Rebellez-vous !
Pour faire écho à Indignez-vous ! de Stéphane Hessel (éds Indigène) et à J'y crois pas ! d'Orimont Bolacre (éds David Reinharc & Parti de l'In-nocence)
Je ne dirai pas mon âge. Je ne veux pas tomber dans les écueils d'un Stéphane Hessel cherchant peut-être à imposer ses points de vue du fait de son relatif grand âge ni d'un Orimont Bolacre requérant éventuellement notre indulgence du fait de son relatif jeune âge. Disons que je suis d'âge moyen ; cela apaisera tout le monde, le cas échéant.
J'ai lu avec attention, enfin, autant que faire se peut, les deux petits ouvrages de nos protagonistes, Indignez-vous ! et J'y crois pas ! Je dois dire que je n'ai pas été déçu. Mais je ne suis entièrement d'accord avec ni l'un ni l'autre. J'écris bien : entièrement d'accord avec ni l'un ni l'autre.
Ces deux "opuscules", faut-il les appeler ainsi, nous enjoignent à nous indigner. Je nous inciterais plutôt, comme le titre de mon texte y invite, à nous rebeller. Car la situation est assez grave, en effet, et c'est peut-être sur ce seul point, ou l'un des rares, que je rejoindrais nos deux auteurs.
Je n'ai pas fait Polytechnique ni Centrale, ni Normale Sup, et je n'ai été ni ambassadeur ni membre d'un réseau de Résistance quel qu'il fût, ni même d'un parti politique. J'ai eu la chance ou la malchance, l'avenir le dira (le temps long n'est pas fini, pour moi), de naître dans une famille française de longue haleine, a priori, je veux dire, dont les racines françaises, voire gauloises, voire autres, pourquoi pas, se perdent peut-être dans la nuit des temps, allons savoir !...
C'est éventuellement ce qui me distingue aussi de nos deux auteurs, qui, si j'ai bien compris, ne sont ni l'un ni l'autre issus de familles françaises "de souche", ou en tout cas ancrées sur le sol national depuis des générations et des générations. Cela n'enlève rien à leur valeur ni à la portée possible de leurs écrits, en l'occurrence, mais ce point peut être important, essentiel, même, à mes yeux. Non pas que je rejoigne en quoi que ce serait les thèses d'un Front national dont le seul fond de commerce véritable semble être la défense tacite, la plupart du temps, de la peine de mort, au mépris le plus éhonté des avancées encore récentes en la matière (je pense au combat historique de la gauche, du Parti socialiste de François Mitterrand, et plus particulièrement à Robert Badinter, bien évidemment).
Mais avoir un pied, voire les deux, solidement ancré dans le sol français depuis fort longtemps, par rapport à quelqu'un qui y est de passage, ou bien encore implanté par greffe, qui peut, comme on le sait bien, prendre ou ne pas prendre, et il faut là encore du temps pour le savoir, relativement, cela peut avoir son importance, et une importance cruciale, y compris, je le répète. Je réitère aussi mon détachement complet et entier par rapport à un Front national qui prend des vessies pour des lanternes en nous faisant croire que "Les Français d'abord" serait un bon slogan et une bonne idée, pour lever toute ambiguïté encore une fois. Je suis plus proche du P.S., par exemple, si on veut savoir. En tout cas, je suis démocrate et républicain, et à l'antithèse de tout mouvement extrémiste, surtout d'extrême droite. Je me reconnais, tout anachronisme mis à part, dans la Résistance, y compris. Car je pense mesurer l'engagement, le courage et la rébellion voire la révolte qu'il a fallu à certains pour nous faire sortir à temps, voire in extremis, de la barbarie et des horreurs nazies, si ce n'est soviétiques.
Je reviens sur cet aspect probablement essentiel, bien que pas déterminant, à mon avis, et les mots ont un sens, de l'ancrage supposé dans la réalité française. Les brefs ouvrages d'Hessel, d'une part, et de Bolacre, d'autre part, me permettent en effet de clarifier ce point. Se sentir d'un pays, d'une nation, d'un peuple, n'est effectivement pas forcément anodin, par rapport à se sentir déraciné, acculturé, apatride ou autre. Il s'agit là d'un sentiment profond, relativement, voire absolument, et qu'il convient sûrement de ne pas passer sous silence. Pour autant, je pense que chacun d'entre nous est métis, bâtard, presque, pourrait-on dire, sans être péjoratif, en tout cas le fruit d'un mélange imprévisible et irréversible, potentiellement, de deux parents différents. Cette évidence paraît peut-être enfoncer une porte ouverte, et c'est aussi ce que Bolacre reproche à Hessel, d'enfoncer des portes ouvertes, mais il est bon, j'ai bien l'impression, de le rappeler à la face du monde pour éviter tout amalgame et toute prise de position xénophobe ou bêtement nationaliste ou autre.
