Raqi, ouzo, café turc et bouzouki
La semaine prochaine, Erdogan se rendra à Athènes pendant deux jours pour parler d'accords commerciaux bi-latéraux. Aucun premier ministre turc n’avait rendu visite à la Grèce depuis 65 ans
Il suffit d’avoir voyagé dans l’un ou l’autre des deux pays pour avoir constaté les séquelles d’un passé commun conflictuel dont l’aspect folklorique n’est que la partie émergée de l’iceberg. Si les Grecs ont rebaptisé tous les aspects de leur vie quotidienne héritée des Turcs (café oriental, chansons sirupeuses et pâtisseries au miel), ce n’est pas par esprit de clocher ni pour des raisons religieuses, mais parce que la mémoire collective a été marquée par une domination des Ottomans s’étalant sur quatre siècles, de 1430 à 1830.
Le sort fait pas l’Union Européenne à chacun des deux états (refus de donner suite à sa demande d’adhésion pour l’un, diktat d’austérité pour l’autre) et les relations particulières d’amours déçues que chacun d’eux entretient avec l’Allemagne depuis les années 30 (alignement stratégique et flux migratoires) sont à l’origine de nombreuses spéculations sur l’évolution des relations turco-grecques et les répercussions possibles sur des réalités géopolitiques qui dépassent largement le cadre régional.
M. Çavuşoğlu, vice-Premier Ministre turc né en Grèce, a déclaré que cette visite allait "améliorer" les relations bilatérales. Trois projets de coopération sont sur la table :
- le premier concerne la mise en place d’une ligne régulière de ferrries entre et Thessalonique.
- le second est un projet de ligne ferroviaire à grande vitesse entre Istanbul et Thessalonique
- le troisième concerne la construction d’un pont sur la Maritza, entre Kipoi et İpsala, à la frontière entre les deux pays.
En fait, les relations ont commencé à se détendre avec l’arrivée de Tsipras au pouvoir en 2015, mais il reste de gros points de friction entre les deux pays, comme la souveraineté de la République de Chypre sur tout son territoire, les droits de souveraineté sur la mer Égée, et le statut de la basilique byzantine de Sainte-Sophie. Plus récemment, la Turquie a accusé la Grèce d’avoir donné refuge à des partisans du « coup d'Etat manqué » de 2016, qui auraient détourné un hélicoptère militaire pour s’enfuir. Mais sur ce dernier point, le Premier ministre turc Binali Yıldırım qui effectuait une visite d'une journée en Grèce en juin dernier a déclaré au cours d’une conférence de presse qu'il ne voulait pas que la question « porte un coup aux relations turco-grecques », alors qu’un tribunal grec venait de refuser leur extradition vers la Turquie.
La prochaine visite d’Erdogan à Athènes s’inscrit donc dans un contexte qui semble estomper les vieilles rancœurs et mettre en avant les atouts géopolitiques favorables à une coopération entre les deux états. Les peuples grec et turc ont plus de points communs qu’ils ne veulent bien le dire, et leurs réflexes de solidarité lors des récents tremblements de terre sont plus éloquent à ce sujet que les discours des tribuns.
Le rapprochement des frères ennemis pourrait bien devenir une épine dans le pied de l’UE et dans celui de l’OTAN à moyen terme.
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