Remaniement ministériel : des choix politiciens qui sèment la « zizanie » en Macronie
Rachida Dati, transfuge du parti LR, et maire du 7e arrondissement de Paris qui qualifiait de traîtres les personnalités PS et LR ayant rejoint Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat, vient à son tour de les imiter avec le récent remaniement ministériel. Si on y ajoute la bien curieuse maladresse de la ministre Amélie Oudéa-Castéra, on peut comprendre que cela ait semé la "zizanie" en Macronie.
La personnalité politique pour l’une ou justification maladroite donnée lors de sa première rencontre avec des enseignants pour l’autre ont masqué la réalité de ce nouveau gouvernement
La nomination du jeune et brillant Gabriel Attal récent ministre de l’éducation nationale au poste de premier ministre, en remplacement d’Elisabeth Borne qui va redevenir simple députée et pour le ministère de la culture, qui est essentiel pour la connaissance, le savoir, la création et la sauvegarde du patrimoine, au premier rang duquel le rôle des architectes, le débauchage de la très « politicienne » Rachida Dati et ex-éminente personnalité de LR qui va occupé cette fonction où elle est particulièrement controversée, furent à l’avant scène publique de la constitution de ce nouveau gouvernement. Mais, la réalité de ce Gouvernement, malgré la culture de gauche du premier ministre comme l’était sa prédécesseure, par les combinaison politiciennes du président de la république, il a nettement pris un virage à droite… Ce qui est loin d’en rassurer certain(e)s au sein des partis présidentiels, mais pas seulement, notamment les organisations syndicales et associatives de défense des citoyens...
Attention ! Outre la zizanie semée dans les rangs des partis présidentiels, cela n’augure rien de bon pour la suite de la gouvernance à venir de l’ère Macron, car Emmanuel Macron, pour la première fois d’une présidence de la république dans l’histoire de la 5e république un gouvernement ne dispose pas de majorité absolue à l’assemblée nationale et ce ne sont pas les opérations de récupérations diverses à LR qui changeront quoi que ce soit.
La nomination de Rachida Dati loin de faire l’unanimité, tant du coté de LR, que des gens de culture
Si un rapprochement avec LR était escompté par l’arrivée de l’une de ses personnalités les plus en vue, avec l’objectif en filigrane d’affaiblir ce parti, il semble bien que de ce coté là ce fut « un coup d’épée dans l’eau » dès lors que Rachida Dati fut immédiatement exclue de LR, dont les dirigeants semblaient plus que furieux à son égard.
Mais il y en a aussi du coté de la culture. « Tout le monde est un peu abasourdi. » C’est ce qu’on entendait, le 12 janvier, au Théâtre national de Bretagne à Rennes, de la part d’un metteur en scène et d’un comédien. « Nommer Rachida Dati est absurde, nous ne sommes pas dupes des accords politiques mais on s’attendait à quelqu’un de plus compétent… »
Joël Brouch, directeur de l’Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine (Oara), abonde en ce sens. Il se dit d’autant plus abasourdi que « Rachida Dati n’a jamais manifesté un quelconque intérêt pour la culture ». Pour lui, cette nomination « relève d’une provocation, dangereuse dans le contexte de la grande fragilité dans laquelle évolue la culture aujourd’hui ».
Du côté des artistes, le remplacement de Rima Abdul Malakau ministère de la culture par Rachida Dati qui est le 5e en moins de 7 ans depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Il y a eut effectivement : Françoise Nyssen (17 mai au 16 octobre 2017) – Franck Riester (16 octobre 2018 au 06 Juillet 2020) – Roselyne Bachelot ( 06 Juilet 2020 au 20 Mai 2022) – Rima Abdul-malak (20 Mai 2022 au 11 Janvier 2024) – Rachida Dati (du 11 Janvier 2024 en cours). Or, pour cette dernière nomination au ministère de la culture, il y a toutefois de sérieuses interrogations sur ce choix. Par exemple le comédien et chanteur François Morel tacle : « Rachida Dati, peut-être cultivée, mais elle s’est peu impliquée dans la culture. Macron méprise la culture, Dati méprise ses électeurs. Finalement le jeune apparatchik Attal fait de la politique à l’ancienne. »
Le chanteur nantais Dominique A est également sévère : « Rachida Dati n’a pas montré, à ma connaissance, d’intérêt pour la culture. Le chef de l’État a un goût de la transgression maladif. Nous avions une ministre aux compétences sérieuses sacrifiée pour des histoires de boutique. »
Par rapport à « l’exception culturelle Française, évoqué par La nouvelle ministre de la culture
Lorsque à sa prise de fonction, Rachida Dati évoque la question de « l’ exception culturelle Française » a-t-elle au moins conscience que cette formule apparaît avant tout comme un enjeu de politique mondiale. Elle concerne le rapport entre la norme nationale et la norme internationale. Les Etats qui en sont les protagonistes agissent en vertu de leurs visions du monde, et donc de leur rapport à la culture. Or, ce rapport varie naturellement d’un pays à l’autre.
