Raoul Follereau et le fascisme italien
Dans cet article, nous allons exposer dans quelle mesure Raoul Follereau a été un partisan fidèle et dévoué du régime fasciste italien de Benito Mussolini.
Tout d’abord, afin de mieux comprendre les choix de Raoul Follereau de l’époque, il nous faut rappeler brièvement quelques événements historiques.
Rappels historiques
Benito Mussolini est né le 29 juillet 1883 en Italie.
Initialement membre du parti socialiste italien, il en est exclu fin 1914 et lance alors un journal « Il popolo d’Italia » (Le Peuple d’Italie) dans lequel il adopte des positions nationalistes.
Le 23 mars 1919, il créée les Faisceaux italiens de combat, mouvement politique semi-militarisé, dont le programme est constitué d’un mélange de réformes politiques et sociales de type progressistes et de revendications nationalistes.
Le 7 novembre 1921, le mouvement se transforme en Parti National Fasciste et se présente au pays avec un programme politique nationaliste, autoritaire, antisocialiste et antisyndical.
Les mots se conjuguent avec la violence : les fascistes sont responsables de nombreuses agressions tant verbales que physiques à l’encontre de leurs adversaires.
Fin octobre 1922, après plusieurs mois de combats armés dans toute l’Italie couronnée par la Marche sur Rome des chemises noires, le roi Victor-Emmanuel III confie à Mussolini la charge d’un nouveau gouvernement.
Les violences se poursuivent et s’amplifient. Dès janvier 1923, le Grand Conseil du Fascisme décide la création de la Milice Volontaire pour la Sécurité Nationale dont les membres sont connus pour leurs chemises noires. Ratonnades, incendies, et ingurgitation forcée de ricin deviennent des méthodes habituelles d’intimidation.
En janvier 1925, Mussolini assume publiquement l’assassinat de Giacomo Matteoti qui avait dénoncé le climat de violence, d’intimidation et le niveau de malversations au cours des élections d’avril 1924.
Le régime bascule alors clairement sous la forme dictatoriale :
- - mise sous contrôle étatique de la presse, suppression des journaux d’opposition ;
- - prohibition du droit de grève, interdiction des syndicats autres que ceux officiellement reconnus par l’Etat ;
- - attribution à Mussolini de prérogatives législatives en plus de ses pouvoirs exécutifs ; le rôle du Parlement s’estompe au profit du Grand Conseil du Fascisme présidé par Mussolini ;
- - interdiction des partis autres que le Parti National Fasciste ;
- - les élections se transforment en plébiscite d’une liste unique et non modifiable de 400 candidats choisis par le Grand Conseil du Fascisme ;
- - les conseils municipaux ne sont plus élus, mais nommés ;
- - ...
Initialement, la dictature fasciste italienne ne présentait aucun signe d’antisémitisme. Bien au contraire. En revanche, à compter des lois raciales de 1938, un antisémitisme légal fut mis en place : recensement, exclusion de certaines professions, etc.
Dans ce contexte, qu’en est-il de Raoul Follereau ?
A l’époque des années 1920, Raoul Follereau (voir photographie de gauche) n’est pas encore devenu l’apôtre des lépreux. Ses actions en faveur des lépreux ne commenceront réellement qu’au milieu de la seconde guerre mondiale. En 1925, Raoul Follereau a 22 ans. En 1927, il fonde la Ligue d’Union Latine sur laquelle nous reviendrons plus amplement lors d’un prochain article.
Selon Étienne Thévenin, Raoul Follereau est séduit dès la fin des années 20 par l’Italie fasciste (Étienne Thévenin, Raoul Follereau, hier et aujourd’hui, Éditions Fayard, 1992, p.68).
En 1926, il rencontre personnellement Mussolini (ibid p.124). A compter de cette date, Raoul Follereau passe régulièrement la semaine de Pâques à Rome avec certains membres de la ligue (ibid p.69). En mars 1930, Raoul Follereau et ses ligueurs sont très officiellement reçus au Cercle artistique de Rome par un dénommé Marinetti (voir photographie de droite) (ibid p.69). Thévenin n’apporte pas davantage de précisions sur ce Marinetti. C’est Wikipédia qui nous donne la réponse : Filippo Tommaso Marinetti était un écrivain italien de la mouvance futuriste. Il fait partie des 119 arditi qui fondèrent, autour de Mussolini, les Faisceaux Italiens de Combat, le 23 mars 1919 (qui deviendra, deux ans plus tard, le Parti National Fasciste, cf. indications historiques ci-dessus).
