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Accueil du site > Tribune Libre > Relire « Le mur invisible » à l’époque du confinement

Relire « Le mur invisible » à l’époque du confinement

                    

« Aujourd'hui cinq novembre, je commence mon récit. Je noterai tout, aussi exactement que possible. Pourtant je ne sais même pas si aujourd'hui est bien le cinq novembre. Au cours de l'hiver dernier quelques jours m'ont échappé. Je ne pourrais pas dire non plus quel jour de la semaine c'est. Mais je pense que cela n'a pas beaucoup d'importance. Je n'ai à ma disposition que quelques rares indications, car il ne m'était jamais venu à l'esprit d'écrire ce récit et il est à craindre que dans mon souvenir bien des choses ne se présentent autrement que je les ai vécues »

       Qu’est il arrivé pour qu’un mur invisible, d’une vingtaine de kilomètres de rayon peut-être, puisse avoir circonscrit en une nuit toute un alpage verdoyant des Alpes ? Un endroit enchanteur, où cette femme, dans la maturité de l’âge, avait décidé de se retirer quelques jours dans un chalet de vacances, en compagnie de Louise, sa cousine, et d’Hugo, le mari de celle-ci. Un après midi, le couple s’absente, allant faire un tour au village dans la vallée, mais ne revient pas le soir. Au matin, alors qu’elle s’inquiète de leur absence prolongée, elle part à pied sur le chemin, à leur rencontre.

       « Je me relevais trois fois pour vérifier qu’à trois mètres de moi existait bien quelque chose d’invisible, de lisse et de froid, qui m’empêchait de continuer mon chemin. Je me dis qu’il devait s’agir d’une illusion des sens, mais je savais bien qu’il n’en était rien…..J’allongeais la main et je sentis quelque chose de froid et de lisse, une résistance lisse et froide, à un endroit où il n’y pouvait y avoir que l’air.  »

      Voilà les premières lignes du « Mur invisible », ce livre écrit en 1963 par Marlem Haushoffer, Une dystopie, en rapport avec le passé de son pays, et sans doute liée à la crainte d’un conflit nucléaire, alors dans tous les esprits ! Mais on peut voir dans ce livre qui devint rapidement un succès mondial, une évocation des épreuves qui correspondent à tous les formes d’enfermements involontaires, liées aux infortunes, aux guerres ou à la maladie.

     Chacun sera libre d’interpréter le récit de ce long confinement à sa façon, sous l’ère du covid. L’évolution de notre civilisation dans cet univers globalisé, sur fond du réchauffement climatique et de la destruction de l’éco système, sont les paramètres qui modifient la lecture d’un tel livre, relu à cinquante ans de distance.

      Il arrive qu’un livre disparaisse un moment des bibliothèques, au nom d’un turn-over implacable, imposant des titres neufs. Et voilà qu'à la faveur des événements, les classiques traitant des pandémies, comme « La peste », ou « le hussard sur le toit », reviennent dans la vitrine. Ce qui fait la force de ces chefs d'oeuvre, c'est qu'ils peuvent être lus à plusieurs niveaux de compréhension. Outre les aspects cliniques d'une épidémie qu'ils traitent avec talent, ce sont des métaphores sur la résilence. 

      Albert Camus et Jean Giono, ne se sont attardés sur le malheur du monde, que pour mettre en exergue les qualités d’adaptation, d’invention, de résistance et d’entraide. Le malheur révèle les hommes à eux mêmes, et leur valeur aux autres.

      Faute de protagonistes « Le mur invisible » ne traite pas cette systémie de groupe, mais s’attache à celui des ressources propres d’un individu, se retrouvant seul au monde, après un désastre. Daniel Defoe, a traité du même sujet, dans son « Robinson Crusoe ». Mais les deux œuvres divergent.

      Robinson est un naufragé, sachant que le monde continue à vivre par devers lui. Il est animé par un esprit de conquête et de domination sur la nature et les hommes. C'est la marque des pionniers sur le nouveau monde, ne concevant la nature que comme une outre inépuisable, rejetant l'idée même de frontière, et de limite. Robinson a beau être seul, il pense comme un homme de son temps, pénétré de l’esprit de conquête des positivistes. Comme dans les romans de Jules Vernes, autre grand écrivain traversant les apparences grâce à la technique et ses certitudes, la psychologie est y totalement absente.

