Rachat de Twitter par Elon Musk : pourquoi les milliardaires prennent le contrôle des médias ?
Nouveau coup de tonnerre dans les tractations entre Twitter et Elon Munsk. Le multimilliardaire vient de demander un rabais de 25% sur les 44 milliards de dollars proposés pour racheter la plateforme. Il justifie cette nouvelle offre par le nombre trop important de faux comptes sur le réseau social, correspondant selon lui à un quart des profils existants.
Cette histoire rocambolesque commence le 25 avril dernier quand Elon Musk, à la tête de l’entreprise aérospatiale SpaceX et du constructeur automobile TESLA, annonçait le rachat de Twitter valorisée à 44 milliards de dollars. Quand on connait les critiques que l’homme le plus riche du monde adressait envers le réseau social il y a encore quelques semaines, la décision peut surprendre. Et pourtant, le milliardaire justifie ses motivations à reprendre l’entreprise :
« Étant donné que Twitter fait office de place publique de facto, le non-respect des principes de la liberté d'expression nuit fondamentalement à la démocratie. »
Le rachat est suspendu depuis qu’Elon Musk est en conflit avec Twitter autour de la façon de déterminer le nombre de faux comptes et sa nouvelle offre rabotée ne risque pas de débloquer la situation. Le milliardaire faisait depuis longtemps de nombreux reproches au réseau social, notamment concernant le peu de liberté d’expression pour des opinions issues du camps conservateur. Les signalements pour « désinformation » pour stopper des idées divergentes sur la crise du Covid, les dérives du mouvement Black Lives Matter ou encore le scandale de l’ordinateur de Hunter Biden n’ont fait que conforter ce constat. L’exemple le plus fameux fut la fermeture du compte de l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump.
Depuis l’annonce de ce rachat, l’opinion publique est profondément divisée : beaucoup des personnes suivant sur les réseaux sociaux le milliardaire populaire, attirées par ses opinions bien opposées aux discours habituels des stars et médias « woke », soutiennent Elon Musk dans cette volonté de dédiabolisation et de défense de la libre parole. Mais pour d’autres, la remise en cause de la politique de censure risque d’accroître le risque de discours extrêmes et de désinformation.
On peut noter l’attitude paradoxale des détracteurs d’Elon Musk qui semblent bien silencieux quand il s’agit de critiquer Mark Zuckerberg qui par son groupe Meta détient Facebook, Instagram et WhatsApp. D’autant plus que ce dernier a été convaincu en 2018 lors du scandale du Cambridge Analytica d’avoir utilisé sans leurs consentements les données d’utilisateurs de Facebook à des fins de propagande politique.
Les réseaux sociaux, et surtout Twitter, ont de nos jours un rôle clé dans la diffusion de l’actualité. Il est donc normal de vouloir établir des garanties sur l’indépendance de ces nouveaux acteurs de l’information. Mais il faut alors se montrer d’autant plus scrupuleux concernant les médias qui tombent au fur et à mesure dans l’escarcelle des grandes fortunes, remettant fortement en cause l’indépendance de la presse.
L’exemple américain : une presse dans les mains le plus riches
Aux Etats-Unis, le rachat de la presse par des milliardaires est assez commun. Pour autant Jeff Bezos en s’emparant du Washington Post en 2013 avait surpris l’opinion. Endetté et ayant perdu sa valeur en Bourse, le célèbre journal n’attirait plus les lecteurs. Dans sa première lettre adressée aux salariés de la rédaction, Jeff Bezos expliquait sa volonté de « vouloir inventer, et donc expérimenter », tout en assurant préserver la neutralité du média. Un ton rassurant qui aura au moins convaincu l’équipe de direction de rester à la tête du journal.
Quelques mois après, en octobre 2013, c’était au milliardaire John Henry de s’offrir le Boston Globe pour la modique somme de 70 millions de dollars.
Quand le New York Times publiait en 2016 un article critiquant le pouvoir que les milliardaires exercent sur les entreprises de médias, le nom de Carlos Slim Helu n’apparaissait pas, alors qu’il en est l’actionnaire le plus important. C’est aussi le cas du Las Vegas Review Journal, racheté par Sheldon Adelson en 2014. Depuis, le journal se montre beaucoup moins critique envers le propriétaire de casinos.
Le rachat de la presse aux Etats-Unis semble être un moyen pour ces milliardaires d’exercer leur influence ou du moins de se préserver des attaques. La France n’est d’ailleurs pas en reste concernant ces mariages douteux entre le capitalisme effréné et la volonté d’indépendance de la presse.
Une presse française de plus en plus consanguine
Dans le monde des magnats de la presse française au moins trois noms sont incontournables. Pour commencer Bernard Arnault qui n’est plus à présenter. Faisant partie des 3 hommes les plus riches du monde, le polytechnicien est notamment le propriétaire et actionnaire principal du géant LVMH. Ses affaires ne se limitent pas au monde du luxe puisqu’il est actionnaire chez Les Échos, Investir, Le Parisien, Radio Classique, le Monde de la musique et la revue Connaissance des arts. Cette place dans la presse française semble moins déclencher de critiques que celle de Vincent Bolloré.
Avant tout connu en tant qu’actionnaire majoritaire de Vivendi et du groupe Canal Plus, Vincent Bolloré essuie de nombreuses critiques dans sa gestion de la chaîne C-News. Il est reproché au magnat breton de mettre en avant des idées et personnalités d’extrême droite. Son influence en se limite pas qu’à la télévision puisqu’en rachetant Prisma en décembre 2020, il s’est emparé de journaux majeurs comme Géo, Voici, Capital ainsi que Gala et Femme Actuelle. Un empire colossal avec un nombre de concurrents de plus en plus réduit. A l’instar de Bernard Arnault il a été convoqué devant le Sénat pour discuter du paysage audiovisuel car cette concentration des médias inquiète grandement les autorités.
Xavier Niel n’est pas en reste, le patron de l’opérateur télécom Free est l’un des acteurs essentiels de la presse française. Il est actionnaire du groupe Le Monde, mais aussi de Télérama, la Vie catholique, Atlantico, le Nouvel Observateur, Rue 89, ou encore le très influent Médiapart. C’est sans oublier sa participation dans la société de production Mediawan qui produit des émissions comme C dans l’air ou C à vous. Cette place dans la presse est loin de faire l’unanimité. Il y a quelques mois il a été reconduit à la porte par le PDG de La Provence alors qu’il venait assister à une rencontre avec les salariés de la société. Cet incident est dû au rachat du journal méridional dont Niel serait l’un des potentiels acquéreurs, au grand dam d’une partie des employés.
Il faut donc se garder d’une indignation à sens unique mais plutôt se poser de réelles questions sur les motivations de telles opérations financières, ainsi que sur les garanties données par les acheteurs. Le possible rachat de Twitter par Elon Musk s’inscrit dans l’air du temps, et symbolise le rôle désormais incontournable des réseaux sociaux dans l’information.
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