Radio Londres
En cette période de délire pseudo-démocratique, d’overdose létale de sondages et d’ineffables mièvreries électorales, j’ai les dents qui saignent.
Avant toute chose et à titre d’avertissement, ma réflexion ne se pose pas dans une opinion de gauche ou de droite mais dans un constat auquel nous sommes requis de porter attention, en notre qualité de citoyen d’une République au bord de la crise de nerfs.
Je suis une femme de nationalité française âgée de plus de dix-huit ans et à ce titre, détentrice d’une carte électorale que j’utilise. Je cotise, je paie mes impôts, mon loyer, mes factures, le médecin non conventionné, la pension alimentaire du gosse, la formule Zen me permettant d’être à découvert à la banque, ma place de parking, la taxe d’ordures ménagères, l’assurance de ma bagnole, celle de mon appart… Je n’ai jamais été condamnée, je n’ai pas de dette et je respecte le Code de la Route en voiture et à vélo (pour ce dernier point, je mériterais la Légion d’Honneur). J’ai suis juriste depuis plus de quinze ans et connais donc les responsabilités, la conscience professionnelle et l’obligation d’être corvéable.
Je me sens donc légitime à me penser une bonne citoyenne.
Mais voilà, bien que mon environnement social me porte à m’intéresser à la vie publique de mon pays, je ne me sens plus concernée par aucun lévrier politique sur la ligne de départ, par aucun discours s’efforçant de me persuader de déposer mes intérêts citoyens entre des mains expertes.
Je suis fatiguée et bien plus grave, désabusée définitivement.
Je viens d’une famille où voter est sinon le premier acte citoyen que l’on m’ait appris, mais également une obligation morale que l’on doit à son pays en signe de respect et d’appartenance à une démocratie.
J’avoue néanmoins ne pas avoir voté aux municipales pas plus qu’aux dernières présidentielles.
Je n’ai pas voté car l’on n’a pas su me convaincre.
Je n’ai plus de foi sinon de sympathie envers quiconque s’estimant acteur de la démocratie et s’arrogeant le privilège de connaître la bonne manière. Je suis pourtant certaines émissions où l’échange existe bien, je lis certains articles où des commentaires de courant différent expliquent ce qu’il convient de comprendre, je suis sur les réseaux sociaux pour attraper la dernière information – même stérile ; je persévère donc mais n’y trouve plus d’intérêt.
J’ai fini par perdre de vue mon pays.
A cela, j’objecte les individualismes, obscènes parfois, tant ils sont visibles et peu dignes, je peste après la télévision qui distille de la minute de cerveau à des connectés néanmoins décérébrés, j’exècre les plans de communication maladroits engendrés par de jeunes charognards en mal de reconnaissance, je maudis les hommes qui ont laissé faire que notre pays soit devenu un territoire purement administratif au sein d’une Europe, où les entités et les cultures s’éteignent doucement.
Le candidat de la Rem Publicam aboie des mots perdus, l’intérêt de la France… feignant de s’y intéresser et croyant bien volontiers intéresser les autres.
Que veut-il lui, le gars qui vote ?
Il veut partir en vacances avec ses gosses et sa femme, aller au bord de la mer au moins une fois l’an, leur acheter des cadeaux à Noël, payer moins d’impôts ou pas davantage, conduire une bagnole siglée avec des sièges en cuir et le Bluetooth, aller aux putes parfois, au restaurant si possible, manger Mac Do le dimanche et s’acheter des fringues chez Zara ou chez Celio…
Ses occupations ne sont pas forcément celles qu’il aurait choisi avec de l’argent mais il garde néanmoins les pieds ancrés au sol, avec ses possibilités financières et celles qui ne le seront jamais.
Il n’y a plus d’écoute ni même d’intérêt pour ce gars qui rêve de mater les bateaux à Saint Trop’, il peut crever tranquille, on ne lui demandera pas son avis. Ce gars-là, c’est le peuple, mais le peuple au sens de la plèbe définie comme la population, par opposition aux Patriciens. C’est lui qui vote et qui croit ou pas en un autre gars costumé au sourire cannibale.
Quelle est la valeur de ce gars et son impact de votant sur l’échelle des vanités ?
Il s’en balance de la guerre au Mali, de la politique de Poutine ou de l’huile de palme dans le Nutella, il veut bouffer et croire que ses gosses seront un jour plus heureux que lui.
Le cador des couloirs d’assemblées n’est pas le seul coupable, nous sommes autant que lui responsable du diktat imposé.
Il n’y a plus de visions simples du bonheur, on pense que la qualité de vie s’exprime dans le kilométrage de sa baraque jusqu’à son job, on s’achète des fringues pour obéir à un milieu et le pire, c’est qu’on ose encore se plaindre des turpitudes que l’on a choisies.
On s’est perdu de vue.
Tout le monde finalement est d’accord, comme un complot tacite visant à l’anéantissement consenti de chacun.
On meurt tout seul comme une fatalité. La démocratie est un leurre que l’on avale, les gens sont peureux et avec eux leurs descendances. Les hommes ont disparu il y a longtemps et ce qui m’inquiète, la raison pour laquelle je n’ai pas voté, c’est que nous avons tous oublié que chacun de nous a le pouvoir de bousculer les consciences. Au moins pour l’espoir de ce qui peut en découler.
Plèbe de France, cesses de te revendiquer des libérateurs de la Bastille, d’abord parce que la Bastille n’emprisonnait que les opposants politiques et que pour libérer les tiens, tes ancêtres auraient dû marcher jusqu’à Vincennes.
Cesses de penser que partager une merguez au coin d’un feu, te donnes le droit d’emprisonner ton patron dans l’usine, ton camarade dans le glorieux naufrage.
Cesses d’espérer que les autres feront le job pour toi pendant que tu les regarderas à la télévision, tu as ton rôle à jouer et d’abord celui de rester debout.
Transmets tes rêves et ton honneur à tes enfants, apprends-leur ta vie du temps où tu avais leur âge et essaies d’éviter l’écueil c’était mieux avant, parles leur de la terre, du sens des choses, du bal du 14 Juillet et des lampions des fêtes de village.
Expliques-leur mais au-delà montres-leur que rester debout se paie cher, que la liberté ne se résume pas à fourrer ta carte bleue dans une fente pour obtenir des sous, opposes à tes certitudes un nouveau sens à ta vie, marches vers ces convictions que tu te jurais de garder étant jeune.
Malgré ton endormissement, tu restes un homme alors gardes confiance en toi et sois fier d’être le père que tu t’imaginais devenir.
Révoltes-toi d’abord contre toi moi et acquières doucement la force de croire en toi, ne bois plus la merde que l’on te serre, choisis !
Je ne te propose pas de défiler, d’autres le font déjà par habitude. Je te propose de te lever et de raconter à tes gosses ce que tu as oublié, la conscience de ce qui fait de toi un principe humain.
Pendant que tu t’affaires à ta nouvelle mission, apprends-leur au passage cette strophe de Verlaine :
Les sanglots longs
Des violons
De l’Automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Cécile BENHAMOU – Juriste
INFOJURIS
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