     L’héroïne de Marlen Haushoffer, est loin de cet état d’esprit. Nul « Vendredi » à dominer, à faire travailler sous ses ordres. Elle n’est pas ethnocentrée, et serait fâchée qu’on la sépare des animaux, ses amis. Le fait qu’elle soit femme met sans doute son champ émotionnel davantage au diapason du vivant.

     Les seules choses communes aux deux œuvres, c’est que les deux naufragés, qu’ils soient cloîtrés dans un alpage des alpes, ou sur île lointaine, gardent le désir de vivre, s’initient à l’économie de survie, et comptent les jours, voulant ne pas perdre leurs derniers repères temporels !

      Un bon livre ne donne pas de traitement pharmaceutique, ni de vaccin, mais soulage, en mettant en perspective des expériences singulières qui modifient notre regard. L’auteur peut être ainsi un shaman, qui met en relations les hommes, en recherche de sens, d’humanité, et d’entraide.

      Que le livre soit déjà ancien, ne signifie pas qu’il soit daté. Il peut même être, comme celui-ci, furieusement moderne ! Notre histoire n’est qu’un écho de ce que d’autres ont vécu avant nous, et souvent de façon encore plus cruelle.

       Relire un livre presque un demi siècle après la première lecture est un voyage en soi même. Le livre n’a pas bougé, mais il est investi maintenant de notre histoire, et des mouvements du monde.

      A l'heure du covid, nous voilà plongés dans une expérience de confinement inédite, cassant les schémas de développement et de certitudes, et révélant notre dépendance à cette terre endommagée.

        Derrière ce mur invisible et transparent, elle aperçoit quelques formes immobiles, comme extraits du conte de la belle au bois dormant. Mais le mur la protège des odeurs de putréfaction. Ont-ils lâché des gaz mortels ?...Elle voit une vieille femme effondrée sur un banc, près de la maison. Un chien près d’elle, semblant dormir aussi. Le catastrophe l’a-t-elle mise vraiment du bon coté du mur ?

       « Si c’était ça la mort, elle avait été très rapide et douce, presque tendre. J’aurais peut-être mieux fait d’aller au village avec Louise et Hugo. »

    

    En tout cas, s’il y a un vainqueur, il tarde à se signaler. Sa radio n’émet plus que des parasites, d’une station à l’autre. Tout est brouillé ! Nous ne saurons jamais quelle a été la cause de ce grand bug sur lequel il est inutile de s’étendre et de se morfondre.... Quand elle réalise, bien longtemps après, qu'aucun avion, ne serait-ce celui des "vainqueurs" n'a traversé le ciel, contrairement aux nuages, qui se moquent du mur, elle comprend ce que cela signifie pour elle. 

       «  À ce moment-là, je n’avais pas encore perdu l’espoir ; il résista longtemps. Même quand je dus m’avouer que je n’avais plus aucune aide à attendre, cet espoir insensé resta en moi ; un espoir contraire à toute raison et contraire à ma propre conviction. »

    

      Le choix qu’a fait l’auteur de placer ce récit glaçant dans un décor proche du sublime, avec une nature magnifiée, rend curieusement encore plus prégnant, par cette dichotomie, le sentiment d’angoisse, lié à la transformation du regard.

      « Pour la première fois, je ne trouvais pas la gorge belle et romantique, mais seulement humide et sombre…. »

      Mais elle se reprend. Après la sidération, il faut bien vivre !. Peut-être aurait elle abdiqué si quelques animaux ne dépendaient pas maintenant d’elle. A son chien « Lynx », vont s’ajouter quelques rescapés : Une chatte quasi sauvage, qui ne va pas tarder à mettre bas, et « Bella », la douce vache aux mamelles pleines de lait, qu’il lui faut traire, et qui devient une sorte de déesse d’abondance.

       «  Pendant que je m'occupais de l'étable, la vache était dans le pré et paissait. C'était un bel animal aux os fins, aux formes arrondies et d'un gris-brun. En quelque sorte elle produisait une impression gaie et juvénile. La façon qu'elle avait de tourner la tête de tous côtés, en arrachant les feuilles des buissons, me faisait penser à une jeune femme coquette qui regarde par-dessus son épaule avec des yeux bruns et humides. Cette vache m'alla droit au cœur, son aspect était vraiment trop réjouissant  ».

      La rédaction de ce journal dont elle pense qu’il sera mangé par les souris, tout en espérant malgré tout quelqu’un pour le lire un jour, lui permet de fixer ses idées, et de rêver d’une transmission possible. C’est un va et vient entre ce qu’elle était hier, et la femme qu’elle est devenue.

     « Quand je repense à ce premier été, il m’apparaît bien plus marqué par le souci que je me faisais pour mes bêtes que par le caractère désespéré de ma propre situation. La catastrophe ne m’avait déchargée d’une grande responsabilité que pour, sans que je le remarque, m’accabler d’un autre fardeau. Quand je pus enfin comprendre ce qui se passait, je ne fus plus en mesure de n’y rien changer ! »

 

       Elle n’a rien à attendre d’un comité d’édition. Les livres peuvent dormir dans les greniers, plus personne ne les lira. Ils ne racontent plus que des histoires étranges, des drames bourgeois, des adultères apparaissant maintenant autant de comédies ridicules.

      Madame Bovary s’est mise au jardin pour survivre, et la marâtre de Blanche Neige ne demande plus au miroir s’il en est une de plus belle qu’elle au monde. Elle doit s'occuper de faucher les foins avant la pluie ! Dans les premiers temps elle a tenté de lire un roman policier, mais il lui est tombé des mains. Il n’y aura jamais d’enquête ici, sur les causes de la catastrophe, et la recherche de la désignation d’un coupable.

      La scène du crime, c’ est le monde entier !

 

        Il n’y aucune raison de se préoccuper de ce qu’elle ne peut changer ! Il lui faut apprendre à connaître ses limites, et respecter la sentence stoïcienne : « Limite-toi aux désirs que tu peux satisfaire  ». Mais son seul désir est de survivre, et de protéger ses animaux qui la regardent comme un guide. Elle n’a guère besoin de lire Epicure pour savoir que posséder un abri, et des amis, sont des besoins fondamentaux, et correspondent à sa seule vérité.

      Si elle fait l’apprentissage des ampoules aux mains, elle fait l’économie des manuels d’éthique. Nous sommes au delà du monde des idées abstraites, mais liés uniquement à la nécessité, ce qui n’exclue pourtant pas le rêve, et les notions d’extase, liés au quotidien. La vie pratique gouverne ses choix et surtout ses devoirs !

 

 

       « J’avais découvert un almanach paysan qui me semblait intéressant. Il contenait un grand nombre d’enseignement sur le jardinage et l’élevage, et j’avais besoin d’en savoir davantage sur le sujet » 

 

       Et c’est ainsi que l’impossibilité d’un ailleurs, lié à l’emprisonnent crée cet espace de liberté, à travers les limites qui font loi, et de mise à distance du superflu. Elle peut alors avoir la satisfaction de se livrer à son journal sans mensonge ni pudeur

 

 

        « Ce dix Mai en me réveillant, je pensais à mes enfants, comme à des petites filles qui trottinaient main dans la main sur le terrain de jeux. Les deux autres à peine adultes, plutôt désagréables, peu aimantes, querelleuses, que j'avais laissées en ville, était devenues tout à fait irréelles. Ce n'était pas leur mort que je pleurais, mais uniquement celle des enfants qu'elles avaient été de longues années auparavant. Il est probable que ça paraîtra cruel, mais je ne vois vraiment pas à qui je devrais encore mentir aujourd'hui.

       Je peux me permettre d'écrire la vérité, tous ceux à qui j'ai menti pendant ma vie sont morts ».

 

     L’échelle des valeurs se conforte donc à celles de la survie. Elle se voit accorder de l’importance à ce qu’elle méprisait hier, et rejette tout ce qui n’est pas lié à la vie pratique, à la nécessité et à la prévoyance. Son corps trop mou de bourgeoise oisive, soumis maintenant aux privations et au travail, va perdre des kilos, et lentement se transformer en celui d’une travailleuse de force, tirant leçon de ses échecs et de ses blessures.

    « Je travaillais tranquillement et régulièrement, sans trop me fatiguer. La première année, je n’en avais pas été capable tout simplement parce que je ne savais pas trouver le rythme convenable depuis, j’avais appris comment il fallait s’y prendre et m’étais adaptée à la forêt.

