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Accueil du site > Tribune Libre > Rabelais, un humaniste du 16ème siècle à redécouvrir...

Rabelais, un humaniste du 16ème siècle à redécouvrir...

Rabelais est un des plus grands écrivains humanistes de la Renaissance, mais, aujourd’hui, qui lit encore ses œuvres ? Il est vrai que la langue du 16ème siècle n’est pas facile d’accès : le vocabulaire, la syntaxe ont beaucoup évolué et lire Rabelais dans le texte original demande un effort certain.

Malgré les difficultés, l’univers rabelaisien n'est-il pas à la fois merveilleux, truculent et riche d’enseignements ? C’est Rabelais lui-même qui nous invite dans la préface du Gargantua à découvrir sous les apparences bouffonnes de son œuvre ce qu’il appelle « la substantifique moëlle » la moelle qui nourrit c’est-à-dire les messages secrets et mystérieux contenus dans ses romans.

Rabelais nous plonge bel et bien dans un monde plein de fantaisie, de bonne humeur puisqu’il met en scène des géants sympathiques à l’appétit démesuré : Gargantua, fils de Grandgousier et de Gargamelle est un de ces géants dont on suit la naissance, l’éducation, les exploits guerriers. Les noms des personnages renvoient, bien sûr, à leur appétit démesuré, Gargamelle désignant "la gorge " qui engloutit la nourriture, le terme Gargantua évoquant une phrase prononcée par son père à la naissance de l’enfant : " Que grand tu as le gosier…"

Ces géants pleins de vitalité, d’énergie aiment la vie, la bonne chère, le vin qui réchauffe les corps et les cœurs. La nourriture devient même chez Rabelais une métaphore de la connaissance : si les géants s’empiffrent, c’est aussi de savoir, de culture, notion fondamentale pour les humanistes… la culture permettant l’épanouissement de l’individu, l’ouverture sur les autres.

L’éducation est ainsi un thème fondamental dans l’œuvre rabelaisienne, elle occupe une large place dans le Pantagruel, le Gargantua, les deux premiers romans écrits par Rabelais. Il s’agit de former l’élève dans une culture classique, de retrouver les humanités grecques et latines, de donner à l’enfant un esprit critique en lui offrant le maximum de connaissances, aussi bien scientifiques que littéraires…Voilà un programme ambitieux et généreux !

L’humaniste qu’est Rabelais se soucie bien du bonheur de l’homme : il fait l’éloge de la culture libératrice mais dénonce aussi les guerres de conquête violentes et inutiles. Le conquérant belliqueux et stupide est ainsi représenté par l’épouvantable personnage de Picrochole, au nom révélateur : il est l’image de la « bile amère « ,de la « mauvaise colère ». Il n’hésite pas à envahir le pays voisin de Grandgousier pour agrandir son territoire.. Mais il est arrêté par un héros invincible, un moine progressiste au grand cœur, libéral dans ses pratiques religieuses, un batailleur à la force démesurée : Frère Jean des Entommeures. L’homme d’église se transforme alors en homme de guerre, un massacreur à toutes mains, il utilise même le bâton de la croix comme une arme de guerre !! et il parvient ainsi à décimer toute l’armée des ennemis qui attaque son abbaye !

Et bien sûr, Frère Jean se bat surtout pour sauver la vigne, la promesse de vin nouveau, symbole de joie, de vie, de bonheur mais aussi et encore de connaissances…

Cette page célèbre du Gargantua donne l’occasion à Rabelais de se livrer à une véritable parodie d’épopée, burlesque, incroyable..

En tout cas la dénonciation de la guerre est bien présente : les actes sont violents, les personnages impitoyables, Rabelais nous montre que la guerre déshumanise l’homme…

Enfin, on ne peut parler de Rabelais sans évoquer son style : quelle verve inimitable ! quel bonheur de lire la prose de cet auteur, si riche de mots expressifs !

Rabelais pratique à merveille l’énumération, l‘accumulation. La langue du 16ème siècle est pleine de truculence, de saveur, les mots sont crus parfois, ils peuvent surprendre ou choquer le lecteur mais ils sont amusants, pittoresques. Le comique de Rabelais est énorme, comme le sont les géants qu’il évoque dans ses romans, un comique grossier parfois mais aussi plein de subtilité, de finesse et qui révèle la culture de cet auteur humaniste, passionné de savoir.

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22 réactions à cet article    


  • Georges Yang 13 octobre 2012 10:32

    Torche-cul et femmes folles de la messe !

