Raccourcir le congé parental pour pousser les parents à mieux le partager : une fausse bonne idée !
Faut-il encourager les pères à passer plus de temps avec leurs enfants ? Certes oui. Est-ce positif que des pères choisissent de prendre quelques mois ou même trois années pour s’occuper de leurs enfants en bas âge ? S’ils le souhaitent, bien sûr.
Alors pourquoi tant de mobilisation sur Internet contre le projet de loi du gouvernement qui vise à inciter les pères à prendre une partie du congé parental ?
Tout simplement parce que la mesure envisagée est incohérente : le gouvernement propose de raccourcir le versement de l’allocation de congé parental (CLCA) pour les familles dans lesquels les parents n’accepteront pas de rester chacun à leur tour pendant 6 mois à la maison pour s’occuper de leurs enfants.
Il ne s’agit pas ici de donner la moindre incitation aux pères mais bien de « punir » les familles qui ne se comporteraient pas de façon suffisamment « égalitaire » aux yeux de l’Etat.
Plus de 26.000 parents ont signé la pétition s’opposant au raccourcissement du congé parental. De nombreuses associations (UNAF, Union des Familles en Europe, Mouvement Mondial des Mères, Jumeaux et Plus ,…) se mobilisent contre ce projet de loi.
La première des raisons est que les familles souhaitent s’organiser en toute liberté. Il n’est pas simple de concilier vie familiale et vie professionnelle. Le congé parental est une souplesse donné aux familles qui en ont besoin. Rappelons que l’allocation versée (388 € par mois) est très faible et coûte à l’Etat beaucoup moins que les subventions versées aux familles qui font garder leurs enfants par une assistante maternelle ou en rèche.
Mais il y a bien d’autres raisons de s’opposer à ce projet de loi.
Une étude de la DREES de janvier 2010 indique en effet que 40% des parents qui bénéficient de l’allocation de CLCA n’ont pas de travail fixe : ils étaient avant le congé parental en CDD, en intérim ou au chômage. Comment imaginer que le 2ème parent prenne à son tour 6 mois de congé parental si le 1er parent n’est pas assuré d’avoir un emploi pendant ce temps-là ?
Même si de nombreuses raisons conduisent des parents à faire le choix du congé parental, l’aspect économique est toujours pris en compte : une étude de la CAF (Caisse d’allocations familiales) de janvier 2013 indique que les femmes en congé parental à plein temps avaient avant ce congé un salaire mensuel moyen de 783 €. Ce sont donc des femmes modestes ou très modestes. Dans 79% des cas, leur conjoint gagne mieux ou beaucoup mieux sa vie. On comprend aisément que ces familles ne pourront pas se passer du revenu principal de leur foyer et que la probabilité que le père prenne à son tour un congé parental est très faible.
Dans un certain nombre de famille, l’un des deux parents a un métier qui complique ou interdit de prendre un congé parental : artisan, commerçant, agriculteur, profession libérale, chef d’entreprise, frontalier,… Impossible d’imaginer que ces parents puissent prendre 6 mois de congé parental quel que soit leur désir de le faire.
Que feront alors les parents lorsqu’ils se verront privés de l’allocation de CLCA aux 2 ans et demi de leur enfant ? Difficile d’imaginer qu’ils trouveront tous un mode de garde, surtout lorsqu’on sait que l’une des raisons de prendre un congé parental est l’absence de mode de garde disponible (dans 30% des cas) et que l’on imagine bien que les crèches et les assistantes maternelles ne prendront pas en priorité des enfants pour quelques mois seulement.
Cette réforme n’est pas adaptée aux besoins des familles. Nombre d’entre elles se trouveront sans solution aux deux ans et demi de leur enfant et dans l’immense majorité des cas c’est les mères qui en pâtiront.
Alors, pendant qu’il en est encore temps, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les députés, abandonnez ce projet de réforme du congé parental .
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