       En ville on peut vivre de longues années d’une façon trépidante, le système nerveux s’en trouve ruiné mais on peut tenir longtemps. Mais personne n’est capable de faire des ascensions en montagne, de planter des pommes de terre de couper du bois ou de faucher pendant plusieurs mois de façon trépidante. La première année où je n’étais pas adaptée, j’avais dépassé mes forces au point que jamais je ne pourrais me remettre complètement de ces excès. »

      C’est un combat et c’est autant une soumission. Insidieusement elle prend le large avec cette autre moi venant du passé, aux soucis et aux désirs futiles, aimant les bijoux et les fards, et qu’avec le temps elle finit par considèrer comme une étrangère. Son nom d’ailleurs ne signifie plus rien, puisqu’il n’y a plus personne pour la nommer.

     Les animaux, ses seuls amis, l’interpellent d’une autre façon. L’enfer, c’est les autres, disait Sartre, disant par là que c’est l’opinion que les autres ont de nous qui nous structure. « Pourquoi  ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont — nous ont donnés — de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. » (Jean Paul Sartre-interview, à propos de « l’enfer c’est les autres)

      Mais qu’en est il si les hommes disparaissent ? Alors il reste la nature, et les animaux. Et sans doute la loi morale en nous, comme disait Emmanuel Kant. Et le ciel étoilé au dessus de notre tête.....

     « Je rêve souvent d’animaux. Ils me parlent comme des humains et dans mes rêves cela me semble tout naturel. Les gens qui peuplaient mes nuits pendant le premier hiver ont complètement disparu. Je ne les vois plus jamais. Ils ne se montraient pas particulièrement aimables dans ces rêves, alors que les animaux y sont amicaux et plein d’entrain. Mais à la réflexion il n’y a là rien d’étonnant, cela montre tout au plus ce que j’ai toujours attendu des hommes et ce que j’ai toujours attendu des animaux. »

      La mort et la folie sans doute ne sont pas loin. Elle en a une conscience aiguisée. Et c’est pour cette raison qu’elle devient si exigeante et prudente, sachant que le moindre faux pas pourrait être lourd de conséquence

     « Ce n'est pas que je redoute de devenir un animal, cela ne serait pas si terrible, ce qui est terrible c'est qu'un homme ne peut jamais devenir un animal, il passe à côté de l'animalité pour sombrer dans l'abîme ».

     Vivre jusqu’au jour d’après. Jusqu’au printemps prochain. Ce sont des étapes qu’elle se fixe en rapport avec sa maigre production de haricots de pommes de terres, la terreur d’une blessure, d’un handicap possible . Jamais elle ne se dépare de cette sourde anxiété de l'animal sur ses gardes, qui est le quotidien des animaux dans la nature, sous la menace perpétuelle d’un prédateur. Le confort moderne nous a donné la sécurité, mais il a mis nos sens en hibernation, et nous a privé de cette forme d’intelligence aux aguets..

      Les bonheurs surgissent par inadvertance, liés aux plaisirs simples de la rencontre avec l’animal, à la beauté de la nature dont elle redoute pourtant la violence.

 

     « Les barrières entre les hommes et les animaux tombent très facilement. Nous appartenons à la même grande famille et quand nous sommes solitaires et malheureux, nous acceptons plus volontiers l'amitié de ces cousins éloignés. Ils souffrent comme nous si on leur fait mal et ils ont comme nous besoin de nourriture, de chaleur, et un peu de tendresse »

     C’est une existence de travail, mettant ses forces à rude épreuve, faite d’économie et de ravaudage, où la paresse et la gourmandise n’ont pas leur place. Entre mouvements de dépressions sur lesquels l’auteur ne s’étend guère, refusant le pathos, et l’auto apitoiement, elle parvient à faire de ce récit un des plus beaux sur la condition humaine, exaltant l’esprit de ressource, de résilience. Son journal permet de suivre son évolution, et ses lignes, écrites au début des années 60, résonnent d’une ferveur écologique.

