Régionales en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne : Au fait c’est quoi l’autonomisme ?
« NON à l’ACAL, OUI à nos régions ». C’est sous ce nom que se présente, en décembre, une liste électorale comprenant des partis autonomistes alsaciens et lorrains. Mais au fait, c’est quoi l’autonomisme ?
Définition
« L'autonomisme est une doctrine politique soutenant l'acquisition ou la préservation de l'autonomie politique d'une nation ou d'une région. » issue de Wikipédia.
En France, l’autonomisme ne s’oppose pas à la République Française, mais plutôt à un de ses aspects controversés : le jacobinisme et en particulier aux inégalités qu’il implique (concentrations des pouvoirs et des richesses à Paris, monolinguisme, absence de subsidiarité, déni de démocratie aux minorités). Il est à différencier de l’indépendantisme puisqu’il ne souhaite pas se séparer de l’état au quel il appartient.
La plupart des pays européens ont des territoires plus autonomes que les subdivisions territoriales françaises et la réforme territoriale renforce encore plus le centralisme français.
La France a horreur de l’autonomisme sur son propre territoire, mais a toujours soutenu l’autonomisme de toutes les minorités francophones dans le monde notamment au Québec ou en Belgique.
Qui est autonomiste ?
D’après la définition précédente toute personne qui souhaite plus d’autonomie politique pour une entité territoriale au sein d’un état est autonomiste.
Philippe Richert (tête de liste LR-UDI-MODEM aux régionales dans la région ACAL) et l’ensemble des élus LR alsaciens ont été autonomistes, parce qu’ils ont cherché en 2013 à promouvoir un projet autonomiste, le Conseil Unique d’Alsace, avec le succès que l’on connait vu la qualité du projet proposé. (Son projet était entaché de petits arrangements politiques entre amis, du même genre que la réforme territoriale et ses présidents délégués et +40% de rémunération pour tous les conseillers).
De même, en ayant manifesté leur mécontentement de juillet à décembre 2014, de voir disparaître la région Alsace au profit de la fusion ACAL, la plupart des élus alsaciens (dont l’intégralité des élus UMP) ont montré leur attachement à l’autonomisme politique de la région Alsace. Ils se sont donc tous montrés autonomistes.
Patrick Binder, l’ex-conseiller régional (FN) du Haut-Rhin était autonomiste, ce qui l’a d’ailleurs brouillé avec son parti, qui est évidemment fortement opposé à toute décentralisation de l’état. On peut encore trouver des personnes de sensibilité autonomiste à l’UDI, au MODEM, chez EELV et même au PS. Notons que PS, EELV, MODEM et UDI se sont déjà alliés à des partis autonomistes.
D’après le dernier sondage sur la satisfaction des français au sujet du redécoupage des régions, 85% des alsaciens sont mécontents de cette réforme. Ils sont donc 85% à être mécontents de la perte d’autonomie de la région Alsace et sont donc également autonomistes. De même 70% des lorrains et champenois sont pour la préservation de l’autonomie de leur région.
L’autonomisme est une question qui intéresse plusieurs régions ou plusieurs peuples de France. En particulier, et depuis toujours, ceux qui souffrent le plus de la politique linguistique très rigide et inégalitaire de la République Française (alsaciens, basques, corses, bretons, lorrains, savoisiens, …).
Dans ces régions on trouve des partis politiques dont la préoccupation principale et prioritaire est l’autonomisme de leur entité territoriale. Ce sont ces partis qu’on appelle plus communément les autonomistes, bien qu’ils ne soient pas les seuls à être intéressés par ces questions, comme on l’a vu ci-dessus.
Les partis autonomistes dans la région ACAL
On dénombre actuellement, 4 partis politiques officiellement autonomistes :
Fondé en 1989 par un ancien député du Front National, Alsace d’Abord est un parti autonomiste alsacien. Ce parti se revendique identitaire et s’illustre par ses prises de positions sur l’islam et l’immigration ce qui lui vaut d’être classé à l’extrême droite. Actuellement quasiment absent de la scène politique, ses positions se concentrent sur le refus de la construction de mosquées et le rejet de l’immigration « extra-européenne ». Il a connu des succès électoraux il y a quelques années.
Un parti politique centriste et écologiste membre fondateur du réseau Régions et Peuples Solidaires, connu précédemment sous le nom d’Union du Peuple Alsacien depuis 1988. Opposé à Alsace d’Abord, il prône un autonomisme ouvert, associé à des valeurs humanistes et démocratiques. Ses priorités sont le maintient du bilinguisme et de la double culture franco-germanique en Alsace, refusant ainsi un repli identitaire franco-français. Par contre, il est souvent amalgamé (notamment dans la presse parisienne) à Alsace d’Abord, il n’est donc pas rare de le voir classé à l’extrême droite ou « identitaire » dans les articles de journalistes mal documentés, contre toute réalité.
