Rendons à Robespierre …
Évocations et digressions ...
Établir un parallèle entre un pâle baron régional des Républicains et une figure historique de premier plan pourrait sembler au premier abord assez inapproprié, aussi bien ai-je quelques scrupules à revenir sur un épisode de la vie politique française qui devrait être anecdotique mais qui manifeste une certaine propension de plus en plus courante à la confusion des genres.
Il y a quelques semaines, Laurent Wauquiez a eu l’audace de se revendiquer sournoisement de Robespierre et de sa déclaration en forme de profession de foi « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! »
Dans un grand mouvement trumpissime de surenchère électoraliste, le preux proposait d’embastiller sur un simple soupçon, proposition insolite au pays des droits de l’homme mais qui ouvre à Wauquiez la perspective de pouvoir braconner sur les terres du Front National.
Le cumulard du Puy-en-Velay se pose vaguement ( car tout est vague chez lui, en demi-teinte entre le noir et le vert-de-gris ) en héritier de ceux qui montèrent des camps de d'internement concentrant les réfugiés républicains espagnols sacrifiés par Blum ( le PS déjà ) et fuyant les massacres franquistes pour échouer dans la promiscuité des camps dans le Sud de la France, objet du soupçon entretenu par les ligues fascistes auprès des populations locales.
Ces camps français qui s'enorgueillirent par la suite de servir d'hébergement aux citoyens allemands pourchassés par la fureur nazie et croyant trouver assistance au pays des Droits de l’homme.
Ne rêve-t-il pas d’un Guantanamo français ? Pas en France évidemment, trop voyant, mauvais pour le tourisme mais dans les Antilles ou en Guyane où la perspective d’ouvrir quelques postes de garde chiourmes devrait apaiser les âmes délicates.
Wauquier est, toutes choses restant égales et le talent en moins, le digne fils de ces patriotes qui choisirent en 40 de trahir la France pour se mettre au service de l'occupant.
Du moins en adopte-t-il le comportement et en prend-il les airs qui lui eussent valu de côtoyer le sommet du régime vichyste : il a dû se satisfaire d’être un porte-flingue de la médiocrité sarkoziste, ce qui ne saurait contenter un ego démesuré et une ambition qui ne l’est pas moins.
Or donc avec un Wauquiez et ceux qu’il inspire ou dont il s’est inspiré le délit d'opinion retrouve ses lettres de noblesse ( si l’on peut dire ).
Un simple moment d'égarement mérite le bagne et le principe de précaution est porté à incandescence.
Certes, tout le monde s’accordera sur le sujet, la république doit se défendre et se protéger mais elle se dégrade quand le procès d'intention se substitue au délit, elle contrevient à ses valeurs, et se met au niveau de ceux qui la combattent
Prévenir vaut mieux que guérir mais les moyens de la prévention doivent être par définition subtils et en tout cas moins inadaptés que l'enfermement systématique des déviants ou supposés tels dans des écoles du crime.
La symbolique générée par Guantanamo a étoffé les rangs de Daech ou autres engeances de même nature en attisant les courants de sympathie et en ensemençant le terreau avec les graines qui font de simples révoltés des desperados.
Qu'un Wauquiez veuille abaisser la démocratie et l'état de droit est dans la logique de la filiation à laquelle il semble faire allégeance sans le revendiquer clairement n’est certes pas une surprise, il nous a habitué aux ficelles de la démagogie bien que, pâle copie, il n’égalera jamais les originaux experts en la matière.
Néanmoins on peut craindre dans un moment de déprime qu’un jour son rêve pourrait advenir : qu’une majorité électorale acceptât d'aliéner sa liberté en une version modernisée de la servitude.
Du pain et des jeux et si le pain vient à manquer du fait de la sottise des gouvernants , des jeux et des coups de pied aux fesses !
Je suis liégeois et, par mon histoire familiale je suis lié à la révolution française et à l’empire, j’ai découvert ce passé par le plus grand des hasards en feuilletant des archives : il avait été gommé ou oublié dans la mémoire familiale.
Comme beaucoup de mes concitoyens ( il faut savoir que le 14 juillet fait l’objet à Liège de réjouissances et de festivités que la fête nationale belge ne suscite absolument pas ) j’ai donc un attachement viscéral pour la France, celle de la révolution et pas celle de la restauration qui continue de manifester ses effets délétères..
Robespierre déchaîna certes les chiennes de l'enfer mais c'était un vrai patriote ( il mettait, lui, un contenu à la notion de patrie qui est toute entière contenue dans la devise nationale ) et il réussit même si il y laissa sa tête à sauvegarder l'esprit de la révolution et ses principes quand les revanchards fleur-de-lysés n'hésitaient pas à épouser le parti de l'étranger ( ça ne vous rappelle rien aujourd’hui ? ) pour enlever au peuple victorieux les acquis de son combat et, parmi ces acquis, celui fondamental pour l'homme de la plus vile extraction d'être reconnu comme un citoyen à part entière.
La terreur ne se justifie pas surtout avec notre regard d’aujourd’hui mais elle s’explique. Et contrairement à ce que Valls prétend, expliquer n’est pas excuser.
Les morts de la révolution furent bien trop nombreux sans aucun doute mais qui sait si leur comptabilité ne représenta un moindre mal par rapport aux punitions collectives que se promettaient bien d'infliger au peuple de France les suppôts de l'Ancien régime : l'histoire de France est trop riche de leurs sanguinaires méfaits pour ne pas leur prêter des intentions qui l'eussent été moins.
En ces temps de fureurs et de vengeances où, tel un récipient éclatant sous une pression excessive, le peuple se libéra de siècles de joug et d'injustices, la terreur fut sans doute un passage nécessaire sinon obligé.
Fatale de toute manière puisqu’elle advint.
Comparer la menace que font peser quelques dizaines d’écervelés ( sans doute moins nombreux que les fous du volant ) à la guerre que menait l’Europe entière alliée aux aristocrates collabos qui rêvaient d’abreuver les sillons des champs de France du sang de leurs concitoyens manants est d’une rare indécence : circonstance atténuante pour Wauquiez, elle découle des excès de langage et de la confusion qu’entretiennent les autorités de ce pays pour dramatiser la situation à de seules fins électoralistes.
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON