Réflexions pour la création d’un Conseil National de la Transition
La situation économique, sociale et politique aura très bientôt de grandes similitudes, hormis heureusement pour le nombre de morts et de destructions matérielles, avec celle de 1943 qui avait conduit à la création du Conseil National de la Résistance :
- des pans entiers de l’économie dévastés et à reconstruire prioritairement à partir des besoins
- une protection sociale à redéfinir pour, prioritairement, compenser toutes les formes de précarité, ainsi que le niveau insupportable des inégalités
- nécessité de protéger notre société contre l’idéologie des "élites" formatées qui gouvernent depuis 40 ans
Avec en plus, le risque d’un krach financier qui pourrait venir encore amplifier l’explosion du chômage. Et surtout, l’effondrement déjà engagé de la biodiversité et des conditions climatiques qui vont rendre inhabitables de vastes zones de la planète.
Ne nous privons pas de citer quelques bonnes nouvelles fort probables. Après une catastrophe d’une telle ampleur tout sera à repenser et reconstruire. Le néolibéralisme aura définitivement montré sa totale inadéquation avec les valeurs fondamentales auxquelles aspirent les hommes et femmes de bonne volonté : liberté, égalité, fraternité, solidarité, entraide. La plupart des contre réformes qu’on voulait imposer de force seront enterrées pour longtemps. A commencer par la réforme des retraites, dont on se souviendra surtout du nombre de mensonges proférés par le gouvernement. Les systèmes de protection sociale seront à repenser. Les arguments pour un revenu de base, et même pour le salaire à vie, seront pris au sérieux. Les citoyens seront beaucoup plus nombreux à s’intéresser aux livres et aux conférences des lanceurs d’alerte comme Pablo Servigne, Yves Cochet, Cyril Dion, Aurélien Barrau, Jean-Marc Jancovici, Corinne Morel Darleux et bien d’autres.
Ceux qui alertaient depuis 4 décennies sur les dangers du néolibéralisme, du productivisme, de l’extractivisme, sont à l’évidence mieux armés intellectuellement pour définir les contours et les priorités du « monde d’après », que ceux qui ont exercé le pouvoir en France depuis 2012.
Il y a une grande urgence à créer un Conseil National de la Transition. Pour définir très vite les priorités du monde d’après. Mais aussi pour, en parallèle, s’opposer à celles des mesures de relance qui seraient en totale inadéquation avec les nécessités de la Transition. Car comme nous en alerte Bruno Latour : « Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant. »
Les batailles à mener vont être gigantesques. La plus urgente, après la bataille sanitaire en cours, étant celle pour faire face à l’effondrement déjà engagé de la biodiversité et des conditions climatiques qui vont rendre inhabitables de vastes zones de la planète. Or, pour s’en tenir à la France, quel est aujourd’hui l’état des forces de progrès qui devraient se rassembler pour mener ces batailles idéologiques, sociales, politiques ?
Premier constat en comparant avec la composition du Conseil national de la Résistance en 1943 : nous n’avons aujourd’hui ni De Gaulle, ni Jean Moulin, ni représentants des huit grands mouvements de résistance, avec leur notoriété morale et politique acquise pendant la guerre. Pas non plus de partis et syndicats de progrès ayant « payé le prix du sang ». Pire, tous les partis politiques de progrès sont sous assistance respiratoire (oui bon, même pendant la « guerre » on a besoin de rire ... avant de pleurer après la prochaine intervention solennelle de notre Président).
Un ami bien informé me signale « que commencent à se diffuser des appels lancés par de grands collectifs légitimes et influents ». Ceci m’amène à un deuxième constat qui devrait inciter les associations, syndicats et partis de progrès à réfléchir ensemble pour répondre à une question essentielle. Pourquoi les 3 dernières grandes batailles sociales, pourtant soutenues par une large majorité des Français, ont-elles été perdues ? Celle de 2010 contre la réforme Sarkozy des retraites, celle de 2016 contre la loi Travail et il y a 3 moi seulement, celle contre la réforme Macron des retraites ! Espérons qu’on ne va pas voir fleurir, comme en janvier pour les retraites, 4 appels séparés et 10 pétitions ?