Il connait actuellement une grande notoriété en Alsace du fait de son exposition médiatique aux manifestations alsaciennes de 2014 contre le redécoupage des régions aux quelles il a pris part, bien que la plus grande manifestation eut été organisée par l’UMP sous la direction de Philippe Richert, à qui on doit également les caricatures anti-lorrains.
Au premier tour des élections départementales de 2015, Unser Land est arrivé troisième en termes de nombre de voix sur l’ensemble de l’Alsace (14,4% en moyenne) et a devancé le Parti Socialiste. Il sera présent aux élections régionales de décembre.
- Le Parti Lorrain et le Parti mosellan
Deux jeunes partis de Lorraine qui se présentent aux cotés d’Unser Land et de l’Alliance Ecologiste Indépendante sous la bannière « NON à l’ACAL, OUI à nos régions »
Mais de quand date l’autonomisme ?
L’autonomisme est-il né en 2014 du redécoupage inepte des régions décidées par le gouvernement socialiste ? Où est-il né un peu plus tôt par la volonté des atlantistes via l’Union Européenne dans le but de désintégrer les « Etats-Nations », comme l’aimeraient les souverainistes et nationalistes de France ?
La réponse est non, les velléités autonomistes sont bien plus vieilles que le parti socialiste et l’Union Européenne.
Un peu d’histoire
En Alsace, l’autonomisme puise ses origines dans la réalité géographique, culturelle, économique et linguistique du bassin de vie rhénan, cet entre deux qui fait la liaison entre l’espace germanique à l’est et la France à l’ouest.
Intégré au Saint-Empire romain germanique du Xe au XVIIe siècle, l’Alsace a bénéficié pendant des siècles d’une certaine autonomie qui a connu son apogée au moment de l’existence de la décapole. C’est l’âge d’or de l’Alsace.
Cette autonomie, qui prospéra en raison de sa position centrale en Europe perdurera jusqu’au XVIIe siècle où l’Alsace est ravagée successivement par la Guerre de Trente ans opposant catholiques et protestants dans tout le Saint-Empire (où la France catholique paya des mercenaires protestants pour mettre le Saint-Empire à feu et à sang), puis par la conquête française et ses exactions. Depuis cette région particulière a été sans cesse ballotée entre assimilations françaises et allemandes, avec tous les drames humains que cela implique.
En tant que mouvement politique, l’autonomisme est né suite à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par le second empire allemand en 1871. A cette époque, il s’opposa à l’assimilation allemande (ce qui fait qu’il était bien vu par la France), tout en cherchant à garder quelques spécificités françaises (comme le Concordat, qui a justement été maintenu en Alsace-Moselle parce qu’il symbolisait le refus de l’assimilation allemande), mais il visait aussi surtout à faire du Reichsland Elsaß-Lothringen, un état allemand comme les autres, c'est-à-dire autonome.
La naissance de l’autonomisme Alsacien-Mosellan au sein de l’Allemagne s’est donc faite progressivement et a abouti en 1911 à la reconnaissance du territoire en tant que Land, à la mise en place d’un parlement régional à Strasbourg et à l’adoption d’une constitution qui lui était propre. Mais la première guerre mondiale passa par là et mis fin à l’émancipation du Land d’Alsace-Moselle.
En 1919, lorsque l’Alsace et la Moselle sont restituées à la France, les autonomistes, qui étaient devenus une force politique majeure continuent à exister et à avoir des succès électoraux grandissants. Ils défendent maintenant la partie germanique de la culture alsacienne et s’opposent cette fois à l’assimilation française. L’Etat français va alors multiplier les maladresses en imposant une assimilation très dure et surtout une épuration ethnique. En effet entre 100 000 et 150 000 alsaciens seront expulsés vers l’Allemagne, sur des critères ethniques, voir de simple présomptions.
C’est à ce moment là que l’autonomisme alsacien connu ses plus grands succès électoraux, force majeure du nord au sud de l’Alsace.
Qu’en reste-t-il ?
Si l’histoire qu’on enseigne à l’école (le roman national), n’accorde aucune place à ces mouvements qui ont marqué l’histoire, les effets de leurs actions sont aujourd’hui encore vécus par tous les habitants d’Alsace et de Moselle, puisque c’est grâce à eux qu’ils bénéficient d’un Droit Local qui a été une avancée sociale majeure par rapport au droit français. C’est aussi grâce à eux que ces territoires conservent le Concordat d’Alsace-Moselle et qu’une langue minoritaire comme l’alsacien, résiste aujourd’hui un peu mieux à la francisation que les autres langues minoritaires françaises.
Plus d’infos sur l’autonomisme alsacien ? Voir :
- Autonomistes ou nazis ? de Joseph Schmittbiel
- Aux sources de l'autonomisme alsacien-mosellan de Michel Krempper
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