Ceci étant posé, je voudrais faire un sort si possible définitif à l'idée que la France ne serait pas généreuse ou, sous couvert de ne "pas pouvoir accueillir toute la misère du monde", comme disait, peu ou prou, Michel Rocard en son temps, ne serait pas accueillante pour les étrangers en situation difficile, notamment. Je pense au contraire que notre pays, la France, donc, a et conserve une tradition d'accueil des minorités, par exemple, et des personnes réfugiées ou apatrides, qu'il convient de souligner voire de mettre en avant. Mais je ne pense pas pour autant que notre nation puisse absorber, "intégrer", assimiler n'importe quel ensemble d'individus issus de n'importe où afin d'être fidèle à ses engagements d'accueil des populations en difficulté.
Il faut raison garder. Sans défendre le "pragmatisme" un peu voire complètement honteux du "cas par cas" qu'il est de bon aloi, semble-t-il, d'afficher actuellement en la matière, je pense qu'il faut simplement rester fidèle à l'esprit et à la lettre de nos lois pour ce qui concerne l'immigration. Cela doit suffire.
Pour ce qui est du problème israélo-palestinien, je me situe dans une perspective qui reconnaît Israël en tant qu'Etat faisant la place à son cousin palestinien. Je dis bien faisant la place, d'une façon ou d'une autre, au peuple palestinien. Le peuple israélien, nouvellement créé depuis 1948, sauf erreur, ne doit pas "profiter" de son histoire antérieure due à la diaspora, à la Shoah et aux horreurs terribles et historiques de la Seconde guerre mondiale pour écraser indûment et tout aussi terriblement un autre peuple qui était là de souche depuis fort longtemps, le peuple palestinien. Je défends donc la création éventuelle d'un Etat palestinien, si c'est par ceci que doit passer la résolution du conflit très sévère qui sévit sur ces terres depuis bien longtemps maintenant. Mais l'avenir reste ouvert, et rien ne dit a priori par quoi la paix passera. Il faut garder l'espoir et tenir bon sur les principes, en évitant tout ce qui peut s'apparenter à du terrorisme et à des crimes contre l'humanité, c'est une évidence.
Quant aux disparités entre pauvres et riches dans nos sociétés, je dirais qu'il s'agit qu'il s'agit d'un problème qui me tient particulièrement à cœur, à moi qui ai vécu des périodes difficiles déjà par le passé sur le plan financier du fait du faible niveau des allocations que l'on peut percevoir parfois. Je me suis fendu, d'ailleurs, d'une requête auprès d'un tribunal administratif à cet effet, laquelle pointait le manque de cohérence de la France concernant le sort fait à ses moins fortunés, tant on peut se situer en-deçà du seuil de pauvreté en termes de revenus, alors que tout semble indiquer (déclarations des droits...) que ça ne puisse théoriquement pas être le cas. J'ai bon espoir que ma requête prospère, comme l'on dit en termes juridiques.
On voit donc que je me distingue sur ces quelques points de Stéphane Hessel et d'Orimont Bolacre. Je ne cherche pas à le faire, et je dois reconnaître que leurs écrits, comme je le disais, m'ont stimulé. Au point, donc, de coucher par écrit ce que leurs réflexions m'inspiraient, à mon tour.
Je voudrais terminer ce bref texte en indiquant pourquoi, pour ma part, j'invite plutôt à se rebeller. Je pense que l'indignation est un sentiment naturel mais potentiellement stérile, voire contre-productif, à terme, un peu comme la colère ou le ressentiment. Bien sûr, se révolter, être en colère, éprouver du chagrin, de la peine ou de l'incrédulité par rapport à certaines idées, certains événements ou certains développements, tout cela nous arrive naturellement, encore une fois, et c'est bien humain. Mais il est alors plus hardi et plus productif, si l'on estime que cela se justifie, de se rebeller pour de bon, en employant à cet effet les moyens qui conviennent selon nous pour porter plus loin notre sentiment, dans le respect de la légalité, autant que faire se peut, en allant de la manifestation pacifique au bulletin de vote, et en passant, éventuellement, par la désobéissance civile.
J'espère que ces quelques lignes pourront stimuler, comme l'ont fait pour moi, je dois encore une fois le reconnaître, les "pamphlets" que j'ai cités, tel ou tel. Il faut savoir rester attentif et ouvert, je pense, aux idées des autres, presque en toutes circonstances. Comme nous le disait Voltaire, je ne suis peut-être pas d'accord avec vous, mais je me battrais pour que vous puissiez défendre vos idées.
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON