Quid des moins-que-rien ?
Avant, c’était il y a peu, sous le règne d’Anaphore 1er doté d’un cerveau binaire le monde était facile à appréhender. Il y avait le camp des méchants, la finance et ses séides qui étaient nos ennemis irréductibles et qu’il fallait combattre avec la dernière énergie et le camp du bien, auquel tout un chacun rêvait d’appartenir. Pour simplifier et par commodité mais aussi fainéantise les commentateurs politiques avaient baptisé le premier la droite et le second la gauche.
Evidemment l’appartenance au deuxième réclamait une exigence morale de chaque instant et une capacité d’empathie exceptionnelle qui usaient rapidement les organismes les plus endurants, aussi fallait-il de temps en temps lever le pied, relâcher la pression.
Il nous était alors autorisé en petit comité de nous moquer des pauvres en les baptisant malicieusement les sans-dents tout en en vérifiant dans le miroir l’état irréprochable de notre denture soumise à des révisions régulières.
L’avènement de Narcisse Macron à bouleversé l’ordre des choses, les deux camps se déchirent et, nombre d’entre eux se mélangent dans une grande partouze idéologique, la pensée si complexe du prince qui nous gouverne, dixit un membre de son entourage, ne peut même plus être rendue dans sa sophistication par la traditionnelle interview du 14 juillet.
Rassurons-nous, si les journalistes qui ont tant chouchouté le candidat sont désormais ignorés, cocufiés, Narcisse n’est pas mutique pour autant et sa métaphore ferroviaire à la Halle Freyssinet devant un parterre d’entrepreneurs a suscité de nombreuses réactions outrées « Une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ».
Ce chœur de vierges effarouchées a la mémoire courte, Macron en bon héritier des Lumières, est investi d’une mission réservée aux élites, guider le peuple ignorant en le réprimandant si nécessaire dès que l’occasion se présente.
Ainsi fit-il remarquer à un ouvrier gréviste sa négligence vestimentaire « Vous n'allez pas me faire peur avec votre T-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler ». Encore s’est-il retenu de lui faire remarquer l’absence d’une Rolex à son poignet compte tenu de cette circonstance atténuante : son contradicteur n’était pas quinquagénaire.
De multiples questions nous taraudent, qui sont ces usagers de la SNCF qui ne sont rien, comment dans un hall de gare peut-on faire preuve du discernement nécessaire afin de séparer le bon grain de l’ivraie, la ‘’rienitude’’ est-elle passagère, pourquoi ce silence sur les moins-que-rien de voisins que nous rencontrons chaque matin ?
Et enfin, parce que l’angoisse commence à nous tenailler, comment sait-on que l’on est rien si l’on n’a pas été diagnostiqué par un membre assermenté de l’élite pratiquant avec expertise le mépris de classe ?
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