 

 

      "Ici, dans la forêt, je me trouve enfin à la place qui me convient. Je n’en veux plus aux fabricants d’autos, ils ont depuis longtemps perdu tout intérêt. Mais comme ils m’ont torturée avec des choses qui me répugnaient ! je n’avais que cette petite vie et ils ne m’ont pas laissé vivre en paix. Maintenant que les hommes n’existent plus, les conduites de gaz, les centrales électriques et les oléoducs montrent leur vrai visage lamentable. On en avait fait des dieux au lieu de s’en servir comme objets d’usage".

 

      "Moi aussi je possède un objet de ce genre au milieu de la forêt : la Mercedes noire de Hugo. Quand nous sommes arrivés avec, elle était presque neuve. Aujourd’hui, recouverte d’herbe, elle sert de nids aux souris et aux oiseaux. Quand la clématite fleurit au mois de juin, elle devient très belle et se met à ressembler à un gigantesque bouquet de mariée. Elle est belle aussi en hiver lorsqu’elle est brillante de givre ou se couronne d’une coiffe blanche"

    La fin de la civilisation et la perte des repères, le contact obligé avec le milieu naturel, les ressources trouvées en soi pour survivre, voilà les thèmes de ce livre somptueux, qui place très haut la notion de respect. Je pense d’abord à celui envers nos frères animaux, mais aussi à tout ce qui se rapporte à la vie, dans ce monde où tout est systémie. 

 

       Ce n’est pas un discours savant et aseptisant comme le produisait la logique de Descartes, et sa curieuse conception de « L’animal machine ». Le ressenti et l’émotionnel sont en synergie avec l’intelligence. La vision panthéiste du monde qui en émerge a changé la conception de ce « Je » avec une telle acuité qu’elle transporte le lecteur, et casse souvent ce mur invisible.

 

      « J'avais passé presque toute mon existence à me débattre au milieu d'humbles soucis quotidiens. Maintenant que presque plus rien ne m'appartenait, j'avais le droit d'être assise en paix sur le banc et de regarder les étoiles qui dansaient dans la noirceur du firmament. Je m'étais éloignée de moi-même aussi loin qu'il était possible à un homme de le faire et je me rendais compte que cet état ne devait pas durer si je voulais rester en vie »

      On peut épiloguer longtemps sur le sens du titre. Et si au lieu de définir cette muraille, tombée en un instant sur le pays, il parlait d’abord de la coupure invisible que l’on a établi en nous, mettant la nature et l’émotion à distance ?

Mais le secret du livre, le mantra qui permet de donner un sens au récit est livré plus d’une fois.

     « Aussi longtemps qu'il y aura dans la forêt un seul être à aimer, je l'aimerai et si un jour il n'y en a plus, alors je cesserai de vivre ».

 


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15 réactions à cet article    


  • nono le simplet 1er décembre 2020 10:33

    ah !!! belle écriture comme dab ... et troublant me concernant ...


    • velosolex velosolex 1er décembre 2020 12:49

      @nono le simplet
      Salut
      Je voulais au départ traiter plusieurs dystopies, amenant le confinement, mais « le mur invisible » est finalement un sujet assez riche en lui même. 

      J’avais pensé à quelques autres livres qui valent aussi vraiment la peine. 
      Ainsi, « Dans la forêt », de Jean England, sorti il y a quelques années, un livre vraiment étonnant aussi. Deux soeurs se retrouvant dans la grande maison de leurs parents, au coeur de la forêt, alors que la société disparait peu à peu. 

      « Dans la forêt », est le titre aussi en français d’un roman de Edna O’Brien, la grande écrivaine irlandaise, qui traite là d’une autre sorte de confinement, lié à la folie, sans doute la plus complète. 

      A retenir aussi le très beau livre de Michel Tournier, « Robinson ou les limbes du pacifique », qui revient sur le thème de Dufoe, mais cette fois en incluant l’élément psychologique et panthéiste qui manquait à l’œuvre première


    • velosolex velosolex 1er décembre 2020 12:49

      @nono le simplet
      Salut
      Je voulais au départ traiter plusieurs dystopies, amenant le confinement, mais « le mur invisible » est finalement un sujet assez riche en lui même. 

      J’avais pensé à quelques autres livres qui valent aussi vraiment la peine. 
      Ainsi, « Dans la forêt », de Jean England, sorti il y a quelques années, un livre vraiment étonnant aussi. Deux soeurs se retrouvant dans la grande maison de leurs parents, au coeur de la forêt, alors que la société disparait peu à peu. 

      « Dans la forêt », est le titre aussi en français d’un roman de Edna O’Brien, la grande écrivaine irlandaise, qui traite là d’une autre sorte de confinement, lié à la folie, sans doute la plus complète. 

      A retenir aussi le très beau livre de Michel Tournier, « Robinson ou les limbes du pacifique », qui revient sur le thème de Dufoe, mais cette fois en incluant l’élément psychologique et panthéiste qui manquait à l’œuvre première


    • nono le simplet 1er décembre 2020 12:53

      @velosolex
      salut salut
      voilà que tu bégayes ... ça a été la bonne surprise de ma levée nocturne 


    • velosolex velosolex 1er décembre 2020 13:01

      @nono le simplet
      Je crois qu’un mur invisible m’ est tombé dessus et m’a dédoublé.
      Savoir de quel coté du mur je suis maintenant, après de bégaiement ?..
      .Au moins une protection contre le covid, et contre les pandores de Darmanin. 
      La lecture de ce livre m’a très troublé, en ces temps obscurs. Beaucoup plus qu’à la première lecture. Il est passé de la fiction à la réalité. 
      Ca m’a donné envie d’en savoir plus sur l’auteur. On n’écrit pas un tel livre par hasard. Aurait elle pris un mur dans la gueule ?


    • sophie 1er décembre 2020 10:51

      Effectivement un texte qui a du contenu et du style, merci à l’auteur ( en plus je ne connaissais absolument pas.


      • I.A. 1er décembre 2020 11:51

        Beau et instructif. Merci


        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er décembre 2020 20:50

          Vélo . Tu écris très bien et sais très bien lire...Mais bon comme tout à chacun avec prismes . Pas envie de lire ce livre en ce moment , j’ai envie de rires premiers degrés..

          .


          • velosolex velosolex 1er décembre 2020 21:31

            @Aita Pea Pea
            Je comprend très bien. Ce qui m’’a intéressé, c’est le récit hors pair.
            Mais s’il met la tête dans les étoiles, il met aussi le moral dans les chaussettes. 
            Moins déprimant tout de même que les mémoires de Michel Drucker. 
            J’ai lu un très bon livre de Francesca Melandri. « Tous sauf moi ». Sur les migrants et l’Ethiopie. Mais là aussi c’est très dur.
            A te donner envie parfois de te protéger par un mur invisible. Le mur a cette fonction aussi, dont cette auteur ne parle pas, mais qui est peut être bien la clé de voute. L’essentiel est souvent ailleurs, ou juste à portée de regard, comme cette nouvelle d’edgar Poe : La lettre trouvée. 
            Francesca Melandri, je l’ai découvert l’an passé. « Plus haut que la mer ». Tu perdrais pas ton temps. Une petite merveille. 
            Cette après midi, j’ai acheté quatre bouquins à la ressourcerie. « Voyage avec ma tante », de Graham Greene. J’avais pris mon pied en le lisant il y a un millier d’années. J’ai un peu oublié. Je crois que c’est très marrant, et pas con du tout. 
            Trois autres bouquins aussi. La suite de cette saga écrite par Elena Ferrante. J’ai lu « l’ami prodigieuse ». Ca sent l’Italien, la dolce vita, mais pas tous les jours. Et c’est très bien. Y a une vue sur le vésuve, entre deux buildings


          • Fergus Fergus 2 décembre 2020 09:09

            Bonjour, velosolex

            Bel article sur des réflexions finalement intemporelles, les murs invisibles pouvant effectivement être de natures différentes, entre les limites qui sont imposées par un pouvoir et les limites que, consciemment ou pas, l’on s’impose à soi-même.

            Je ne connaissais pas ce livre de Marlen Haushofer. Voilà qui donne envie de le lire. Merci à vous.


