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Accueil du site > Tribune Libre > Reconversion professionnelle : réflexion éthique

Reconversion professionnelle : réflexion éthique

Alors qu’il y a encore quelques décennies l’acquis d’un savoir servait à bâtir toute une carrière professionnelle, aujourd’hui les connaissances ou les postes occupés deviennent obsolètes en quelques années et d'autres sont en voie de paupérisation. Ce que nous avons appris il y a 10 ans, voire moins, est déjà dépassé. Si on ne veut pas être placé sur le banc de touche, il faut se tenir informé des évolutions techniques, sociétales, économiques afin de conserver une adaptabilité professionnelle.

On assiste depuis quelques années à l'éclosion voire à la pullulation de centres de formation (124.000 déclarés), phénomène amplifié avec le désir d'une reconversion post Covid et le compte personnel formation. Pour un candide rien ne ressemble plus à un centre de formation qu'un autre. Tous semblent vouloir afficher une même volonté de qualité et un engagement identique. Alors comment choisir une formation ? Les raisons purement subjectives et/ou affectives l'emportent souvent. Certains veulent changer d'activité en réaction à une insatisfaction professionnelle, sociale ou familiale et sont à la recherche latente d'une valorisation narcissique : volonté de puissance, sentiment d'être le meilleur, besoin impératif de réussir, crainte de l'échec, élitisme, challenge. Une valorisation paranoïde : séduction, reconnaissance. Fusion : identification à une image, à un groupe, crainte de l'extérieur, esprit de corps, idéalisation. D'autonomie : responsabilisation, projet individuel.

N'importe qui peut créer un centre de formation à une profession non réglementée : soins à la personne, coaching, décoration, bien-être, « médecine non conventionnelle », etc., ouvrant parfois la voie à des dérives possibles. Beaucoup de responsables de centre proposant une formation sont issus eux-mêmes d'une reconversion professionnelle. Le faible investissement financier, de temps, leur cursus professionnel et des démarches administratives facilitées y contribuent. La plupart ne procèdent à aucune étude de marché se contentant de surfer sur l'opportunité. Le candidat lambda n’a pas de moyens pour évaluer la qualité des prestations fournies. Certaines formations ne font aucune référence à un référentiel du métier, audit pourtant indispensable servant à déterminer les : savoirs, savoir-faire et savoir-être à acquérir. Imaginez que les autoécoles adoptent chacune une formation de leur cru ! Aucun conducteur n'aurait une règle de conduite commune.

Une formation privée diplômante ne signifie pas contrôle et reconnaissance du cursus ni du diplôme par l’État et la profession. Des centres de formation se gardent bien de porter à la connaissance des impétrants les informations pré-contractuelles indispensables : remise du contrat, d'une facture, clause de rétractation, organisme de médiation, risques d’exercice illégal d'une profession. Les articles 433-1 et 433-17 du Code pénal condamnent l'usurpation de titre ainsi que l’exercice illégal d'une profession réglementée, et l'article L 121-1 du Code de la consommation réprime la pratique commerciale trompeuse. Une « esthéticienne » pratiquait des injections de Botox (exercice illégal de la médecine). Un « architecte » non inscrit à l'ordre fait procéder à des travaux contraires au règlement de copropriété (il était décorateur et prenait 10 % du montant des travaux). L'organisateur d'un stage de survie déclare comestible une plante toxique (œnanthe safrané), le stagiaire décède. L'organisateur, ancien militaire, a été condamné à trois ans de prison. Les exemples abondent.

Le postulant à une formation non réglementé ne peut donc être assuré de recevoir un enseignement de qualité ni de la capacité des formateurs envers ce que l'on appelle la relation andragogique (pédagogie pour adulte), et encore moins de décrocher un emploi. La formation se doit de rester une démarche visant à transmettre : des savoirs, des savoirs-faire (des compétences professionnelles) et des savoirs-être conformes et réalistes à l'image que chaque individu devrait avoir de la profession visée. Avoir des connaissances et les transmettre ne s'improvisent pas, la maîtrise des techniques et des outils et matériels dédiés ne sauraient suffire. Des formateurs s'apparentent à des cordonniers mal chaussés. Quand j'achète une paire de chaussures j'attends que ce soit elle qui se fasse à mon pied et non l'inverse. La relation andragogique doit être adaptée à l'apprenant. Nous avons tous en mémoire un professeur récitant un théorème qu'il était bien incapable d'illustrer par une application pratique.

Former, enseigner, instruire n'est pas une activité comme une autre. On peut posséder de solides connaissances et être incapable de les transmettre. Avant de penser à s'enrichir pécuniairement, le formateur doit penser à s'enrichir humainement et intellectuellement pour mieux enrichir les apprenants. N'est ce pas là le plus beau service que l'on puisse leur rendre ? Les enseignants sont rémunérés pour ce qu'ils savent et non pour ce qu'ils pourraient faire. Les connaissances n'ont que de valeur dans leur utilisation. Peu importe que le cours soit magistral ou travaux pratiques, le cours ne doit pas être qu'un cours. Il doit orienter et aider l'apprenant dans sa vie future. Cela nécessite du formateur : compétences professionnelles, andragogie, psychologiques, gestion de groupe, maturité, ressources personnelles et respect de l'apprenant.