    Rabelais paillard aime le vin, les femmes, la bonne chère, ennemi de la bigoterie

    Il aurait pu écrire « Jouissance sans conscience n’est que ruine de l’âme »


    • rosemar rosemar 13 octobre 2012 10:46

      Bonjour Georges


      certes mais il ne faut pas réduire Rabelais au torche cul :son oeuvre contient bien des messages humanistes ...il dénonce aussi l’univers fermé des monastères de son temps ,les moines qui ne pensent qu’à prier et qui en oublient les réalités...
      Frère Jean des Entommeures ,c’est un peu l’image de Rabelais lui même....

    • Georges Yang 13 octobre 2012 11:13

      Tout à fait d’accord, Gargantua est avant tout un conte philosophique qu’il ne faut pas lire avec les yeux de l’enfance tout comme les Voyages de Gulliver


    • noodles 13 octobre 2012 11:36

      Je revendique d’avoir dit que le TSG ferait un excellent torchecul...hihi


    • rosemar rosemar 13 octobre 2012 11:41

      Excellent ,noodles ! J’approuve....


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 octobre 2012 11:39

      L’ érection permanente de la joie de vivre l’ Alcofribas ..... smiley


      • rosemar rosemar 13 octobre 2012 11:52

        Bonjour rocla 


        un peu de bonne humeur ,du rire ,voilà qui fait du bien :« Pour ce que rire est le propre de l’homme »comme le disait maître Alcofribas Nasier....

      • Taverne Taverne 13 octobre 2012 12:30

        Merci Rosemar pour ce rappel salutaire de la littérature du 16ème. Pour ceux qui hésitent à se plonger dans la lecture de l’oeuvre, voici une vidéo où des comédiens célèbres lisent de savoureux extraits de Gargantua. J’y ai mis des images pour illustrer. Si vous n’en sortez pas tout réjoui, c’est que vous avez la jaunisse ! smiley

        Lien vers Gargantua


        • rosemar rosemar 13 octobre 2012 14:55

          Merci Taverne pour ce lien précieux ... 


          bonne journée

        • focalix focalix 13 octobre 2012 13:22

          Relisez Rabelais.
          Même si vous l’avez déjà lu.


          • rosemar rosemar 13 octobre 2012 14:58

            Bon conseil focalix :on n’a pas fini de découvrir Rabelais ....

            Les ouvrages les plus connus sont le Pantagruel et Gargantua mais on peut lire aussi le tiers livre ,le quart livre et le cinquième....
            belle journée

          • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 octobre 2012 14:51

            On peut rire de tout sauf des oignons  !


            • rosemar rosemar 13 octobre 2012 14:59

              Quels oignons ??


            • rosemar rosemar 13 octobre 2012 15:00

              Ah oui bien sûr rocla ....

              merci pour ce bon mot !

            • Richard Schneider Richard Schneider 13 octobre 2012 16:59

              (Re)nonjour Rosemar,

              Bien que je n’aie pas grand-chose à dire de votre article, je ne puis résister à mon envie de vous féliciter de l’avoir écrit. Il est très utile, par les temps qui courent, de relire quelques pages de Rabelais - l’U.E est loin de l’abbaye de Thélème !

              • rosemar rosemar 13 octobre 2012 17:28

                L’abbaye de Thélème :un idéal difficile à atteindre ....


                Merci pour ce message Richard

              • Isis-Bastet Isis-Bastet 13 octobre 2012 17:04

                Bel hommage à ce grand humaniste amateur de la « dive bouteille ».


                • rosemar rosemar 13 octobre 2012 17:29

                  Bonsoir Isis 

                  l’oracle de la dive bouteille ...voilà qui donne encore envie de relire cet auteur...

                • Marianne Marianne 13 octobre 2012 17:14

                  Merci pour l’article que je partage. Oui quel bonheur de lire Rabelais et les truculence de notre langue. En mémoire de lui et de sa « substantifique mouelle », je suis une inconditionnelle de la prononciation « mouelle » et « pouelle », qu’ont aussi adoptée mes enfants.


                  Au fait, qu’est devenu notre ami Rabelais sur Agoravox ?

                  Il faut surtout lire les textes originaux !