Dans son bulletin d’avril 1932, Raoul Follereau exprime son admiration, son amour, son ravissement et sa reconnaissance pour l’Italie fasciste de Mussolini :
"le fascisme est un phénomène italien, d’ordre purement italien et qui ne nous regarde en aucune manière. Nous ne devons pas nous mêler de la politique intérieure de ce pays, pas plus que nous ne saurons admettre qu’un Italien fit de la propagande pour tel ou tel de nos partis. Ceci dit, qui nous empêchera d’admirer l’Italie autant qu’elle le mérite et de l’aimer selon notre cœur ? Qui nous empêchera d’être ravis de sa renaissance et reconnaissants de sa victoire qui n’a peut-être pas seulement sauvé cette nation du bolchevisme mais un peu aussi toute la civilisation latine." (ibid p.68)
Peu après, l’Europe occidentale subit les crises diplomatiques de l’avant-guerre. En juillet 1934, Hitler fait assassiner le chancelier autrichien Dolfuss et tente d’annexer l’Autriche. Mussolini envoie alors une partie de son armée à la frontière italo-autrichienne pour empêcher Hitler de mettre son projet à exécution.
Profondément germanophobe, Raoul Follereau engage alors sa Ligue d’Union Latine dans une vaste campagne en faveur d’un rapprochement entre la France et le régime fasciste italien. En effet, Raoul Follereau reconnait dans l’Italie fasciste de Mussolini le socle d’une civilisation commune avec la France (ibid p.126).
De fait, lors de l’invasion, en 1935, de l’Éthiopie, Raoul Follereau prend fait et cause pour l’agresseur italien et lance des pétitions pour que ni la France ni la Société des Nations ne prennent de sanctions contre le Duce (ibid p. 101). L’Éthiopie était à l’époque un des derniers pays africain non colonisé et, qui plus est, membre de cette même Société des Nations.
Plus d’infos sur la seconde guerre italo-éthiopienne (1935/1936) :
Ouvrons une parenthèse pour souligner cette réthorique anti-maçonne que nous retrouvons sous la plume de Raoul Follereau. Elle est habituelle pour l’extrême droite française de l’époque aux yeux de laquelle la franc-maçonnerie incarne l’Anti-France, au même titre que le parlementarisme, le bolchevisme ou le judaïsme. Raoul Follereau adhère à cette idéologie et y participe activement. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail lors d’un article ultérieur consacré à un numéro de La Libre Parole qui est disponible ici. Fermons la parenthèse.
Prolixe pour vanter les mérites de Mussolini, Raoul Follereau ne soufflera mot des massacres commis par l’armée italienne dans la population éthiopienne, y compris à l’aide d’armes chimiques dont l’usage est pourtant prohibé par les conventions internationales.
Cette "mussoliniphilie" porte ses fruits : Raoul Follereau rencontre à nouveau Mussolini le 2 janvier 1936 et ressort subjugué de l’entretien. "Je l’admire" confie-t-il. En avril 1936, il reçoit la médaille de vermeil de la cause franco-italienne. Et, le 3 mai 1936, Raoul Follereau reçoit des main du Duce ... une photo dédicacée. Raoul Follereau deviendra alors assez proche du régime fasciste italien pour être invités à divers événements officiels au cours de l’été 1936 (ibid p.126).
Thévenin ne s’étend pas sur la suite des relations entre Raoul Follereau et le Duce (ibid p.127). Pourtant, l’actualité internationale en général et les relations franco-italiennes en particulier ne manquent pas de rebondissements :
- - en 1938, le Duce adopte des lois anti-juives, sans que l’Allemagne le lui ait demandé et alors que les juifs italiens bénéficiaient jusqu’à lors d’une exceptionnelle intégration, y compris au sein même du Parti National Fasciste ;
- - en novembre 1938, Mussolini réclame à la France la "restitution" de la Savoie, de la Corse et de Nice ;
- - le 10 juin 1940, alors que les armées françaises s’effondrent sous les coups de butoir de la Blitzkrieg de la Wehrmacht, Mussolini déclare courageusement la guerre à la France ;
- - etc.
A notre connaissance, même plusieurs années après la fin de la seconde guerre mondiale, Raoul Follereau n’a jamais exprimé ni regrets, ni remords, pour son soutien actif et délibéré au régime fasciste italien.
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