Refusés, mais encore ?
Le Salon international du livre de Turin ouvre ce 9 mai jusqu'au 13. Jamais, à ma connaissance, un tel événement n'a suscité autant de prises de position, justifiées, à cause du contexte politique actuel et de ses répercussions dans la société.
La Constitution italienne interdit la fondation d'un parti fasciste et des lois sanctionnent ce qui s'en approche. Et pourtant ... Casapound a pignon sur rue, ce parti clairement fasciste. Une maison d'édition, proche de ce mouvement et éditrice du livre de Salvini, le ministre populiste, y avait réservé un stand.
Des personnes comme celles du collectif d'écrivains Wu Ming, l'historien Ginsburg, la présidente de l'Association nationale des partisans italiens, Anpi, Carla Nespolo, qui devait y présenter son ouvrage, Zerocalcare, auteur de bandes dessinées, ont renoncé à leur participation. D'autres, en revanche, comme Raimo, Murgia, ouvertement opposée à Salvini (voir mon article à ce sujet) s'y rendront, en tant que citoyens privés qui ne veulent pas se laisser clouer le bec par l'extrémisme.
Depuis, et juste la veille de son ouverture, les fameuses éditions proches du groupement néofasciste, ont été éjectées du Salon. Mais, des livres douteux n'y seront-ils pas ?
L'ouverture officielle a été mise entre les mains de la poétesse et écrivain Halina Birenbaum, rescapée d'Auschwitz. Elle avait déclaré : "Ou eux, ou nous" et elle n'avait pas douté de l'éjection des extrémistes. La mairesse de la ville a expliqué que le refus de ces éditions est une décision politique. Politique et humaine, dirais-je, et probablement humaniste, dans la mesure òù elle va dans le sens de la dignité de l'homme.
Néanmoins, cet épisode révélateur du Salon du livre turinois doit figurer au premier plan des alertes données aux démocraties. Turin, ville médaille d'or de la Résistance, a mis le hola aux prétentions fascistes de se montrer sans vergogne. L'exemple doit être suivi par tous. Les libertés d'expression et de fait accordées aux mouvements fascistes ne sont déjà que trop nombreuses. Et le populisme devrait tout autant effrayer car, comme le dit Marie-Anne Batard-Bonnuci dans son livre "Totalitarisme fasciste", "le danger immédiat pour l'Italie est davantage le populisme que le fascisme". Cet ouvrage est sorti il y a onze mois. L'alarme sur le populisme est toujours valable, mais, déplorablement, le fascisme, depuis, fait son chemin. D'ailleurs, Casapound n'a aucune honte à préciser qu'il se tient prêt en cas d'échec des partis anti-système.
Le fascisme a besoin d'ennemis et une partie mécontente du peuple exorcice sa grogne en désignant des boucs émissaires : ce sont les immigrés, les Rom, les Juifs, en bref, tout ce qui n'est pas italien ou pas considéré tel. Et la péninsule nage, actuellement, en plein dans cette fange.
Françoise Beck
Le livre cité est paru au CNRS, voir www.nonfiction.fr
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