L'objectif d'une formation doit décrire les compétences à maitriser à la fin de la formation et mentionner les pré-requis indispensables à l'apprentissage. Pour réaliser une action de formation efficace et conforme aux réalités de la fonction, il faut commencer par établir un cahier des charges qui prendra en compte : les méthodes d'évaluation, d'analyse, du suivi de l'activité, des rapports humains, des coûts, des outils de contrôle, etc. L’ingénierie « pédagogique » est une suite au cahier des charges. Il s'agit d'élaborer le dossier ou plan de formation en différents modules qui prennent en compte : l'objectif à atteindre - la progression des contenus - les méthodes et outils pédagogiques - l'évaluation des résultats - assurer un suivi dans le temps.

Des créateurs de centres de formation rêvent de transmuter leur démarche en OR. Regardez les prix pratiqués, on croit rêver ! Une semaine de formation coûte plus cher que trois semaines de croisière ! Plus le nombre de centres croit, plus ceux-ci sont contraints à se « battre » pour attirer à eux les clients dont le nombre se dilue. Cette concurrence des prix qui pourrait profiter aux personnes motivées pour réussir une reconversion ne fait que les desservir. Il n'y a aucune homogénéité de formation. On y rencontre de tout, du bon, du moins bon et du mauvais, voire une arnaque. Certains organismes phagocytent les apprenants avec un suivi post-formations payant, le versement d'une redevance, l'incitation à former à leur tour de nouveaux stagiaires (système pyramidale). Pire ! d'autres sont proches de dérives sectaires...

Le prix n'est en aucun cas la garantie de l'excellence de la formation. Si on est enclin à considérer comme ayant une valeur plus élevée ce que l'on paie cher, c'est une démarche purement subjective. Le client consommateur ne devrait jamais hésiter à poser des questions sur les qualifications professionnelles des intervenants : diplômes, formations, certificats, années d’expérience, entretien avec d'anciens stagiaires, et ne jamais oublier que lui seul détient les cordons de sa bourse.

Dans une optique pérenne de l'emploi, ne jamais perdre de vue qu'un emploi peut se décliner en d'autres emplois, fonctions ou tâches. Des emplois disparaissent, d'autres se transforment et de nouveaux apparaissent. L'évolution professionnelle rendue possible par l'inter-pénétration des métiers annexes et connexes peut faciliter la ré-orientation et le développement personnel d'un(e) employé(e). Une filière à structure verticale (promotion dans la hiérarchie) ou à structure horizontale permet de passer d'une spécialité à une autre en passant par une période d'adaptation courte (passerelle). Cela suppose une approche concrète et une action de formation prenant en compte l'évolution des postes et le développement de l'entreprise ou des opportunités.

Une formation ne devrait jamais être une forme de conditionnement ni correspondre à un stéréotype fantasmé. Chaque impétrant adulte doit être considéré comme porteur d'une expérience, de compétences, de qualités prenant en compte sa motivation, son adhésion et son implication dans la formation suivie. Il est l'acteur principal de sa formation. Il devient nécessaire pour tout concepteur de formation de développer, d'anticiper, d'améliorer l'acquisition de nouvelles compétences et de les croiser entre elles afin de les rendre transférables (bouquet, portefeuille de compétences, passerelles) et ainsi être en mesure de répondre à des besoins émergents (réglementation, débouchés, besoins).

On forme d'abord un généraliste qui ensuite devra être capable d'accroitre son bouquet de compétences. L'occupation d'un nouveau poste passe par une phase d'initiation qui consiste en l'apprentissage des compétences essentielles qui permettent corollairement la découverte de l'emploi - de maitrise qui caractérise la capacité à l'autonomie face aux difficultés rencontrées dans le métier au quotidien - l'expertise qui elle permet l'initiative pour répondre au mieux aux problèmes soulevés.

Une compétence rare à un moment donné peut être dévalorisée quelques années plus tard par la saturation du marché ou sa disparition. L'adaptation aux réalités économiques passe par une série de phases : pré-active (prévision d’occurrences possibles) - pro-active (anticipation par projection) - réactive (l'adaptation à une circonstance) - planification (concevoir le futur). Un investissement en ressource humaine est toujours précaire. Faut-il recruter une personne extérieure possédant les compétences requises ou former un(e) employé(e) ? L'avancement peut être considéré comme une promotion et l'employé(e) possède peut-être « l'esprit maison ». C'est plus rapide cependant de recruter une personne qualifiée.

