Macronie. Salaires et avantages de nos princes élus, résidences de luxe, transport en jet privé et non en TGV-Ouigo avec le peuple, factures énergiques et bouffe à gogo aux frais du contribuable, on est loin, très loin du modeste logement de fonction de l'institutrice d'antan, aux murs en carton-pâte, aujourd'hui aboli. La maitresse d'école doit rendre une partie de son salaire à une agence immobilère pour payer son loyer en région parisienne, contrairement à nos ministres, sénateurs et autres tribuns du peuple des banquiers.
Nos cousins germains sont-ils mieux lôtis ? En terme de respect d'autrui, sans doute. Moins d'incivilités dans les lieux publics, moins de pauvreté, moins de problèmes. Qui a voyagé en Allemagne ces derniers temps peut en témoigner. D'ailleurs le match entre le coût d'entretien de nos princes respectifs en témoigne. Pour rappel, 113 millions pour le gouvernement français contre 36 millions pour Mme Merkel et ses quelques collègues. La retraite à vie pour un député qui a exercé cinq ans et pour un ministre qui a exercé une journée contre quarante-deux ans de côtisation pour un salarié lamba, y compris agent de l'état désormais, hormis les cheminots.
Pour ces derniers, l'Allemagne libérale interdit les licenciements économiques dans les entreprises ferroviaires. Le genre de détail que nos "libéraux" franchouillards oublient de préciser, comme pour beaucoup d'autres choses, tel que le salaire des enseignants allemands par rapport à celui de leurs collègues français.
Vous me direz que c'est le peuple des électeurs qui choisit ses élus, et que l'on a ce que l'on mérite en démocratie... libérale. Certes. L'ennui, c'est que le vote des salariés (publics comme privés) ne cadre pas avec celui du reste de la population, retraités et jeunes (équipés ou non d'une Audi). Si seules les forces vives avaient voté, le deuxième tour de la présidentielle aurait opposé deux "étatistes", Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, avec victoire probable du dernier nommé. D'où la défiance des actifs face à un président-banquier partisan d'une loi du marché qui ne s'encombre ni du patriotisme, ni du droit du travail. Cela donne grèves et manifestations, incompréhension et mépris d'un côté comme de l'autre. Difficile, en outre, pour les radicaux de se coaliser à l'italienne. L'ultra-droite s'est constituée après-guerre sur l'anticommunisme, l'ultra-gauche sur les utopies mondialistes... Il n'y a jamais eu de programme de gouvernement concret dans ces mouvances.
Merci, donc, à ce qui reste du mouvement syndical d'essayer de réveiller les français, autrefois fiers, frondeurs et émeutiers mais aujourd'hui abrutis par trente ans de baratin ultralibéral et anti-étatiste, incapables de se mobiliser sur les questions vitales pour leur avenir, tel que le droit au travail dans la dignité plutôt que l'emploi-contractuel jetable. D'ailleurs, pourquoi ne pas appliquer ce principe à nos oligarques et les remercier sans droit à indemnité ni retraite au bout d'une année ? Charité bien ordonnée commence par soi-même. A M.Macron et ses collègues de montrer l'exemple...
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