Seul un Appel unique à la création d’un "Conseil National de la Transition" ou "Conseil National de ... », lancé par un grand nombre de personnalités, d’associations, d’ONG, de syndicats et de partis, aura un impact à la hauteur des enjeux et des gigantesques batailles à mener.
Il paraît donc souhaitable que cet Appel unique soit lancé d’ici fin avril, conjointement par :
- une trentaine de personnalités prestigieuses et appréciées des Français. Par exemple : Edgar Morin, Marie-Monique Robin, Gaël Giraud, Eva Illouz, Bruno Latour, Cynthia Fleury, Pascal Picq, Geneviève Fraisse, Jean-Marie Le Clézio, Aurélie Filippetti, Thomas Piketty, Juliette Binoche, Jacques Testart, Corinne Morel Darleux, Paul Jorion, Ariane Ascaride, Thomas Pesquet, Annie Erneaux, Yannick Jadot, Martin Fourcade, Leïla Slimani, ...
- une trentaine de représentants de grandes associations, syndicats et ONG, particulièrement qualifiés pour définir les contours et les priorités du monde d'après. Voir par exemple celles regroupées dans Réseau Action Climat . Une réflexion est à mener sur les avantages et inconvénients de faire figurer des partis en tant que tel, compte tenu de leur état et de leur image dans l’opinion.
Conseil National de la Transition - Groupes de définition des priorités
Il est plus que probable que la mise en place d’un nouveau gouvernement, de salut public ou d'union nationale, n'attendra pas la fin de l’année. Pour l’efficacité et la rapidité, il serait préférable que les Groupes de définition des priorités du CNT préfigurent la structuration souhaitable d’un gouvernement à la hauteur des enjeux. D’où les suggestions ci-après, parmi des dizaines d’autres possibles. Pour connaitre le profil et les compétences des personnes et associations citées, voir sur Wikipédia.
Présidents : Gaël Giraud, Bruno Latour
Coordination et porte-parolat : Cyril Dion, Clémentine Autain, Nicolas Hulot, Aurore Lalucq
Pôle économie, finances, fiscalité, planification
- Economie, finances, fiscalité : Gaël Giraud, Thomas Piketty, Thomas Porcher, Jacques Généreux, …
- Planification, énergies, budget : Jean-Marc Jancovici, Christophe Ramaux, Guillaume Duval, ...
Pôle protection sociale, santé, retraites, droit du travail
- Protection sociale, réduction des inégalités, système de retraites : Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Henri Sterdinyak, Sophie Binet, ...
- Salaires et utilité sociale : Baptiste Mylondo, Bernard Friot, Paul Jorion, ...
- Droit au travail et droit du travail : Dominique Méda, Thomas Coutrot, Pierre Larrouturou, Emmanuel Dockes, ...
- Pour un système de santé public, égalitaire et solidaire : André Grimaldi, Patrick Pelloux, Philippe Davezies, ...
Pôle transition écologique
- Planification écologique : représentants des ONG de l’Affaire du Siècle, Nicolas Hulot, Cécile Duflot, Jean Jouzel, ...
- Taxation de la publicité, des productions et consommations superflues ou nuisibles à la santé : Aurélien Barrau, Laurent Mauduit, François Ruffin, ...
- Villes en transition, villes où il fait bon vivre : Eric Piolle, Joseph Spiegel, Damien Carême, ...
- Logement : Christophe Robert, Claire Hédon, Droit au logement, ...
- Education à l’intérêt général, information sur les lobbies, les conflits d’intérêts, les nuisances de la publicité, ... : Hervé Kempf, François Ruffin, Elise Lucet, ...
- Sobriété heureuse, indicateurs de bien-être : Cyril Dion, Jean Gadrey, Aurélien Barrau, ...
Pôle démocratie
- Pour une presse et des médias au service de l’intérêt général et de la démocratie : Henri Maler, Julia Cagé, Edwy Plenel, Robert Joumard, ...
- Préparation d’une Constituante en vue de repenser les institutions : ...
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