Rationnement
Le 9 Février, dans un précédent article, je signalais qu'une grave crise énergétique nous attendait et qu'un rationnement de l'énergie serait inévitable.
L'histoire s'accélère. La crise arrive plus vite que prévu. Je vais d'abord expliquer pourquoi le rationnement est nécessaire, puis essayer de développer les bases de celui-ci.
Pourquoi le rationnement est-il la meilleure solution ?
En situation de pénurie, si on ne rationne pas, alors les prix augmentent.
C'est la loi de l'offre et de la demande.
Ce sont évidemment les ménages les plus modestes qui en souffrent le plus, alors que les milieux aisés ont les
moyens de faire face à l'augmentation.
Pour limiter ces effets, le gouvernement bloque les prix en subventionnant les énergies ou accorde une remise sur les carburants.
Mais cette politique est intenable pour trois raisons :
- Subventionner coûte très cher aux finances publiques.
Au 11/01/2022, le Figaro notait déjà que le bouclier tarifaire coûtait déjà 14 milliards d'euros pour 2021-2022 (source). Mais ça, c'était avant la guerre en Ukraine.
Le 9/03/2022, Ouest France annonçait 20 milliards d'euros pour la seule année 2022, mais c'était avant la remise de 15 centimes sur l'essence (source).
La crise s'amplifiant, on peut prévoir de nouveaux dérapages et il deviendra impossible de poursuivre cette politique. - Le blocage s'applique aux particuliers, mais pour les entreprises, les prix de l'énergie deviennent insupportables et menacent la viabilité de celles-ci (source)
- Ces politiques n'incitent absolument pas à économiser l'énergie alors que les ressources diminuent. Par conséquent, elles ne peuvent que faire augmenter les prix et provoquer des pénuries.
On ne pourra donc pas continuer comme cela. Une première solution consisterait à laisser filer les prix, mais ce serait mettre les ménages modestes ainsi que les entreprises dans une situation insupportable et risquer une explosion sociale.
Alors que faire ?
Le rationnement de l'énergie est la seule solution viable, pour deux raisons :
- Rationner l'énergie permet de faire baisser la demande au niveau de l'offre. C'est la seule façon d'échapper à la pénurie.
- En équilibrant l'offre et la demande, on limitera les hausses de prix, à condition, bien sûr, d'agir à l'échelle européenne.
Certains industriels préconisent dores et déjà le rationnement (source).
Rationner à quel niveau ?
Précisons pour commencer que le rationnement ne s'appliquerait qu'aux ménages et pas aux entreprises, sinon l'activité économique s'effondrerait.
Pour évaluer la ration, il est faut connaître les émissions de gaz à effet de serre des français. On s'aperçoit alors qu'elles croissent avec le revenu :
Émissions annuelles de GES en fonction du revenu | ||
---|---|---|
Décile | Revenu mensuel en € | Emissions en tonnes |
Décile 1 | 622 | 15,2 |
Décile 2 | 1326 | 17,8 |
Décile 3 | 1612 | 18,6 |
Décile 4 | 1894 | 20,1 |
Décile 5 | 2210 | 22 |
Décile 6 | 2538 | 24,8 |
Décile 7 | 2900 | 25,9 |
Décile 8 | 3361 | 28 |
Décile 9 | 4110 | 32 |
Décile 10 | 6860 | 40,4 |
Source : la fiscalité carbone aux frontières et ses effets redistributifs page 17. ADEME
Les émissions de gaz à effet de serre des 10% des français les plus riches sont presque trois fois plus fortes que celles des 10% les plus pauvres.
Prenons 10 français, se répartissant dans les 10 déciles de revenus. Ils émettent au total 245 tonnes de gaz à effet de serre.
Si l'énergie était rationnée pour tous, au niveau de consommation du premier décile, qui correspond à 15,2 tonnes d'émission de gaz à effet de serre, alors ces 10 personnes n'émettraient plus que 152 tonnes. On économiserait donc 38%.