                   Beuveurs tresillustres & vous Verolez tresprecieux (car à vous non à aultres sont dediez mes escriptz) Alcibiades en un dialoge de Platon, intitulé Le banquet, louant son precepteur Socrates sans controverse prince des philosophes : entre aultres paroles le dict estre semblable es Silènes. Silènes estoyent iadis petites boites telles que voyons de present es bouticqs des apothecaires, pinctes au dessus de figures ioyeuses et frivoles, comme de Harpies, Satyres, oysons bridez, lievres cornuz, canes bastées, boucqs volans, cerfz limonniers, & aultres telles pinctures contrefaictes à plaisir pour exciter le monde à rire. Quel fut Silène maistre du bon Bacchus. Mais au dedans l’on reservoit les fines drogues, comme Baulme, Ambre gris, Amomon, Musc, zivette, pierreries, et aultres choses precieuses. Tel disoit estre Socrates : parce que le voyans au dehors, & l’estimans par l’exteriore apparence, n’en eussiez donné un coupeau d’oignon : tant laid il estoit de corps & ridicule en son maintien, le nez pointu, le reguard d’un taureau : le visaige d’un fol : simple en meurs, rusticq en vestemens, pauvre de fortune, infortuné en femmes, inepte à tous offices de la republicque : tousiours riant, tousiours beuvant à un chascun, tousiours se guabelant, tousiours dissimulant son divin sçavoir. Mais ouvrans ceste boite, eussiez au dedans trouvé une celeste & impreciable drogue : entendement plus que humain, vertu merveilleuse, couraige invincible, sobresse non pareille, contentement certain, asseurance parfaicte, desprivement incroyable de tout ce pourquoy les humains tant veiglent, courent, travaillent, navigent & bataillent. 
                    A quel propos, en vostre advis, tend ce prelude, & coup d’essay ? Par autant que vous mes bons disciples, & quelques aultres folz de seiour lisans les ioyeux tiltres d’aulcuns livres de nostre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinthe, La dignité des braguettes, Des poys au lard cum commento etc, iugez trop facilement ne estre au dedans traicté que mocqueries, folateries, & menteries ioyeuses : veu que que l’enseigne exteriore (c’est le tiltre) sans plus avant enquerir, est communément repceu à derision & gaudisserie. Mais par telle legiereté ne convient estimer les oeuvres des humains. Car vo’ mesmes dictes, que l’habit ne faict point le moine : & tel est vestu d’habit monachal, qui au dedans n’est rien moins que moyne : & tel vestu de cappe hispanole, qui en son couraige nullement affiert à Hispane. C’est pourquoy fault ouvrir le livre : et soigneusement peser ce qui y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien d’aultre valeur, que ne promettoit la boitte. C’est à dire que les matieres icy traictées ne sont tant folastres, comme le tiltre au dessus pretendoit. Et posé le cas, qu’on sens literal trouvez matières assez ioyeuses & bien correspondentes au nom, toutesfois pas demourer là ne fault, comme au chant des Sirènes : ains à plus hault sens interpreter ce que par adventure cuidiez dict en guaieté de cueur. 
                    Crochetastes vo’ oncques bouteilles ? Caisgne. Redvisez à memoire la contenence qu’aviez. Mais veistez vo’ oncques chien rencontrant quelque os medullare ? C’est comme dict Platon li. 2 de rep. la beste du monde plus philosophe. Si veu l’avez : vo’ avez peu noter de quelle devotion il le guette : de quel soing il le guarde : de quel ferveur il le tient : de quelle prudence il l’entomne : de quelle affection il le brise : et de quelle diligence il le sugce. Qui l’induict à ce faire ? Quel est l’espoir de son estude ? quel bien y pretend il ? Rien plus qu’un peu de mouelle. Vray est que ce peu, plus est delicieux que le beaucoup de toutes aultres pour ce que la mouelle est aliment elabouré à perfection de nature, comme dict Galen 3. facu. natural. & 11. de usu particu. A l’exemple d’icelluy vo’ convient estre saiges pour fleurer sentir & estimer ces beaux livres de haulte gresse, legiers au prochaz : & hardiz à la rencontre. Puis pour curieuse leczon, & meditation frequente rompre l’os, & sugcer la substantificque mouelle.


                  • rosemar rosemar 13 octobre 2012 17:26

                    Merci Marianne pour ce message :je vois qu’on lit encore Rabelais ,qu’on l’apprécie ...


                    Bonnes lectures à tous

                  • rosemar rosemar 13 octobre 2012 17:24
                     Voici un exemple de la verve de Rabelais :ce sont des insultes prononcées par des marchands de « fouaces » ou galettes :
                    « limes sourdes, faineants, friandeaux, bustarins, talvassiers, rien ne vaulx, rustres, challans, hapelopins, trainneguainnes, gentils flocquets, copieux, landores, malotrus, dendins, baugears, tezez, gaubregeux, gogueluz, claquedans, bouviers d’etrons, bergers de merde, et autres tels epithetes diffamatoires » GARGANTUA chapitre 25

                    • ricoxy ricoxy 13 octobre 2012 21:37

                      « L’homme d’église se transforme alors en homme de guerre, un massacreur à toutes mains, il utilise même le bâton de la croix comme une arme de guerre !! et il parvient ainsi à décimer toute l’armée des ennemis qui attaque son abbaye !  »

                      Ah, ce serait une bonne chose qu’un nouveau Frère Jean vienne sauver la situation de la France.

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