On ne peut que rappeler et regretter que dans certains pays, la segmentation des marchés audiovisuels ou musicaux entre œuvres nationales et œuvres américaines, laisse une place anecdotique à celles des autres pays. La France n’y échappe d’ailleurs pas et la position sur l’exception culturelle s’en ressent naturellement. Il est dès lors important pour la compréhension du débat d’opérer une distinction entre la règle de l’exception culturelle, fixée au niveau international, et le contenu d’une politique menée à un niveau national ou européen qui réserve à la culture un traitement différencié par rapport aux règles du marché.
Il ne faut pas oublier que l’expression « exception culturelle », à laquelle est parfois préférée celle de « diversité culturelle », est née il y a plus de 30 ans. En 1993, à l’instigation de la France, l’Union européenne a décidé l’instauration d’un statut spécial pour les œuvres et la production audiovisuelles visant à les protéger des règles commerciales de libre-échange. Cette mesure repose sur l’idée que la création culturelle ne constitue pas et ne doit en aucun cas être un bien marchand comme les autres.
Ne pas oublier également qu’en France la culture pour les grands domaines que sont le spectacle vivant, le patrimoine, l'architecture, les arts plastiques, la musique enregistrée, l'archéologie, l'édition ou encore les jeux vidéos n’est pas un bloc monolithique totalement centralisé. Il y a aussi une décentralisation de la culture, qu’il s’agisse de la diversité de la création, comme du patrimoine où les collectivités territoriales, en particulier les régions avec les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) reçoivent des subventions de l’État et disposent dès lors de moyens pour conduire diverses de ces actions culturelles.
En 2023 Les moyens globaux destinés aux interventions de l’État dans ce secteur atteignent 4,217 milliards, soit +271 millions (+6,9 %) par rapport à 2022. Ils sont complétés par 3,8 milliards consacrés à l’audiovisuel public, 769 millions de taxes affectées (généralement fléchées vers le théâtre, le cinéma et le spectacle vivant privé) et 2 milliards de dépenses fiscales. Soit un budget global de 11 milliards (+114 millions et +3,1 %). Fil rouge de ce budget 2023, « favoriser l’accès à la culture pour tous », se décline en 7 priorités, dont plusieurs doivent ruisseler vers les territoires. (https://www.lagazettedescommunes.com/827150/budget-de-la-culture-2023-faire-plus-avec-les-territoires/ )
Le rôle d’un(e) ministre de la culture doit veiller à préserver les différents équilibres financiers et ne pas oublier que le plus grand décideur de la bonne ou de la mauvaise santé économique de la culture est évidement son public. En écoutant de la musique enregistrée, en assistant à des spectacles, en visitant une exposition, en achetant le dernier ouvrage de leur auteur favori, ou en achetant une affiche à la boutique d'une salle de concert, chaque citoyen et citoyenne participe et se fait mécène de la culture. Se nourrir de culture, c'est aussi soutenir des millions d'emplois liés à ses divers domaines.
La ministre Rachida Dati présente toutefois une faiblesse qui peut la rendre encore plus vulnérable sur le plan politique et altérer ses capacités d’action au service de la culture.
Cette ministre de la culture, outre les controverses qui marquent sa capacité à appréhender la complexité de sa mission culturelle et le regret pratiquement unanime du départ de sa prédécesseure Rima Abdul Malak, elle fait l’objet d’une mise en examen depuis 2021, pour corruption passive. Le Parquet national financier (PNF) cherche depuis 2019 à connaître les conditions de rémunération de la maire du VIIe arrondissement par le groupe automobile Renault-Nissan de 2010 à 2012 quand Carlos Ghosn en était le patron.
Les soupçons concernent 900 000 euros versés de 2010 à 2012 par Renault et Rachida Dati a toujours démenti les accusations à son encontre. Mais, le tout tourne autour de la question : a-t-elle été rémunérée 900 000 euros pour des activités de conseil (elle est avocate) ou cela correspond-il à un emploi de complaisance pour masquer des activités de lobbying qui sont interdites pour des parlementaires européens ? Bien que la notion de présomption d’innocence ne puisse faire la moindre remise en cause, cela créait un préalable pour une personnalité entrant dans une fonction ministérielle, avec les conséquences politiques que l’on peut imaginer. Mais suivant la durée nécessaire des procédures le jugement peut intervenir qu’en 2025 ou 2026 et si on y ajoute les délais en cas d’appel éventuel, excepté une dissolution de l’assemblée nationale, elle peut poursuivre sa mission jusqu’en 2027 sans être trop inquiété... Sauf qu’un procès relayé par les médias peut avoir un effet désastreux sur le plan électoral à venir pour la Macronie à ce moment là...
Pour rappel : La « jurisprudence Balladur » voulait cependant qu'un(e) ministre mis en examen démissionne aussitôt, officiellement pour « pouvoir préparer sereinement sa défense », plus prosaïquement pour ne pas compromettre la réputation du gouvernement auquel il appartenait. Au nom du respect de la présomption d'innocence, Emmanuel Macron s'est affranchi de cette règle, il est vrai écrite dans aucun texte. Concernant d’ailleurs la mise en examen de Rachida Dati « Mise en examen, ce n’est pas une condamnation, cela ne signifie pas une culpabilité », a déclaré sur TF1 Gabriel Attal, le Premier ministre, jeudi 11 janvier, qui était questionné sur la situation judiciaire de sa ministre de la culture. Certes, mais tout de même ! On ne peut pas dire que ce soit très élégant à l’égard des magistrats… Mais également une bonne opération politique avec le débauchage de cette personnalité pour occuper ce ministère.
Avec la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé religieux, qui pose par ailleurs un problème concernant cet établissement, par une justification très maladroite, la ministre Amélie Oudéa-Castéra a mal inauguré sa prise de fonction
Si la justification de la ministre concernant la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé religieux n’est en aucun cas condamnable, elle est tout au plus maladroite. Plutôt que d'indiquer que c'était du aux absences répétées des enseignants non remplacés, elle aurait dû rappeler que l’enseignement privé relève de l’autorité du ministère de l’éducation nationale, tant sur le plan administratif que pédagogique, et cet établissement est donc placé sous son autorité. Par contre, l’on peut s’interroger à propos de l’établissement d’enseignement privé « Stanislas « où sont scolarisés les enfants de la ministre et dont la devise est : « Français sans peur, chrétien sans reproche. » En effet, selon certains observateur il s’agit de l’un des établissements les plus prestigieux de France où sont scolarisés les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra. De l’école primaire aux classes préparatoires, en passant par le collège et le lycée, cette institution catholique fondée en 1804 n’a qu’un but : former l’élite française pour « réussir et servir ». Sauf que cet établissement, où d’ailleurs les garçons sont totalement séparés des filles, a fait l’objet de témoignages dénonçant « un univers sexiste, homophobe et autoritaire » , ce qui est peut conforme aux exigences de l’enseignement public. Des témoignages publiés dans la presse ont, par ailleurs déclenché une enquête de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche « afin d’identifier d’éventuels dysfonctionnements ». Selon Médiapart, les conclusions du rapport qui n’ont pas été rendues publiques, sont désormais entre les mains d’Amélie Oudéa-Castéra…En espérant qu’elle le rende public... ( https://www.mediapart.fr/journal/politique/120124/la-ministre-de-l-education-choisi-un-etablissement-prive-ultra-reac-pour-ses-enfants?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3-5 )
Comme le souligne par ailleurs un ami, la ministre de l’enseignement Amélie Oudéa-Castéra est le 4 ème ministre en moins de deux ans (Jean-Michel Blanquer – Pap Ndiaye – Gabriel Attal - Amélie Oudéa Castéra) et de rajouter : « L'inconstance est catastrophique alors que l’Éducation a besoin d'une ligne claire et solide. Ce nouvel épisode démontre s'il en était encore besoin la fracture entre le public et le privé et son univers de castes. J'ai une pensée pour Savary qui en 1982 souhaitait réunifier les deux entités. » Naturellement on ne peut que partager ce qu’exprime cet ami, en espérant toutefois que le premier ministre Gabriel Attal puisse imposer à ce ministère de l’éducation nationale l’action qu’il convient en l’inscrivant dans la durée selon les valeurs fondamentales de l’enseignement public, ce qui suppose de sanctionner sévèrement toutes dérives à ces valeurs. Il est évident qu’un enseignement sur toile de fond religieuse dans « un univers sexiste, homophobe et autoritaire » doit être rigoureusement interdit, voire lourdement sanctionné.