            • velosolex velosolex 2 décembre 2020 10:35

              @Fergus
              Merci Fergus. Comme je sais vos origines paysannes, vous serez sans doute à la lecture quelque peu critique en rapport avec le scénario paysan, et, par exemple les temps de lactation de la vache, qui semble n’être qu’une source d’abondance.
              Mais la force du livre est de ramener l’homme face à l’adversité et d’y faire front. En ramenant les angoisses existentiels que nos ancêtres paysans devaient avoir devant la grande précarité de l’existence, et les colères de la nature
              La première partie du livre est sans doute plus intéressante que la seconde, où les situations se répètent. Mais il y a de très belles pages. Et comme je le disais auparavant, il y a de multiples lectures à faire, qui courent longtemps en nous. Comme une sorte de rêve, avec des épisodes cauchemardeux, dont nous tentons de comprendre le sens, après le réveil. 
              Freud disait que le rêve est un accomplissement du désir. Le mur me semble se référer à cette explication. Peut être serait il possible de faire une adaptation cinématographique de l’œuvre, en transformant ce mur en barrière mentale pure, impossible à dépasser. C’est ainsi qu’on se préserve parfois, en connaissant ses limites. 
              Il convient de garder intactes certaines frontières, si on ne veut pas que tous les prédateurs profitent de l’opportunité. 


            • Gollum Gollum 2 décembre 2020 10:55

              Tiens je me suis arrêté sur votre texte ce matin.. Pas mal du tout.

              J’en ai tiré ceci :

              Mais qu’en est il si les hommes disparaissent ? Alors il reste la nature, et les animaux.

              Phrase avec laquelle je me sens en affinité totale. J’ai toujours été déçu par les humains (et ça continue) jamais par les animaux.

              Je me sens animal, je rêve animal (je dois avoir un esprit totémique, primitif), j’ai horreur du béton, de la ville... Je suis misanthrope et le revendique.

              Le seul avantage de la civilisation c’est la culture. Mais c’est cher payé. On ne s’en rend pas forcément compte d’ailleurs..


              • velosolex velosolex 2 décembre 2020 12:34

                @Gollum
                La nature et autant les animaux nous consolent
                J’ai retenu aussi que la nécessité de vivre en relation avec eux, nous force au respect et à la préservation, alors que l’illusion de la maitrise, comme celle issue des technologies, nous écarte de la vie, et par là nous met en danger.
                 
                Il en de même pour les relations entre les hommes. Plus nous nous sentons puissants, moins nous nous sentons solidaires, avec les risques de mépris, d’exclusion que cela comporte, et les retours de manivelle sur le temps long, mettant en jeu nos propres intérêts. 

                Pendant longtemps la culture Allemande fut un phare...C’était avant que des docteurs en philosophie rentrent dans le parti nazi. La littérature allemande a tenté de questionner cette douleur, qui reste prégnante. Je pense à Henrich Böll, plus trop lu à tort maintenant, ou à Durrenmatt. Bernard Schlink ou Gûnther Grass. 


              • lisca lisca 2 décembre 2020 11:22

                Bravo !

                J’avais vu le film : le mur, et il préfigurait très bien le « confinement ».


                • velosolex velosolex 2 décembre 2020 12:52

                  @lisca
                  J’ai vu le film aussi. Bien plus réussi que beaucoup de critiques sévères l’ont exprimé. 
                  Sr le confinement, je pense à cet autre grand livre intemporel, qu’est « La Montagne magique », de Thomas Mann. Un livre assez épais, que j’ai relu lui aussi, tant son ambiance particulière ramène la nécessité d’y retourner, comme un patient en cure. 
                  Un sana pour tuberculeux à la fin du siècle, perché lui aussi sur les hauteurs des alpes, à Davos semble t’il. Thomas Mann lui même y fit un séjour. 
                  La notion de temps est bousculée. Les premiers jours semblent ne pas finir, avant que le patient se soumette aux règles, et que les années finissent par passer comme un souffle. . 
                  Les rapports entre les malades obéissent à des rituels immuables, et la promiscuité de la mort, et d’une nature somptueuse, se centrifugent dans une dynamique similaire à ce livre. 
                  On y parle de philosophie, et on échange ses radios pulmonaires, comme des cadeaux intimes. Je me souviens d’un chapitre quasi mystique, où le héros, parti en ski, perdu dans la tempête, est tout proche de la mort...
                  Mais la montagne magique derrière son mur invisible, invite tôt ou tard aux patients à se bousculer, et à retourner au monde, et ses désordres. 
                  La lecture de tels livres dans des circonstances difficiles de la vie, est encore plus édifiante, par leur qualité de ramener l’essentiel aux lecteurs. 

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