Soulignons l'importance pour toute personne assurant une tâche d'encadrement à déceler les potentialités d'un(e) employé(e) afin d'être en mesure d'améliorer la réactivité de l'entreprise. Dans les compétences on distingue, les aptitudes intellectuelles : l'esprit d'analyse, de synthèse, intelligence, créativité. Physiques : vue, ouïe, dextérité, résistance. Relationnelles : autonomie, stabilité, socialité. Les compétences peuvent donc s’acquérir par l’expérience : travail en doublette, rotation des tâches, groupe de travail ou alternance. Dans le transfert des compétences, certains savoirs-faire sont des secrets-maisons à part entière, les compétences de se substituer à la qualification.

Une compétence n'est que rarement isolée. Prenons l'exemple du conducteur, il doit connaitre le code de la route (savoir), maitriser la conduite du véhicule (savoir-faire) et être prudent, courtois (savoir-être). Certains de ces savoirs sont utilisables dans d'autres circonstances. En cas de contrôle routier, le savoir-être est immédiatement transférable à l'amélioration de la relation humaine.

Chacun se devrait d'assurer une veille et de s'interroger : il y-a-t-il une possibilité d'évolution dans mon secteur, comment en bénéficier, y pallier, vers quelle profession dois-je m'orienter ? Pour être ainsi capable de planifier sa formation, son évolution, sa carrière au lieu de la subir. Certaines professions impliquent des traits de caractère particuliers. Si on peut en acquérir les compétences par une formation, on ne change que difficilement de personnalité... Une correction, une précision, une remarque ?

 

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6 réactions à cet article    


  • Sirius S. Lampion 3 janvier 17:11

    Pour élaborer un plan de carrière et d’autoformation, encore faudrait-il que les intéressés aient une idée des emplois qui sont susceptibles de subsiter.

    « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va… » Sénèque]

    A moins d’intégrer dans ses perspectivces d’aller travailler là où ont été délocalisés les emplois et d’accepter les salaires octroyés aux gens qualifiés des ppays pauvres.


    • Octave Lebel Octave Lebel 3 janvier 19:17

      Salutaire réflexion sur l’importance de la formation continue, ses atouts et ses pièges.Merci.


      • Com une outre 3 janvier 22:03

        La planification en France, Macron l’a confiée à Bayrou. Une référence en la matière. D’ailleurs, son expérience en tant que ministre avait déjà illuminée les classements Pisa, nous descendions à la vitesse d’une étoile filante (et encore grâce aux suivants).


        • Com une outre 3 janvier 22:04

          @Com une outre
          J’ajouterai qu’avec un prévisionniste économique comme Lemaire, planifier des formations n’est pas des plus simples.


        • jef88 jef88 4 janvier 11:51

          Je suis un vieux (c**) de 79 ans ....

          Je suis titulaire d’un BEPC modèle 1961 ...

          Fils d’ouvrier j’ai raté mon 1er bac avec 13.6 de moyenne et 5 en maths ...

          J’ai travaillé comme ouvrier un an et j’ai devancé l’appel pour mon service militaire.

          Ensuite, j’ai été « employé de bureau » de 1965 à 1968...

          En Juin 68, j’ai postulé à un poste de « chef d’équipe » J’ai été embauché à condition de faire un stage dans le service entretien.

          Ensuite comme « chef d’équipe »

          j’ai mis en route une chaine moderne(?)...

          Suite à mes résultats, au bout de 6 mois j’ai été nommé « agent de méthodes » avec pour objectif réorganiser les postes de travail.... Mais j’étais mal payé !

          A la naissance de notre 2ème enfant, ma femme a arrêté de travailler et je me suis trouvé un poste équivalent à 500km avec salaire double ...

          7 mois plus tard j’ai été nommé « chef de fabrication ».

          Ensuite, pour raisons familiales je me suis rapproché de mon lieu d’origine et après 2 mois, le patron m’a fait une proposition : « Ne croyez pas que vous soyez mauvais à votre poste, vous êtes même meilleur que celui que j’ai embauché pour vous remplacer. Mais vous me répondez tout de suite ! Si vous êtes d’accord, je vous nome »directeur technique« responsable de travaux neufs et de la maintenance ! ! ! » Il y avait plus de 1500 personnes dans l’usine.

          J’ai donc tenu des postes de direction de 1974 à 1990 ....

          En 1990 j’ai eu un raz le bol de la paperasse envahissante. Je suis donc devenu indépendant ; « consultant en organisation ». J’ai pratiqué jusqu’en 2004.

          En parallèle j’ai enseigné comme vacataire en IUT . Mes élèves avaient 1) de bons résultat à l’examen de sortie, 2) 80% d’embauches après leur stage de 2ème année.

          Pour ma 3ème année j’ai donc été nommé « maitre de conférence associé » .........

          MORALITÉ ! A cette époque l’efficacité primait sur le diplôme ... Mais ce temps est passé...........

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