Catherine Vautrin, la seconde ministre de droite, bien que moins médiatisée soulève néanmoins certaines interrogations quand ce n’est pas certaines craintes
Catherine Vautrin a pris ses fonctionsle 12 janvier 2024 dans un grand ministère qui comprend avec les portefeuilles du Travail, de la Santé et des Solidarités. Mais le profil de cette femme de la droite conservatrice inquiète de nombreux professionnels de santé depuis sa nomination, au sein du gouvernement de Gabriel Attal.
Le docteur Olivier Milleron, l'un des meneurs du collectif Inter-Hôpitaux, qui alerte depuis des années sur la crise de l’hôpital, n'y va pas par quatre chemins. « Catherine Vautrin, c’est la Manif pour tous qui entre au ministère de la Santé ! », s'exclame-t-il. Cette ancienne membre de l'UMP, puis des Républicains, ancienne députée et ex- ministre de la présidence de Jacques Chirac a en effet manifesté et voté à l'époque contre le mariage pour tous. Et bien qu'elle ait récemment regretté son vote, le doute subsiste quant à sa sincérité.
Ses positions sur l'avortement interrogent aussi. En 2017, alors qu'elle était députée, Catherine Vautrin faisait partie d'une liste de parlementaires qui avait demandé au Conseil constitutionnel de censurer une loi protégeant l'accès à l'avortement. Une question se pose dès lors concernant sa volonté à faire inscrire l’IVG dans la Constitution qui devrait aboutir théoriquement dans les prochaines semaines. Toutefois la ministre semble vouloir rassurer de ce coté là, car, lors de la passation de pouvoir le 12 Janvier, la nouvelle ministre a semblé donner des gages en rendant hommage à Simone Veil, indiquant : que « son texte fondateur doit être gravé dans le marbre de notre Constitution ».
Catherine Vautrin devra gérer aussi la réforme de l'AME, l'aide médicale d'État, soutenue par la droite dont elle est issue. Mais de très nombreux soignants sont opposés à cette réforme, car la loi sur le contrôle de l’immigration propose de remplacer l’AME par une aide médicale urgente (AMU) plus restrictive. Les rapporteurs du projet de loi constataient cependant que l’AMU serait difficilement applicable : la difficulté de qualifier d’urgente une situation et le périmètre d’action de l’AMU semblent complexes à déterminer. En outre, l'AMU recèle un risque important de renoncement aux soins en raison notamment de l’imposition d’un droit de timbre.
Pour conclure
Autant la nomination au poste de premier ministre de Gabriel Attal n’a pas soulevé d’objections particulière, mais a reçu un accueil plutôt favorable, bien qu’ils soient nombreux à douter de sa réussite. Par contre on ne peut pas en dire autant pour les deux nouvelles ministres issues de la Droite, de même que pour leur collègue de l’éducation nationale, bien que pour d’autres raisons. Une chose est certaine, ces combines politiciennes de la part du Président de la république ne peuvent que creuser davantage le fossé qui sépare les citoyens de la politique, pour le plus grand plaisir des populismes de l’extrémisme de droite et de gauche.
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