Or 40% du gaz actuellement importé en Europe provient de la Russie (source).
Il semble donc bien qu'une politique de rationnement de l'énergie permettrait de se passer du gaz russe. Mais il faudrait évidemment le faire à l'échelle européenne et se partager le gaz restant disponible.
Est-ce réalisable ?
Ma foi, si les 10% les moins riches parviennent à se débrouiller avec l'énergie qu'ils consomment, cela devrait bien être faisable pour tout le monde, non ?
Évidemment, pour les plus riches, il faudrait procéder à des révisions déchirantes. Plus de yacht, plus de camping-car, le SUV au garage, etc.
Mais c'est faisable !
Comment faire ?
On pourrait envisager le protocole suivant :
- Chaque ménage se verrait attribuer une carte spéciale, réservée aux achats d'énergie (carburants, gaz, électricité, billets d'avions...)
- Les achats d'énergie ne pourraient se faire qu'au moyen de cette carte.
- Les montants annuels seraient plafonnés
- La carte serait adossée à un compte spécial auprès du Trésor Public, que chacun devrait provisionner à partir de son propre compte bancaire.
Les conséquences économiques et sociales
Le tableau suivant résume les économies d'énergie à faire, pour chaque décile de revenu :
Économie par décile de revenu | |||
---|---|---|---|
Décile | Avant | Après | % d'économie |
Décile 1 | 15,2 | 15,2 | 0% |
Décile 2 | 17,8 | 15,2 | 14% |
Décile 3 | 18,6 | 15,2 | 18% |
Décile 4 | 20,1 | 15,2 | 24% |
Décile 5 | 22 | 15,2 | 31% |
Décile 6 | 24,8 | 15,2 | 39% |
Décile 7 | 25,9 | 15,2 | 41% |
Décile 8 | 28 | 15,2 | 46% |
Décile 9 | 32 | 15,2 | 52% |
Décile 10 | 40,4 | 15,2 | 62% |
Moyenne | 24,5 | 15,2 | 38% |
Les efforts d'économie d'énergie seraient donc considérables, notamment pour les plus riches. Mais je crois que les effets vertueux d'une telle politique se verraient assez vite.
Chacun apprendrait à gérer l'énergie pour économiser sa carte. Plus de chauffage inutile, plus de déplacement en voiture quand on peut les faire à pied, à vélo ou en train... Une véritable culture de l'économie d'énergie se répandrait donc dans la population, surtout chez ceux qui gaspillent le plus actuellement.
Les émissions de gaz à effet de serre diminueraient fortement, et nous savons tous que ce ne serait pas du luxe ! La circulation automobile et les nuisances qu'elle engendre baisseraient aussi.
La rareté de l'énergie serait une puissante incitation à investir pour économiser celle-ci : isolation des bâtiments, véhicules économes, etc.
L'argent qui ne serait plus dépensé en énergie irait vers des dépenses non énergivores, culturelles ou sportives par exemple. De nouvelles activités, riches en emplois et non délocalisables pourraient se développer.
Les plus fortunés ne sachant que faire de leur argent, tout le monde serait d'accord pour diminuer les inégalités. Il en résulterait une société plus heureuse et plus sûre pour tous.
Finalement, le rationnement de l'énergie ne serait peut-être pas si mal !
Par contre, si on ne rationnait pas l'énergie, les prix augmenteraient jusqu'à ce que la demande descende au niveau de l'offre. Cela veut dire que seuls les plus pauvres se rationneraient... alors que ce sont eux qui consomment déjà le moins d'énergie ! De très fortes tensions sociales en résulteraient. Au contraire, nous devons être unis face à l'agresssion de Poutine.
Qui propose le rationnement ?
Nous sommes en campagne électorale. On rase gratis, donc aucun candidat ne proposera le rationnement.
Jusqu'à ce que les élections soient passées !
Source de l'image : Openclipart
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